AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Floyd2408


Alexis Ragougneau est un auteur de théâtre, de roman français. Il oscille entre théâtre moderne classique et roman policier bien construit, Niels est un petit uppercut de lecture.
« En France, où l'on aime tant les idées, les écrivains ont un statut à part. Les mots peuvent tuer. Et ils peuvent aussi faire condamner à mort leurs auteurs. »
Cette citation du roman est le fil conducteur de la trame, comme le théâtre est le vecteur du roman.
Ce roman reste une lecture riche d'enseignement et d'enrichissement personnel, une formidable découverte, croisant ma route au hasard d'une destiné.
Alexis Ragougneau entremêle merveilleusement les genres pour édifier dans le marbre un roman puissant, une force des destinées, la recherche d'une vérité qui n'excite pas, une philosophie anthropique de l'homme à la croisée de la guerre 39-45. le théâtre respire sa noblesse, l'artiste est mis en avant, plutôt sa position face à la guerre, ses certitudes, en filigrane des noms connus s'invitent dans l'intrigue, comme une fresque historique, une vie narrée sans machinisme, une biographie de l'époque dans l'entremêlement de certaines personnes.
Le livre débute comme un roman d'espionnage, avec le sabotage d'un navire allemand, puis la libération du Danemark des allemands, puis d'aventure lorsque notre héros Niels va en France pour aider un ami d'avant-guerre , il embraque avec des anglais et deux dignitaires allemands ; partis signés la paix prés de Reims . le théâtre s'invite aussi comme la réflexion de ces hommes broyés par la guerre.
La construction du roman se divise en acte, tel une pièce de théâtre, et se greffe au sein même du roman deux petites pièces d'un acte
- L'hôtel particulier, vaudeville en un acte où s'affrontent verbalement des érudits du moment comme Jean Cocteau, Marcel Jouhandeau, Paul Léautaud, Claude Roy réunis par une bourgeoise tel les salons où Proust aimé s'y rendre…
-Miro et Lecacheux, pièce tragi-comédie burlesque en acte, se moque des institutions délatrices comme le FNT, CES, CNT et le SN
Alexis Ragougneau, homme de lettres aime le mélange des genres en composant un roman-théâtre moderne. Nielsnous ouvre les portes de l'après-guerre, une période difficile pour ces acteurs ayant subi, profité, collaboré, joué, résisté, noyé dans l'horreur de cette guerre sanglante.
De cette guerre, des journaux, des acteurs, des romanciers, des auteurs, des artistes, des hommes et des femmes ont basculés dans sentier minuscule du racisme humain, l'antisémitisme.
Au pilori journal crachant son venin antisémite les plus virulentes de l'époque de l'Occupation, où Lucien Rebatet avec son roman Les décombres, best-seller de cette époque sombre, sera réédité en 2015 dans le dossier Rebatet pour ne pas oublier ces années, puis comprendre ces pensées de violences et de colère…Puis Ferdinand Céline participant à ses écrits souffle cet élan antisémite, mode de l'époque, misère de l'épuration intellectuelle. Jean Paul Sartre s'invite avec ses Mouches produit au théâtre de la cité en 1943, Sous l'occupation allemande, le théâtre Sarah-Bernardt est renommé théâtre de la Cité, en raison des origines juives de la comédienne. L'ambiguïté des artistes sous l'occupation est un oxymore ambivalent entre se produire, vivre de leur passion, au prix d'inquiétante rapprochement avec l'occupant, le doute entre la profession et les idéaux reste inextricable dans l'esprit réelle de ces artistes –Soit rompre leur désir de se produire par principe ou coute que coute continuer sa vie d'artiste.
D'autres artistes sont cités comme Jouvet, désertant la France pour une tournée en Amérique du sud, prônant la langue française en jouant des pièces. Montherlant célébrant la virilité nazis dans ses écrits, Claudel avec une ode au Maréchal Pétain puis à la libération à De Gaulle, Cocteau, Guitry et tant d'autres participant plus que mesure aux soirées de l'institut Allemand. La comédie Française ouvrant ses portes aux troupes allemandes et de leur culture. Sans jugement Alexis Ragougneau nous invite à se poser la question du choix.
Le personnage Jean François, fantôme des autres artistes ayant vécus l'occupation allemande, devient le bouc émissaire, celui prisonnier de son art, perdu dans le purgatoire de l'époque avec les listes, Bernard, Otto…Comme beaucoup s'invite à la révolution culturelle nationale de Vichy pour lutter contre le théâtre commercial, ayant recours à l'Histoire, l'Antiquité devenant un outil « d'édification des masses. »
Jean François pris dans la folie de l'artiste, s'aliénant de la substance de la peur, de la jalousie, glisse lentement dans l'antisémitisme de circonstance, ne supporte pas l'idée de plus être joué, de ne plus être lu, écrit comme beaucoup des pamphlets contre les juifs où d'autres bifurquent dans la résistance, sentant le vent tourné, lui continue pour tomber dans la dénonciation puérile, la folie pure de l'artiste.
Un petit passage émouvant lorsque Niels devant l'Hôtel Lutetia rencontre le père d'un déporté attendant son retour, refusant sa mort lorsqu'il rencontre un camarade de circonstance lui annonçant sa mort peu de temps avant leur libération, ce dénis si révélateur de l'atmosphère de l'époque.
Alexis Ragougneau puise dans sa mémoire pour citer le Procès de Kafka, L'amant de Marguerite Duras pour cimenter dans le marbre son roman, cette pièce de théâtre moderne où le temps n'oublie pas.
Commenter  J’apprécie          100



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}