L'histoire :
Sacha, écrivain, part s'isoler dans une petite ville du sud de la France où il pense trouver l'inspiration. Par relations interposées, il retombe nez à nez avec un ancien ami, l'autostoppeur (ainsi nommé tout au long du roman), qu'il avait perdu de vue depuis une vingtaine d'années. Petit à petit, il va le revoir, et par la force des choses va aussi rencontrer sa femme, Marie, et son fils, Agustin. Au départ, ce qui attire et amuse surtout Sacha, c'est la façon dont vit l'autostoppeur : Vingt ans après, l'autostoppeur n'a pas abandonné cette manie de jeunesse, celle de partir en autostop sillonner les quatre coins de l'hexagone. Mais aujourd'hui la donne a changé puisque désormais l'autostoppeur laisse Marie et Agustín vivre sans lui le temps de ses absences sporadiques. Pour l'autostoppeur, l'autostop est un besoin, tout comme peut l'être l'acte de respirer pour rester en vie. Sacha, le narrateur, essaye de comprendre ce qui anime ce besoin chez l'autostoppeur. Désormais, lié à l'autostoppeur, il devient en quelque sorte son double, celui qui reste (« le monde se divise en deux catégories. Ceux qui partent. Et ceux qui restent » p. 129).
Les intentions probables de l'auteur :
Cela pourrait paraître un bel hommage à la liberté, celle de partir sans prévoir rien, à la découverte d'individus qu'on ne connaît pas à l'avance et qu'on n'aurait sans doute jamais rencontrés autrement. C'est aussi et surtout pour partager de l'humanité que l'autostoppeur semble partir sur les routes. Son désir lui permet de fuir cette petite vie rangée qu'il supporte de moins en moins. Il a bien conscience que, parallèlement, il met en péril sa vie de famille et quand il y pense, cela lui est pesant. Mais c'est plus fort que lui, à chaque fois, il faut qu'il reprenne la route.
Ce que j'en pense :
L'autostoppeur ressemble à un grand enfant qui n'arrive pas à intégrer les codes de vie du monde adulte et qui, de ce fait, est resté très égocentrique. Personnellement, en tant que féministe, je ne peux pas adhérer au message qui transpire à travers les lignes de ce roman. Sans s'en rendre compte, car je pense que c'est inconscient de sa part, l'auteur perpétue à travers cette histoire, des comportements machistes qui vont, de façon perverse et indirecte, porter atteinte à la liberté des femmes, dans leur vie quotidienne. Et pourquoi l'autostoppeur ne serait pas une autostoppeuse ? Cela aurait peut-être donné une autre dimension au livre et aurait pu ainsi chahuter davantage les valeurs sociales sexistes encore regrettablement véhiculées d'une façon insidieuse dans notre société. Pour moi, ce livre, derrière une apparence qui se veut et se croit moderne et libre, repose en réalité trop sur des stéréotypes manichéens opposant les sexes. Ce livre parle bien d'amitié ambivalente au masculin, celle de l'autostoppeur et de Sacha, avec des femmes au second plan qui subissent cette inégalité des sexes.
Cela n'empêche pas, cependant, de passer un bon moment de détente en lisant ce livre, avec ses nombreux clins d'oeil littéraires. Il y a, par exemple, un beau parallèle fait avec l'un des livres de
Milan Kundera (peut-être
L'insoutenable légèreté de l'être ?) où nous sommes emportés dans un vertige littéraire. Nous plongeant tout à coup dans le roman d'un roman, nous perdons pied, comme si nous nous retrouvions devant un miroir déformant.
L'auteur tisse aussi un parallèle entre la constellation d'Orion et L'autostoppeur. D'abord, on pense à Ulysse, dans l'Odyssée d'
Homère, cet éternel voyageur qui ne parvient pas à rentrer à Ithaque où l'attend pourtant Pénélope, celle qu'il aime. On pense aussi à toutes ses étoiles qui constituent la constellation d'Orion, faciles à repérer dans le ciel, celles qui symboliquement guident le terrien dans la nuit.