Finalement, tout est simple. Je suis arrivé à un carrefour :
A gauche, une route qui descend, bordée de fleurs, attrayante, pleine de rires et de fêtes, mais courte. Elle mène à un village sinistre, habité d'une pharmacie, d'un bar PMU, d'un asile d'aliénés et d'un cimetière.
A droite, un chemin qui monte par paliers, plein de ronces, de chardons et d'aubépines. On s'y déchire les pieds sur les cailloux, mais il sent bon...
On s'essouffle en grimpant mais les mûres y sont juteuses et si l'on coupe les orties, l'herbe verte est épaisse pour s'y reposer !
Il parait que si l'on arrive au sommet, l'air a la pureté de la liberté et l'âme est devenue si ferme que l'on peut regarder le soleil les yeux grands ouverts!
Il y a un fait, cependant, dont je me souviens avec précision qui, alors, me semblait logique et très représentatif de cette lutte entre le corps et l'esprit : chaque fois que j'envisageais les diverses possibilités qui s'offriraient à moi au cas où, finalement, je me déciderais à passer de l'autre côté du miroir, je cherchais celles qui m'éviteraient la douleur physique, plus effrayé par la souffrance que par la mort elle-même !
Mon mal-être est profond. Je n'ai le courage de me confier à personne.
Je ne supporte plus, depuis longtemps, le troublant miroir qu'est le regard des autres.
Je ne me rase plus. Mon visage me fait peur.
Je suis seul. J'ai mal. Je me hais.
Le bien-être que procure la lente perte ne me surprend pas, on m'en avait parlé.
Je sombre rapidement dans un profond sommeil sans cauchemar, une sorte de vide complet duquel je ne sors qu'à l'infirmerie le soir même.
« A très bientôt. Il est fort probable que vous fassiez partie des 80 % de patients qui reviennent nous voir régulièrement » !