Rachel Blaustein a été enterrée au cimetière de Tibériade, près du lac. C'est en 1909 qu'elle s'était installée une première fois en Palestine, apprenant l'Hébreu, participant à la vie intense des premiers Kibboutz. Elle y retournera dix ans plus tard, après la guerre. C'est lors de son retour en Russie, pendant la guerre, tandis qu'elle s'occupait d'enfants malades, qu'elle ressent les premiers symptômes de la tuberculose. La maladie l'obligera à quitter le Kibboutz de Degania, la laissant seule et démunie, dans une petite chambre de Tel-Aviv. Elle écrit alors des poèmes au style dépouillé où les émotions affleurent avec beaucoup d'intensité. Elle ne veut pas s'abandonner complètement à la souffrance qui la gagne : en dépit de la maladie qui la condamne, sa poésie est lumineuse, simple et pleine d'humanité, proche de la nature et animée d'une grande spiritualité. Ce recueil posthume de Rachel rassemble quelques poèmes épars mais aussi des lettres et des articles, sur la littérature et la poésie surtout.
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Texte émanant des horizons inconnus jusque là
Une approche radicalement universelle en tableaux et portraits de situations
L'on s'y promène comme on partirait à la découverte d'un tableau sous nos yeux
Car La poésie serait
En tous lieux et temps la seule façon de comprendre que
La vie peut se révéler BELLE
Tant en tristesse magnifiée qu'en luminosité rayonnante douce en même temps apaisée
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Comme torrent des montagnes
À « Davar »
Comme torrent des montagnes qui, bondissant, atteint la plaine,
Il grandira, se fortifiera,
Et creusant sa voie vers la mer il ne se souviendra plus
De la pauvre source de son origine.
Ne se souviendra plus, plus de ses premiers souples méandres,
Mais à jamais et tout entier
Il est uni à la fontaine cachée entre les rochers
Et il y boit jusqu'à l'ivresse.
19 Sivan, 1926.
TIBÉRIADE. Poèmes épars, p. 45
Si j’avais imploré de toi une fraternelle caresse —
Aurais-je en vérité trop imploré ?
Mon âme était lasse d’un voyage sans but
Dans le vaste désert de la vie.
Et à qui la faute si appelle à la révolte
Ce cœur qui accepte le jugement ? —
Sur ma table, quand paraît l’aurore,
Ma dernière lettre pâlit.
Tamouz, 1929.
TIBÉRIADE. Poèmes épars, p. 77
Moi et toi
Gardant silence – toi et moi,
En attente – moi et toi,
Dans mes sinueux secrets l’obscurité
Et le silence dans mes sinueux secrets.
Je ne tendrai pas la main – comprends-tu ?
Je ne prendrai ta main comme guide.
Je me tairai et j’attendrai – un signe.
Je me tairai, j’attendrai.
Même si tu te moques : « obstinée comme toi ! »,
Si tu t’éloignes – je scellerai le jugement.
Et moi, et toi – nous comprendrons.
Nous nous tairons, troublés.
1929
/ Traduit de l’hébreu par Bernard Grasset
Mes forces déclinent…
Mes forces déclinent de plus en plus-
De grâce sois bon pour moi, bon pour moi !
Sois le pont étroit par-delà le gouffre du chagrin, chagrin de
mes jours.
De grâce sois bon pour moi, bon pour moi ! Sois un souffle,
Un secours pour le cœur, l’ombre d’un arbre dans le désert désolé.
Sois bon pour moi ! La nuit est si longue, l’aube si lointaine.
Sois un peu de lumière, la joie soudaine,
Sois le pain quotidien !
/traduit de l’hébreu et présenté par Bernard Grasset
Ainsi mieux vaut-il…
Ainsi mieux vaut-il que soit oublié son amer souvenir,
Et la liberté m’appellera de nouveau.
Je ne désire que l’étincelle du brasier du passé,
Et ma main ne se tend pas pour mendier.
Ainsi mieux vaut-il que mon âme soit de l’univers,
Sur elle nul homme, personne ne règnera :
Et je fortifie, sanctifie comme jadis mon alliance
Avec le firmament et les champs.
/traduit de l’hébreu et présenté par Bernard Grasset