« Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. »
Depuis le temps que la lecture de ce monument de la littérature me trottait dans la tête et que je la repoussais à coups de « bonnes » excuses, il fallait bien que le temps me rattrape un jour. Et c'est par une LC qu'il est venu délicatement me cueillir.
J'ai beaucoup aimé la première partie, qui n'est pourtant pas la plus facile d'accès avec ses longues phrases entrecoupées de parenthèses et de tirets. Il m'a fallu un temps d'adaptation, il m'a surtout fallu prendre le temps, pour qu'elles raisonnent en moi, pour m'imprégner de leur rythme particulier et des sensations, des vibrations, des senteurs, des saveurs, de l'humour aussi.
Le narrateur nous convie dans les déambulations romanesques et sensorielles de son enfance en empruntant des chemins de traverses, un peu comme une conversation qui dériverait d'un sujet à un autre jusqu'à ce que les intervenants se regardent perplexes en se demandant comment ils en sont venus à parler de ce sujet. Nous observons son monde intérieur se modeler dans son environnement, et vice versa. Il nous rappelle que ce qu'on croit être La réalité n'est qu'une réalité fictionnelle parmi d'autres. C'est fascinant de le voir tenter de retenir le temps dans ses mains en coupole et d'essayer de comprendre comment certains souvenirs se fixent et vivent une autre réalité en parallèle.
Mais (car il y a un mais…) il y a aussi, de mon point de vue, des longueurs assommantes. A cet égard, la deuxième partie m'a paru interminable. Cette partie, consacrée à Swann, est très différente de la première, plus axée sur sa passion amoureuse et ses sauts de
jalousie. L'analyse des amours de Swann y est tellement décortiquée que cela a fini par m'ennuyer souverainement. J'étais bien plus intéressée par les anecdotes et les détails de ce milieu aisé, détestable, sans l'être vraiment sous le regard du narrateur, meublant l'ennui à sa façon, pétri de convenances guindées et protocolaires. Ça sonne si juste qu'on s'y croirait.
Quant à la troisième partie, bien plus courte, à l'image d'un épilogue, elle réconcilie à sa façon les deux premières.
Un ressenti, un tantinet entre le zist et le zeste, donc. Mais je suis contente d'avoir enfin gouté à cette fameuse madeleine et même assez curieuse de découvrir le second volet. C'est un livre très riche, sensoriel, nostalgique, à l'écriture délectable. Certains passages sont magnifiques. Ma partenaire de lecture (Nadou38) et moi-même n'avons pas nécessairement été sensibles aux mêmes choses dans ce roman. Comme quoi, chacun devrait y trouver son compte finalement.