Encore une fois, un grand merci à
France Culture pour la qualité de ses podcasts… Ainsi, je redécouvre
Britannicus de
Jean Racine, pièce étudiée dans mes jeunes années, écoutée et relue avec un immense plaisir.
1669. La rivalité entre Racine et
Corneille est à son comble ; Racine réplique à ses nombreux détracteurs et jaloux divers en faisant jouer
Britannicus, une tragédie romaine à l'arrière-plan politique, inspirée de Tacite. La pièce remporte un immense succès à la cour.
Britannicus raconte les intrigues entre des hommes et des femmes de pouvoir, dans lesquelles la politique se mêle à l'intime par le biais des liens filiaux, des haines ou des amours que se vouent les protagonistes ; c'est aussi le récit de la prise de pouvoir de l'empereur romain Néron, véritable héros de l'oeuvre dont le titre est, paradoxalement, le nom de sa victime.
En outre, cette pièce évoque autant la disgrâce d'Agrippine que la mort de
Britannicus ; l'unité profonde de l'intrigue se dédouble encore. Mais tout est étroitement orchestré : Néron assoit son pouvoir et le meurtre de
Britannicus signe la fin de l'influence d'Agrippine.
Je m'intéresse aux héros négatifs de l'imaginaire antique et, donc, l'interprétation racinienne de cet épisode particulier de l'histoire romaine, ce moment où émerge un monstre, me rappellent des sujets d'études passés. Néron est dépeint ici dans les premières années de son règne ; il n'a pas encore brulé Rome, ni tué sa mère, sa femme, ses gouverneurs mais il a en lui les semences de tous ses crimes futurs, autant de bas instincts qu'il dissimule. Il nous apparaît sous des dehors cruels, pervers et hypocrites, remettant en cause l'autorité de sa mère et de son gouverneur.
Agrippine est un personnage très ambivalent, à la fois ambitieuse et sans scrupules pour parvenir à ses fins et, cependant, profondément maternelle. Mais le jeune prince qu'elle a mis sur le trône pour pouvoir gouverner dans l'ombre en son nom se révèle moins malléable que prévu. Si elle semble favorable aux amours de Junie et de
Britannicus, c'est surtout pour se concilier l'affection de ce jeune prince et s'en servir au besoin contre Néron.
Britannicus, rôle-titre, n'est là que pour catalyser la pitié des spectateurs. Racine en parle dans sa préface comme d'« un jeune prince de dix-sept ans qui a beaucoup de coeur, beaucoup d'amour, beaucoup de franchise et beaucoup de crédulité, qualités ordinaires d'un jeune homme, […] très capable d'exciter la compassion ». Il est franc, généreux, sans malice, un peu trop candide et ingénu même.
Les personnages secondaires brouillent les pistes et symbolisent la lutte entre le bien et le mal… Ainsi, Burrhus, le gouverneur de Néron, est un homme bon, un soldat plein de rudesse et de franchise tandis que Narcisse, le gouverneur de
Britannicus s'adapte aux fluctuations du pouvoir et devient en quelques sortes, le confident, le favori et le mauvais génie de Néron. Tandis que Burrhus résiste à la fois, de son mieux, aux vues ambitieuses d'Agrippine comme aux vices de Néron, Narcisse est le portrait fidèle du courtisan flatteur et habile à se ménager les faveurs de celui qu'il sert au détriment de celui qu'il trahit sans états d'âme.
Racine a inventé de toute pièces la péripétie de l'enlèvement de Junie et la rivalité amoureuse entre
Britannicus et Néron.
De nombreux détracteurs ont affirmé que la pièce aurait dû se terminer dès la mort de
Britannicus, que ce qui suit est superflu. Personnellement, j'aime cette fin subtile qui laisse entrevoir, à travers les derniers mots d'Agrippine, des possibles remords et des tourments dans l'esprit d'un Néron qui n'a pas encore peut-être totalement basculé du côté obscur.
Une écoute et une relecture particulièrement intéressantes.
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