« The Revenant » (en français,
le Revenant) est un roman de
Michael Punke. Basé sur des faits réels, édité aux
Presses de la Cité en Avril 2014, l'ouvrage décrit une histoire d'endurance humaine presque inimaginable, survenue au début du 19ème siècle, dans une région qui recouperait aujourd'hui le Dakota, le Montana, le Wyoming et le Nebraska. En fait d'endurance, c'est près de 3000 miles de désert américain inexploré que traversa, en rampant puis en claudiquant, un trappeur laissé pour mort par deux de ses compagnons. Hugh Glass,
le revenant, trahi par les siens et obsédé par la vengeance, n'aura de cesse que de les retrouver et de leur faire la peau.
Le roman de Punke commence en 1823, quand Hugh Glass, trente-six ans, entre à la Rocky Mountain Fur Company, une entreprise spécialisée dans la chasse aux castors et au commerce de sa peau : alentour, le territoire est immense, inexploré et périlleux car les bêtes sauvages sont légion et les tribus indiennes ne voient pas toutes d'un bon oeil l'avancée de l'homme blanc sur la terre de leurs ancêtres. Au cours d'une chasse aux castors, en pleine forêt, Glass est brutalement agressé par un grizzly : quasiment scalpé, le dos profondément entaillé par les griffes de l'ourse qui protégeait ses oursons, cruellement mordu à la cuisse, un bras devenu invalide, perdant son sang en abondance, en proie à une forte fièvre et délirant, Glass semble définitivement condamné. Intransportable, Glass est veillé par deux volontaires, le jeune Bridger et Fitzgerald, un mercenaire impitoyable. le chef de l'expédition leur donne à chacun 70 dollars et leur demande de veiller Glass puis de lui donner une sépulture chrétienne, le moment venu. L'expédition poursuit son chemin. Dans les deux jours qui suivent, Bridger et Fitzgerald décident de laisser le mourant tout seul : ils le quittent non sans l'avoir préalablement dépouillé de son fusil, de son couteau et de quelques vêtements chauds. Un mort, ça n'a besoin de rien, c'est évident.
De taille modeste (350 pages), l'ouvrage se lit assez vite : l'histoire de Glass nous tient en haleine tant les péripéties et les rebondissements sont nombreux. le lecteur traverse de grands espaces, se plonge avec « notre » héros dans l'eau glacée des torrents, rencontre des indiens aux moeurs inattendues, tombe nez à nez avec des bisons ou des loups, se fait fouetter le visage par le vent violent, découvre le mode de vie des forts militaires, perdus « in the middle of nowhere », apprend à utiliser les plantes et les peaux de castors pour en faire des médicaments ou des embarcations de fortune, bref un émerveillement permanent. le suspense ne retombe que très rarement tant la traque est continue. La fluidité de l'écriture et la jeunesse des propos sont évidentes. L'auteur reste honnête et précis dans ses descriptions. La psychologie des personnages n'est pas en reste : peut-on choisir un inconnu pour veiller sur un mourant ? En cas de péril pour sa propre vie, peut on faire passer la vie de l'autre devant la sienne ? Pour devenir un homme, un vrai aux yeux des siens, comment résister à commettre un acte répréhensible ? Et, comment ne pas pardonner à celui qui a fauté ? Enfin, vous apprendrez plein de choses sur cette tranche d'histoire du grand Ouest américain, sur le commerce des fourrures, avec un détour par les bandits mexicains, les pirates, les espagnols et les vigiles texans. Aux spécialistes du genre, « The Revenant » évoquera de grands classiques comme « To build a fire » de
Jack London et « The big sky » de A. B. Guthrie.
Pour autant, l'ouvrage n'est pas génial. le titre annonce déjà la fin du livre : Glass va survivre et revenir se venger. A quoi bon lire un roman d'aventure quand on en connait par avance l'heureuse issue ? Ensuite, si le suspense est réel, les redites sont fréquentes : le lecteur aura à plusieurs reprises l'impression de traverser les mêmes paysages, d'entendre les mêmes sons, de sentir les mêmes odeurs, de manger la même chose. L'effet de nouveauté dure assez peu. Et puis, l'analyse psychologique sent l'eau de rose : elle est sans réelle profondeur. Pour finir, certaines scènes sont peu réalistes : vous avez déjà traversé à la nage des torrents glacés ? Vous avez déjà disputé une carcasse de bison à plusieurs loups affamés ? Vous avez réussi à faire du feu en plein vent avec un peu d'amadou et quelques brindilles humides ? Vous pensez pouvoir faire ami-ami avec des Sioux qui n'ont encore jamais vu d'hommes blancs ? Vous vous sentez capables de ramper sur le ventre pendant plusieurs centaines de miles sans rien manger d'autre que quelques racines ? Certes, et
Michael Punke nous le dit à la fin du livre : il y a beaucoup de fiction dans « The Revenant ». Et puis, cerise sur le gâteau : en préface, une citation de l'Epitre aux Romains (XII, 19)
De Saint Paul : « Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère de Dieu, car il est écrit : « A moi la vengeance, à moi la rétribution », dit le Seigneur ». Bon, de mon point de vue, c'est « too much ! ».
Alors qu'en penser ? Un bon premier livre, un récit hors du commun au coeur du « wilderness » américain, un roman dépaysant, bien documenté, avec une histoire somme toute assez prenante, destinée aux jeunes et adolescents : je mets trois étoiles et remercie
Les Presses de la Cité et Babelio de m'avoir fait parvenir l'ouvrage dans le cadre de l'opération « masse critique » de Mars 2014.