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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Une séance de cinéma musclée, une relation incestueuse, une séance photo inoubliable, une fugue tirée par les cheveux, des bobards entre potes, une drôle de virée en Floride, des poissons au fond d'un sac, une soirée pluvieuse avec tata, de l'entrainement, de l'entrainement, de l'entrainement... et encore d'autres nouvelles signées Donald Ray Pollock.

À Knockemstiff, petite bourgade grise dans l'Ohio, il ne fait visiblement pas bon vivre. Parce qu'à Knockemstiff, il n'y a rien à faire. À part se shooter à la bière, au cannabis, à la Bactine ou aux stéroïdes, et éventuellement tirer un coup.
À Knockemstiff, on y croise, au hasard des rues -vides -, des personnages déjantés, défoncés, effrayants, impétueux ou alcooliques. Entre misère, solitude et violence, ces laissés-pour-compte, tout droit sortis d'un autre monde, errent dans leur propre vie.
L'ambiance y est poisseuse, âpre, crasseuse, tempétueuse et l'écriture brute, âcre et sauvage.
Dix-huit nouvelles profondément sombres et désespérantes...

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Enfant, on a tous fantasmé notre vie.
Moi, comme tout un chacun, j'aurais adoré faire renifleur d'aisselles, branleur de dindons, sirène de parcmètre voire, rêve absolu, exciteur de panda (à noter, pour tous les défenseurs de la cause animale amateurs de sensations fortes, que tous ces boulots existent réellement) mais la dure loi du sport en décida autrement.

Pollock, en boussole avisée, vous présente ici, par le biais de moult nouvelles brillamment torchées, le cauchemar absolu en matière de plan de carrière.

Je suis pas fan des nouvelles, le format ne me convient pas.
Mais ça, c'était avant. Avant de picorer Donald Ray, en tout bien tout honneur, et de redécouvrir son univers cradingue, enténébré, déjanté et complètement désabusé.

Knockemstiff prouve, si besoin était, la propension quasi inexistante de Pollock au rire et à la gaudriole.
Dix-huit nouvelles pour s'en faire une p'tite idée.
Dix-huit tranches de vie consternantes qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi...sauf à Jean-Pat qui fait rien que me piquer mes gommes au bureau.
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Donald Ray Pollock m'avait littéralement troué le c.. l'an dernier avec son premier roman, le diable tout le temps. Une énorme claque à laquelle je ne m'attendais pas du tout. A la fois totalement barré et parfaitement maîtrisé, dévastateur, sans aucune retenue. Pas un bouquin pour les petites natures, quoi.

A découvrir aujourd'hui ces nouvelles publiées avant le roman, je me dis que le bonhomme sait aussi y faire avec la forme courte. Ce que j'apprécie chez lui, c'est qu'il ne faut pas trois plombes avant de savoir où on met les pieds. Laissez-lui cinq lignes et il vous plante le décor de façon magistrale. Exemple avec la première phrase de la nouvelle intitulée Dynamite Hole : « Je descendais juste des Mitchell Flats avec trois pointes de flèches dans ma poche et un serpent copperhead mort qui me pendait autour du cou comme un châle de vieille bonne femme, quand j'ai surpris un gars nommé Truman Mackey en train de baiser sa petite soeur dans Dynamite Hole. »

Bienvenue à Knockemstiff, Ohio. le trou de balle de l'Amérique. Une population 100% blanche, désoeuvrée, décérébrée, accro à toutes les sortes d'opiacées imaginables et qui vit dans des caravanes où des mobil-homes. On y croise un père ravi de voir son fils casser la gueule à un autre gamin sous ses yeux, une nièce qui joue les racoleuses pour sa tante et drogue le premier clampin venu afin que la tata ait un homme à poil dans son lit en se réveillant le matin ou encore une nana qui adore à ce point le poisson pané qu'elle en garde toujours quelques bâtonnets au fond de son sac à main. Tous ces gens vivent en vase clos. Impensable pour eux de sortir des limites du comté pour aller « découvrir le monde. » Et quand ils tentent leur chance c'est pour être pris en stop par un camionneur aux intentions pas très catholiques. Dix-huit nouvelles pour autant de cas totalement irrécupérables. Y a pas à dire, elle est pas jolie-jolie la vie au fin fond de l'Ohio !

Attention, cette prose au vitriol est dangereuse : ça pique, ça gratte, c'est hautement abrasif et furieusement décomplexé. Vous serez prévenu, lire une nouvelle de D. Ray Pollock, c'est un peu comme s'exfolier au papier de verre. Spéciale comme pratique mais perso, c'est tout ce que j'aime...
Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Dire que je trouvais que le roman "Kentucky straight" de Chris Offutt était peuplé de crétins pathétiques, de loosers fabuleux, de débiles congénitaux, d'une bande de ploucs irrécupérables…

Et bien, figurez-vous que je viens de tomber sur pire qu'eux ! D'ailleurs, face aux habitants de Knockemstiff (Ohio), ceux de Kentucky Straight sont fréquentables, c'est vous dire.

Je vous préviens de suite, après avoir terminé ce roman, vous vous sentirez poisseux et aurez juste une envie : vous doucher et vous récurer à la brosse en crin tant les gens sont crasseux mentalement.

Ici, il n'y a rien à faire, si ce n'est avoir des relations incestueuses, tuer des gens, boire de la bière bon marché, se shooter avec tout ce qui passe, laisser traîner des bâtonnets de poissons panés au fond de votre sac à main, traiter son gamin de gonzesse, lui apprendre à se battre, violer des poupées, fuguer,…

Ne jamais sortir de ses eaux territoriales, ne jamais explorer une ville voisine. Rester en vase clos (et se reproduire). de toute façon, celui qui a fugué pour tenter sa chance ailleurs est tombé sur un camionneur bizarre et sordide.

Toutes ces belles choses, vous le retrouverez dans ce roman composé de nouvelles toutes plus sordides les unes que les autres.

Je ne suis pas toujours fan des nouvelles, mais ce format va à merveille pour ce genre de récits car il permet de remonter à la surface pour prendre une goulée d'air avant de replonger dans la noirceur poisseuse, style cambouis épais, d'une autre nouvelle.

Au total, il y en a 18, toutes du même acabit car l'auteur nous dresse des portraits au vitriol de cette petite ville qui existe vraiment et où on ne voudrait pas passer ses prochaines vacances, ni en être originaire.

Même les célèbres Barakis de chez nous sont moins atteints que ceux qui hantent ces pages. Pourtant, dans le fond, ils ont le même mode de vie : chômeurs, alcoolos, vivant dans des caravanes pouraves, portant le training… (Je vais me faire lyncher, là).

Des récits sombres de déchéances humaines, des portraits de gens dont on ne voudrait pas croiser la route, des pères qui gagneraient à passer l'arme à gauche tant ils font subir le pire à leurs gosses, des femmes qui auraient gagné à se casser la jambe le jour où elles ont rencontrés leurs maris et le col de l'utérus le jour où ont couplés ensemble.

Des récits sombres, violents, poisseux dont il fallait le talent de conteur de Donald Ray Pollock pour arriver à les mettre en toutes lettres tant ils sont à la limite du supportable, ou alors, il faut déconnecter son cerveau et ne pas trop penser lorsqu'on lit car ceci n'est pas vraiment de la fiction mais la réalité dans ses tristes oripeaux.

18 nouvelles trash, 18 nouvelles noires, peuplées de personnages tous plus tarés les uns que les autres, tous irrécupérables, de personnages que l'on croisera au détour d'une autre nouvelle, et qui viendra confirmer que oui, même lui était irrécupérable.

18 nouvelles sordides où l'Homme ne veut pas s'élever au-dessus de sa condition, préférant barboter dans sa crasse, sa misère, son petit train-train banal et nauséabond.

18 nouvelles qui dérangent et qui grattent là où ça fait mal.

Néanmoins, j'avais préféré ses deux romans "Le diable tout le temps" et "Une mort qui en vaut la peine" qui, tout en étant aussi sordide et nauséabond, m'avaient plus emballé.

Lien : https://thecanniballecteur.w..
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La seule évocation du nom de cette bourgade américaine de Knockemstiff a longtemps dû donner des sueurs froides à Donald Ray Pollock, avant qu'il ne décide de s'atteler à décrire les moeurs glauques de ses habitants au patrimoine génétique dégénéré par la consanguinité. Oui, l'auteur sait très bien de quoi il parle lorsqu'il évoque Knockemstiff puisqu'il en est natif. Et oui, il existe réellement une ville portant ce nom absurde auquel on finit pourtant par s'habituer et par prononcer sans plus se poser de question, jusqu'à ce qu'un touriste bobo, perdu dans les vastes plaines de l'Ohio, finisse par demander à ses habitants demeurés : « Pourquoi Knockemstiff ? » -littéralement « bute les raides » ? Ceci dit, ce n'est pas plus troublant que le nom de cet autre bled perdu dans le fin fond de la Grande Amérique : « Toad Suck » - « Suce, crapaud ». Ici comme là-bas, les mêmes affaires cradingues se jouent selon des règles à peu près similaires, les hommes abrutis par des générations de travail épuisant, d'alcool et de pauvreté. Çà et là, quelques parcelles de bon sens émergent, quelques illuminations essaient de s'échapper d'une réalité peu reluisante, mais se laissent aussitôt piéger par un atavisme infernal qui piège ses proies dans le même cercle vicieux qui agit depuis des siècles.


Donald Ray Pollock sait de quoi il parle. Lorsqu'il évoque les boulots sordides et la fatigue du travail ouvrier, sans doute se réfère-t-il à sa propre expérience qui le fit s'agiter pendant 32 ans en tant qu'ouvrier dans une usine de pâte à papier, avant de devenir conducteur de camion. Donald Ray Pollock trouve malgré tout le courage de s'inscrire à des cours d'écriture créative à l'âge de 50 ans et, quatre ans plus tard, il imprime Knockemstiff sur cette pâte à papier auprès de laquelle il a si longtemps travaillé.


Quoi de mieux, pour représenter l'éventail des familles et individus peuplant cette bourgade, que d'emprunter la forme du recueil de nouvelles ? Donald Ray Pollock scinde son livre en plusieurs parties que l'on peut considérer soit comme des chapitres, soit comme des nouvelles, selon si l'on préfère lire le roman d'un coup ou si l'on préfère venir y grappiller irrégulièrement. Il me semble toutefois que l'idéal serait de considérer que ces nouvelles forment un tout qu'il est préférable de lire sous le coup d'une seule impulsion. Toutes décrivent la vie à Knockemstiff dans une période relativement brève, car certaines situations se recoupent et introduisent des points de vue divergents autour de la même scène. Les sautes chronologiques sont rares, et lorsqu'elles figurent, elles relient le présent à un passé collant comme de la glu : impossible de se défaire de l'héritage de Knockemstiff. La lecture rappelle souvent Last Exit to Brooklyn de Hubert Selby : ici aussi, les destins s'affrontent en lieu clos et disposent de peu de moyens pour prendre leur envol. Dans la forme, également, on retrouve cet enchevêtrement d'existences désillusionnées qui confèrent son âme à la ville qui les abrite. Mais là où Donald Ray Pollock se distingue en particulier, c'est dans le langage qu'il utilise. Alors que Hubert Selby se contentait d'une écriture plate et ordinaire pour décrire les turpitudes de la vie des habitants de Brooklyn, Donald Ray Pollock manie avec souplesse un langage imagé qui tire ses références du monde prolétaire du 21e siècle -publicités, parcs d'attractions et hypermarchés en tête des valeurs indétrônables. le pathétique y est moindre, les personnages ne se plaignent ni ne se lamentent dans une litanie de points d'exclamations. Pour autant, et peut-être même d'ailleurs, ce qui n'est pas dit transparaît de manière beaucoup plus éloquente dans les décisions que prennent les personnages et dans les comportements stéréotypés qu'ils adoptent, comme un nouveau langage dont les gestes seraient les mots et l'existence serait le sens.


Donald Ray Pollock n'essaie pas non plus de véhiculer un message moral ou engagé : il décrit ce qui est tel qu'il le perçoit. Libre au lecteur d'en faire sa soupe. La construction même de ses nouvelles est unique : là où la plupart des textes relevant de cette forme littéraire s'achèvent par une conclusion abrupte censée déchirer le lien existant entre le lecteur et la nouvelle, Donald Ray Pollock semble au contraire vouloir prolonger son texte au-delà du point final. Ses personnages se métamorphosent ainsi peu à peu, au cours de la lecture : de crasses, ignares, vulgaires, demeurés qu'ils étaient dans les premières pages de la nouvelle, ils acquièrent une grâce dans les gestes et une cohérence dans les actes qui leur confèrent la même dignité qu'à tout homme moyen. La transmutation s'achève généralement dans les dernières lignes : le temps semble se ralentir et les personnages se figent en un tableau proche d'une crucifixion extatique. Donald Ray Pollock nous transporte de l'abrutissement télévisuel et alcoolique à la grâce divine sans avoir touché à l'intégrité de ses personnages, mais en se contentant de révéler la logique incontestable et inextricable de leur existence.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Ça fait plus d'un an que tout le monde parle de Donald Ray Pollock et de son roman le diable tout le temps. Pollock serait, à en croire tout ce que l'on a pu lire, le nouveau chantre de la violence en milieu rural, la nouvelle voix des white trashes après Woodrell, Crews et Cie.
C'est finalement avec Knockemstiff, recueil de nouvelles paru avant le diable tout le temps que je rencontre Donald Ray Pollock. Et, de fait, il est clair que l'on retrouve là cette tradition des écrivains du Sud et du Midwest, de ces coins paumés et oubliés du reste du monde. Cela évoque tour à tour l'univers d'Harry Crews, de James Ross ou encore de Larry Brown. Bref, à Knockemstiff (notons que ce nom à coucher dehors est celui d'un lieu réel, une ville aujourd'hui abandonnée), Ohio, on trouve des obsédés de la gonflette prêts à mourir pour un semblant de reconnaissance, des vieux alcoolos et des jeunes accros au crystal meth… d'une manière générale des paumés pris au piège de ce marigot dans lequel stagnent les rejets du rêve américain, comme si les habitants de Knockemstiff et de tous ces patelins du trou du cul des États-Unis payaient l'addition qui permet à d'autres, sur l'une ou l'autre des côtes, de vivre de façon glamour ou de s'imposer comme la première puissance mondiale. Un décalage qui apparaît clairement dans cette nouvelle où un couple de californiens s'arrête pour prendre quelques photos des indigènes tout en s'étonnant de trouver là, dans ce pays si riche et moderne, des gens aussi pauvres et arriérés.
Et si Pollock met en scène quelques velléités de fuite, les protagonistes ne vont jamais bien loin ou on tôt fait de revenir : trop camés, trop inadaptés, ils font l'amère expérience de la terrible force d'inertie qu'entraîne le cercle vicieux de la désindustrialisation, de la religiosité tordue, du chômage…
On ne cachera pas que, après avoir lu il y a seulement quelques semaines, les Chiennes de vies de Frank Bill, le thème apparaît redondant et l'on se gardera bien de coller sur le dos de Pollock une certaine lassitude à lire ces histoires de ratages et, d'une façon plus générale, de déclin. Reste que l'auteur, à travers une écriture imagée et un ton faussement familier arrive à embarquer son lecteur dans ses récits cruels, âpres mais loin d'être dépourvus d'humour. Force est donc de reconnaitre le talent de Donald Ray Pollock et, si l'on regrettera parfois des fins un poil convenues ou bien un peu sèches (comme si l'auteur, tout à coup, entendait couper court), on ne peut que saluer sa façon de nous y plonger à chaque fois en quelques phrases bien senties.

« Tout le monde à Knockemstiff croyait que Duane sortait avec la première vraie femme de sa vie ce soir-là, mais c'était des craques. Il avait répandu la rumeur partout dans le val, puis il s'était occupé des détails majeurs au Torch Drive-in : étalé une grosse goutte de ketchup sur la banquette arrière de la Chrysler de son paternel, renversé un peu de vin sur une culotte déchirée de sa soeur ; il s'était même concocté deux suçons en se les marquant au fer sur le cou avec une petite cuiller chauffée avec son Zippo. Ensuite, il avait passé le reste de la soirée affalé comme un crapaud derrière son volant, à attendre de rentrer chez lui. Il a bu un pack de bière tiédasse et regardé Women in cages et Female Moonshiners. L'odeur de chair brûlée restait dans la voiture comme celle du pop-corn ».

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Donald Ray Pollock, né en 1954 à Knockemstiff (Ohio) est un écrivain américain. Après avoir travaillé dans une usine de pâte à papier pendant 32 ans en tant qu'ouvrier et conducteur de camions, à 50 ans, il s'inscrit à des cours d'écriture créative à l'Université d'État de l'Ohio. Après avoir lu le Diable, tout le temps j'ai poursuivi ma découverte de l'univers de l'écrivain avec ce Knockemstiff, son premier ouvrage, paru chez nous en 2010 et qui vient tout juste de ressortir chez Libretto.
Recueil de dix-huit nouvelles, qui toutes ont pour cadre Knockemstiff, un bled de l'Ohio. Vu qu'il s'agit de la ville natale de l'auteur, on peut être quasi certain que les lieux tels qu'ils sont peints correspondent à la réalité ou s'en approchent fortement et que les personnages au coeur de ces textes, ressemblent à des gens que Pollock a connus. Et tout cela n'est pas bien beau, c'est le moins que l'on puisse en dire. le bled ressemble au trou-du-cul du monde, dans tous les sens où cette comparaison puisse être prise et ses habitants, les héros des nouvelles de Pollock, une brochette de demeurés salement amochés par la vie.
Jeune déserteur qui viole une petite fille, mère d'un gamin qui fantasme sur les serial-killers et demande à son fils d'en jouer le rôle, la nièce qui aide sa tante à draguer des minables dans des lieux sordides, des culturistes dopés à mort. Certains personnages reviennent d'une nouvelle à une autre, comme Geraldine qui se balade avec des bâtonnets de poisson pané dans son sac ou bien Jimmy qui se came avec un antiseptique ; des lieux emblématiques de Knockemstiff nous deviennent familiers, l'épicerie de Maud Speakman ou le Hap's Bar.
Souvent, pour ne pas dire toujours, les fils ont des relations conflictuelles avec leurs pères, « « T'en as fait une mauviette », qu'il a dit à ma mère une fois rentré chez nous » ou bien « Avec mon père, tout avait toujours été une affaire de combat ». Et quand le père se fait un devoir d'éduquer le fiston, c'est pour lui enseigner la violence, « Mon père m'a montré comment faire mal à quelqu'un », crédo déjà repéré dans le Diable tout le temps. Les maris tabassent leur femme et les gosses trinquent pendant que les parents picolent.
Les plus ambitieux, une minorité, voudraient quitter la ville pour recommencer leur vie à zéro ailleurs mais à peine partis, ils y reviennent dare-dare, condamnés comme Sisyphe à remonter (ou descendre, ici) la pente pour l'éternité, « Juste encore une fois, juste une fois avant de partir pour de bon ».
Drogues, alcool, sexe sordide, misère, ennui… l'Amérique profonde fait peur - une face de l'Amérique épouvantable et effrayante où bêtise et violence règnent en maître - et Donald Ray Pollock nous en met plein la tronche avec son écriture coup de poing que le format court de la nouvelle exacerbe, les phrases claquent comme des gifles au visage du lecteur installé confortablement dans son fauteuil douillet.
A ceux qui se risqueront dans ce marigot, faites une pause entre chaque nouvelle et ouvrez souvent la fenêtre pour aérer, le bouquin pue la mauvaise haleine, le cul sale, la pisse et le tabac froid. Et pourtant, vous tenez-là un putain de sacré bouquin. « Sous le jupon de la pauvre Hélène, sous son jupon mité, moi j'ai trouvé des jambes de reine » chantait Brassens…
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Ce premier ouvrage de l' auteur, paru en France en 2010, est un recueil de dix-huit nouvelles formant un ensemble cohérent. Tous ces récits narrent les déboires des habitants de cette bourgade perdue de l' Ohio. Un plan de Knockemstiff figure en préface afin que le lecteur puisse se retrouver entre les multiples lieux et personnages cités. A travers toutes ces tranches de vie, Donald Ray Pollock brosse un tableau édifiant de l' Amérique profonde, celle de ces petits blancs miséreux vivant quasiment en autarcie. Au menu : pauvreté, malchance, alcoolisme,violence, toxicomanie, inceste, humiliations,arriération mentale, maladies invalidantes.....Le tout est servi sans misérabilisme mais avec un humour féroce, souvent graveleux, un peu à la manière d' un Bukowski. A noter que certains récits vraiment trash peuvent provoquer une sensation de nausée chez le lecteur. Un auteur à suivre...
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Knockemstiff, c'est le nom d'un bled.
Un bled paumé de l'Ohio, USA.
Le genre de bled qui ne vous donnerait pas envie de vous arrêter si jamais vous aviez l'idée saugrenue de le traverser lors d'une balade en voiture. Dans l'une des Nouvelles de ce recueil, dense, de Donald Ray Pollock, le narrateur, entre deux ecstas, nous indique que le nom provient d'une bagarre ayant opposé deux femmes pour une histoire de tromperie conjugale, en pleine rue du bled en question : « knock her stiff » ou « frappe la très fort » (ou aussi "mets lui sa race !")
Bon, l'historique est posé et annonce la couleur : on touche le fond.
L'écriture rêche de Pollock nous embarque dans l'Amérique des laissés pour compte, de ces territoires où il n'existe aucune perspective éducative, culturelle et sociale. Oubliés des politiques, les services publics sont tout aussi inexistants, et dans ce terrain fertile, la came, sous toutes ses formes, s'écoule dans les familles.
De knockemstiff, quasiment tous les héros maudissent le lieu. Tous veulent fuir mais la ville les tient par les tripes. Les maigres tentatives se soldent toujours par des échecs.
De plus, où aller ?
Pour construire ailleurs, il faut de l'énergie.
Et l'énergie et l'envie de ces protagonistes, elles ont été bouffées par le Fentanyl, le Vicodin, le terrifiant OxyContin et tous les anti-douleur sur ordonnance qui ont fait la fortune des laboratoires pharmaceutiques mais qui ont transformé des millions d'américains en toxicos aux opioïdes. le scandale a explosé ces dix dernières années, dénombrant plus de 400 000 américains décédés des suites de leur addiction, administrée par des médecins en toute légalité. Une véritable épidémie qui touche toutes les catégories sociales et qui perdure sur plusieurs générations, car les tout-petits naissent en état de manque et grandissent en développant des pathologies ou souffrent de retard de développement.
Une véritable tragédie.
On croise dans les histoires de Pollock, ces hommes et ces femmes dont le destin a basculé, qui ont tout perdu ou presque, et dont le seul moment de répit ou d'espoir est celui qui suit l'injection, l'inhalation ou la prise de petites pilules entières ou réduites en poudre. Même les sprays de Bactine font l'affaire. Certains sont animés de bonnes intentions, d'autres ont littéralement pété les plombs et basculent dans une extrême violence. Pollock déglingue soigneusement le rêve américain, la réussite sociale à tout prix, la vente libre d'armes à feu, la « Great America », divisée, raciste et sexiste.
C'est glauque, c'est sombre. La puanteur et la crasse transpirent des pages (ça collerait presque aux doigts ! ). Mais la grand force de Pollock, c'est de dégager de ses personnages une grande humanité, et d'en rendre certains (pas tous hein !) attachants par un sens de l'ironie bien maîtrisé.
Une belle découverte de l'auteur sur du format court qui me donne envie de lire son dernier roman « le Diable, tout le temps ».
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Etranger, lecteur... Toi qui t'aventures dans ce trou du cul du monde, au fond de cette impasse où l'humanité semble avoir abdiqué...

... pense à laisser derrière toi toutes les valeurs qui te permettent de progresser dans l'existence la tête haute et le regard fier, l'honnêteté (y compris et surtout celle dont t'efforces de faire preuve envers toi-même), l'altruisme, le respect d'autrui...

... oublie toutes les joies, tous les petits plaisirs -sans même parler des grands bonheurs-, qui enrichissent le quotidien et rendent plus supportables les vicissitudes et coups du sort qu'elle nous fait inévitablement subir parfois : l'amour, l'amitié, la cohésion familiale...

Tout ce qui fait de la vie un moment finalement pas si mal, voire parfois carrément heureux, n'a pas cours ici.

Dans ce cloaque où même le désespoir est sans flamboyance, la virilité des hommes -ainsi qu'elle est enseignée aux petits garçons- se mesure à leur capacité à cogner sauvagement tout individu qui lui aura soi-disant manqué de respect. Aucun réconfort, aucun soutien n'est à attendre d'amis, ou de proches que l'on pourrait qualifier d'inexistants, tant leur indifférence (et encore, dans le meilleur des cas, car ils peuvent aussi se montrer abjectement méprisants, voire cruels) est abyssale. le lendemain, l'avenir eux-mêmes sont de vains mots, les habitants de ces lieux y sont engloutis dans un éternel et morne présent. Et même les substances diverses dont ils se gavent sans plaisir -drogues et alcool, médicaments, aérosols...- ne leur procurent aucune évasion.
Le sexe n'y est jamais synonyme de jouissance ou de tendresse, mais pervers et contraint.

L'incursion dans cet univers de pauvreté crasse, de misère intellectuelle, dénué d'amour, de gaieté, de toute couleur, provoquera peut-être en toi -comme ce fut le cas en ce qui me concerne- une irrépressible et permanente envie de te doucher*... Tu auras même l'impression, par moments, de subir les relents nauséabonds qui émanent des taudis et des vieilles caravanes insalubres qui servent de gîte à ces pauvres hères, ou de sentir l'ignominie de leurs odeurs corporelles.

Tu auras probablement du mal à les prendre en pitié.

Et quand tu croiras avoir déjà touché le fond, atteint le summum du sordide et de l'abjection, complètement abruti, répugné par le brutalité et la laideur de ce monde, Donald Ray Pollock te fera descendre encore plus bas...

Méfie-toi, lecteur, étranger... Cette bourgade de Knochemstiff a sans doute, en dépit de son absence totale de charme -et tu l'auras compris, c'est un euphémisme- un étrange pouvoir magnétique. Il semble en effet très difficile de la quitter : ceux qui y subissent les pires déchéances se montrent incapables de sortir de ce trou qui pourtant ressemble à s'y méprendre à l'enfer, du moins tel que je l'imagine, du moins s'il existe.
... A moins que Konckemstiff ne SOIT l'enfer ?

Alors, à toi qui as tout de même décidé de tenter une immersion dans cette fosse à purin -et, ceci dit, je te la conseille vivement-, je souhaite bon courage et bonne lecture...

Lien : http://bookin-inganmic.blogs..
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