Une critique bien trop longue (sautez-là si vous voulez) pour un ouvrage en un mot (retenez-le !): éblouissant.
Ce livre présente des pièces sélectionnées parmi les plus belles dans les collections du Musée du quai Branly. Même si la plupart n'ont pas été conçues comme des oeuvres d'art car elles avaient avant tout une fonction utilitaire, guerrière, rituelle ou religieuse, il est bien certain que les artisans ou artistes donnaient le meilleur d'eux-mêmes pour confectionner des pièces bien travaillées, efficaces et porteuses aussi, on peut l'imaginer tout de même, d'une beauté participant de cette efficacité. On est admiratif tout en ayant le coeur serré qu'elles aient été arrachées à leur fonction, leur terre, les hommes qui les ont façonnées et ceux qui sont leurs héritiers légitimes. La plupart ne sont pas très anciennes et datent du XXème siècle, XIXème parfois, sauf celles venues des Amériques. Les chapitres du livre suivent en effet un découpage par continents comme le musée : Océanie, Afrique, Asie et Amériques. Chaque page, parfois la double page, présente une oeuvre et son explication détaillée mais simple, en caractères qui ne sont pas trop petits (merci.) Une présentation agréable et des photographies qui mettent bien en lumière les matériaux, leur "grain", les parties peintes, ornées, sculptées, tissées, etc. et toute la finesse des détails. Comme le livre est en grand format, la force, l'expressivité et la richesse des pièces sont palpables.
J'ai été particulièrement remuée entre autres par :
en Océanie, une sculpture iniet semblant avoir inspiré Calder (p.18), un support à offrandes patoko en bois encore mystérieux aux multiples mains tendues (p.24), une peinture aborigène sur écorce d'eucalyptus qui accompagnait les récitations des mythes (p.27), un masque hudoq de Bornéo en forme d'animal stylisé (p.29) un autel domestique tavu de l'archipel de Tanimbar, extrêmement fin et élégant (p.33.)
En Afrique, une magnifique bouteille à opium qolal en terre cuite sculptée en champlevé (p.40), un masque krou hypnotisant (p.49), des figurines du Nigéria en bois enduites d'huile leur donnant une brillance qui semble un peu magique (p.53.)
En Asie, un extraordinaire costume de chamane de Sibérie (p.64), une magnifique vièle mongole et son archet à tête de cheval en bois, peau et crins (p.66), un épouvantail vietnamien en vannerie de lamelles de bambou extrêmement beau (p. 67), une paire de statuettes indiennes en bronze représentant un couple de divinités populaires aux traits à la fois stylisés et expressifs (p.78.)
Et dans les Amériques : un masque anthropomorphe d'Inuits Yup'ik destiné au chamane, étrange, semblant inquiet et puissant, issu de l'ancienne collection d'
André Breton (p.86), un autre masque, créé par les Indiens Haida de Colombie Britannique et issu de la même collection mais très différent, beaucoup plus fin, articulé de façon à actionner la mâchoire et les yeux et possédant ainsi une très grande force théâtrale qui se devine même sur une photographie (p.87), une peau de la « danse des bisons » peinte au milieu du XVIIIème siècle par les Indiens quapaw qui vivaient dans l'actuel Arkansas (p. 91), ou de spectaculaires pagaies à usage cérémoniel issues de la culture d'Ica-Chincha dans l'actuel Pérou, en bois sculpté en frises géométriques ou ornées de petits personnages, oiseaux ou poissons (p.102.)
Mais à la relecture je sais que je serai émerveillée par d'autres oeuvres encore !