Nettoyage, lotion, hydratation. Je n’allais quand même pas me négliger sous prétexte que mon compagnon venait de coucher avec une femme qu’il connaissait à peine. Quand j’en eus assez de me frotter le visage, je regardai le résultat : écarlate, marbré. Charmant.
Je contemplai mon reflet avec une sorte de détachement teinté de fascination. Ignorant les rougeurs que je venais de m’infliger, je trouvai que je n’étais pas si mal, à trente et un ans. L’éclat resplendissant de ma jeunesse avait probablement besoin d’une légère touche de maquillage ici et là, et l’application régulière d’un effet coup de soleil sur quelques mèches restait sans doute la seule façon d’empêcher mes cheveux de jouer sur la gamme triste du châtain, mais je n’étais pas si différente de la jeune femme à qui Nathan avait proposé de sortir dîner, cinq ans plus tôt, à la photocopieuse.
Non, ce dont nous avions besoin, avais-je cru, était d’un endroit tranquille et relaxant où nous aurions l’opportunité de nous retrouver, de redécouvrir pourquoi nous étions tombés amoureux – et si ça échouait, quelques humains dans les environs et surtout beaucoup de choses à voir, une belle quantité de visites touristiques sur lesquelles se rabattre.
En superficie, notre vie semblait harmonieuse. Lever, journée au travail, retour le soir. À l’heure du dîner, chacun prétendait ne pas avoir faim dans l’espoir que l’autre propose de préparer quelque chose sur le pouce, jusqu’à ce que l’un de nous cède en mettant une barquette au micro-ondes. Puis nous restions affalés devant la télé.
J’avais toujours considéré que c’était chez lui une grande qualité ; cette capacité à rester calme et placide face aux aléas de mes émotions. En cet instant, je voyais pourtant bien qu’il ne faisait rien d’autre qu’enfouir sa tête dans le sable en espérant que la tempête serait passée le lendemain.
Il aurait dû éprouver le besoin de s’expliquer et de présenter ses excuses, de préférence à plat ventre. Ce naturel calme et posé qui m’avait paru tellement rafraîchissant et si loin de l’attitude macho, quand nous nous étions rencontrés, me tapait maintenant sur les nerfs.