J'avais beaucoup aimé le 1er roman d'Emmanuel Pirotte et j'espérais retrouver les émotions qu'il m'avait inspirées en lisant cet opus-ci.
En outre,
Christopher Marlowe est un des personnages historiques qui me fascinent le plus : sa vie de débauché couplé à à un talent littéraire reconnu, son attitude rebelle en même temps que les missions d'espionnage pour la Reine, son athéisme dans une époque de guerre de religion, une vie de bruit et de fureur brève et intense qui s'achève par une mort violente et mystérieuse. Dans beaucoup de romans, sa figure apparaît, tour à tour agent secret manipulateur et séducteur, compagnon secret de
Shakespeare voire vampire immortel.
Ce roman est une sorte d'uchronie : et si Marlowe n'était pas mort dans une rixe de taverne à Deptford mais avait été recueilli par un de ses anciens amants et amis dont la femme s'éprend de Marlowe.
J'avoue avoir eu du mal à entrer dans le roman. le sujet étant une passion amoureuse à l'époque élisabéthaine, je m'attendais à une écriture plus charnelle, plus luxuriante, à des descriptions qui m'auraient fait imaginer les ors et l'éclat de la Renaissance anglaise. A la place, j'ai eu l'impression d'avoir du Vermeer, bourgeois et tranquille.
La liaison de Jane et de Kit elle-même m'a semblé manquer cruellement de chaleur et de fulgurance., de chair, même si les détails crus ne manquent pas. Pour moi, les deux personnages pourtant très forts ont eu du mal à s'incarner dans les mots de Pirotte.
Je pensais également trouver plus présentes la poésie de Marlowe,, les citations issues de son oeuvre. le passage par la traduction a été probablement un filtre supplémentaire pour appréhender pleinement la beauté des vers de Marlowe.
Bref, j'étais déçue… Et puis dans les 50 dernières pages, le déclic s'est produit. L'ennui et l'indifférence éprouvés pendant ma lecture se sont mués en intérêt ; j'ai trouvé la langue de Pirotte plus épanouie, plus truculente. L'amour entre Christopher et Jane prend enfin réalité à travers leurs lettres. Enfin, j'ai cru à la passion entre ces deux êtres mais la fin est arrivée très vite. En refermant le livre, je me suis dit que le mystère Marlowe demeure.
Côté positif, l'auteure a brossé un portrait de femme réussi. Jane est tiraillée entre des désirs, des aspirations et des croyances contradictoires. Elle est minée par sa foi qui lui fait éprouver de la culpabilité mais met en avant sa volonté de se libérer du carcan sociétal ; elle est partagée entre son amour miraculeux et la réalité d'un avenir impossible avec l'homme qu'elle aime. Son ambition littéraire se heurte à sa condition de femme.
Son évolution au fil des pages et de sa relation avec Marlowe est perceptible.
Au final, je garderai quand même un bon souvenir de lecture de ce roman.