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Critique de Aquilon62


De la bella Italia, un itinéraire amoureux aux
Belle Italie Itinerari romantici*

Car après avoir lu la prose de Christiane Rance on peut sans aucun doute se dire que l'Italie recèle des Italies. Car c'est bien dans un périple au long cours qu'elle nous propose de la suivre, alors en parcourant ces pages, qui parcourent elles-mêmes la Botte, me revient cet adage que Suetone attribue à Auguste "Festina Lente**", tant on a envie que ce voyage que nous propose l'auteure ne s'arrête jamais....

L'auteure nous propose une déambulation, une promenade, une flânerie, ou pour reprendre un terme plus littéraire une errance à la fois érudite et cultivée mais jamais ennuyeuse, tant son approche est protéiforme
Devant nos yeux et au fil des lignes, défilent mille et un paysages, mille et une références, milles et une anecdote comme lorsqu'elle découvre à Sienne ces fameuses ZTL, des rencontres, comme celle du père Puglisi, prêtre engagé contre Cosa Nostra, que la Mafia assassina quelques mois plus tard à Palerme, les malédictions qu chiffre 17 ou du chat noir, ou des traditions du quotidien comme le caffè sospeso de Naples

En démarrant son périple par le Nord et logiquement par La Dominante c'est à dire de  "Gênes l'orgueilleuse" comme l'appelle Dante, en écho au nom de Superba reppublica dont les Génois avaient affublé leur ville, à la Sérénissime Venise sa rivale.
Ce voyage transversal dans la Nord, n'omettra :
Ni Turin qui fut capitale du royaume d'Italie de 1861 à 1865, et connue pour son Saint Suaire dont écrivit Paul Claudel : "La photographie nous a rendu ce corps que les plus grands mystiques ont à peine osé envisager, martyrisé littéralement depuis la plante des pieds jusqu'à la cime."

Ni les lacs, laghi, Orta, Majeur, Côme, Iseo ou Garde dont on discutera des heures et des heures pour savoir quel est le plus beau, sans jamais réussir à se mettre d'accord. Mais au final ce qui les différencie c'est leur caractère :  " Orta l'intime, Majeur le magnifique - avec ses îles Borromées, comme une flotte qui aurait jeté l'ancre. l'Isola Bella, nef immobile surchargée de ponts vénitiens, de statues et de fontaines, de paons et d'azalées, d'ifs et de colonnes tandis qu'à sa poupe, l'énorme  , Côme l'aristocrate et ses villas dont Flaubert dira "On voudrait vivre ici et y mourir ", Iseo le sauvage devenue la patrie des bateaux Riva reconnaissables dans le monde entier, Garde le si bleu. Ce qui unit, c'est cet effet commun qu'ils exercent sur l'âme : ils attirent l'amour par sortilège, et le retiennent dans une passion exclusive. C'est qu'ils sont autant de miroirs qui renvoient nos désirs de volupté et les comblent, autant d'univers clos qui tiennent loin de l'esprit les horreurs du monde."

Ni Vérone là où Dante en deuil de Béatrice a composé, son Purgatoire, là où Pétrarque pleura ici la mort de Laure, mais c'est Shakespeare, qui n'y vint jamais, qui a donné à cette cité de quelque trois cent mille âmes son aura, ses fantômes, son caractère. Marquée au feu par la tragédie des Capulets et des Montaigu, Vérone ne put qu'offrir à la légende l'écrin de ses rues, de ses places, de ses palais.

Ni Venise, au travers des paroles de l'Arétin
" … Avec les clairs et les obscurs, la lumière donnait si bien perspective et relief à ce à quoi elle voulait donner perspective ou relief, que moi, qui sais comment votre pinceau est le génie des génies, trois ou quatre fois, je m'écriai : “Ô Titien, où êtes-vous donc ?” Ma foi, si vous aviez peint ce que je vous raconte, vous frapperiez les hommes de la même stupeur que celle dont je fus confondu, quand, contemplant ce que je viens de vous décrire, je m'en rassasiai l'esprit, plus longtemps même que n'avait duré ce merveilleux spectacle », écrit l'Arétin en mai 1544 à son ami Tiziano Vecellio. Mille tableaux, mais pas plus mille pages, mille livres ne suffiraient à fixer l'infinité des nuances et des variations de la lumière dans Venise, sur Venise, par-dessous Venise. La lumière est le suprême architecte de la ville."

Puis on repart en direction des Cinqueterre dont Eugenio Montale écrivait depuis Monterosso : "Ici, les passions du plaisir apaisent miraculeusement les conflits". L'auteure d'ajouter, à juste titre, une semaine dans cet « ici » et le plaisir passionné de la vie, de la beauté et de la marche agit comme un baume.
Même Maupassant dira : "Jamais peut-être je n'ai senti une impression de béatitude comparable à celle de l'entrée dans cette crique verte, et un sentiment de repos, d'apaisement, d'arrêt de l'agitation vaine où se débat la vie, plus fort et plus soulageant que celui qui m'a saisi quand le bruit de l'ancre tombant eut dit à tout mon être ravi que nous étions fixés là, ajoutant : "Ici la terre est tellement captivante qu'elle fait presque oublier la mer."

Voilà les fameuses villes de Toscane,
À commencer par Florence sous forme question : "Peut-on exprimer avec exactitude tout ce que Fiorenza, ses beautés, sa subtilité, la violence de ses contrastes, ses apothéoses mystiques et sa volupté sensuelle, son exquis mélange de vie et de pierres monumentales suggère d'émotions et de bouleversements à son visiteur ?" À chacun d'y trouver sa réponse...
" La ville de Dante. Et Dante est le coeur de Florence. Il y est partout. Son portrait, qu'a signé Domenico di Michelino, trône en majesté dans la nef de Santa Maria del Fiore : Dante Alighieri expliquant sa Divine Comédie. Trente-quatre plaques de marbre, les lapidi, gravées chacune de versets empruntés à son chef-d'oeuvre et posées aux murs du vieux Florence, illustrent son passage sur cette terre, et dans ces rues. Une via et une maison portent son nom. Sa statue de marbre trône sur le parvis de la basilique Santa Croce, où il a son cénotaphe à côté de ceux de Michel-Ange et de Machiavel et dans le cloître, son portrait peint par Giotto. Au coeur du baptistère si cher à son coeur – « mon beau Saint-Jean » – et où il fut baptisé, Paul VI a accroché un ex-voto : « En l'honneur de Dante » ; on y lit aussi ces tercets du Paradis : « S'il arrive jamais que ce poème austère / Auquel ont mis la main et le ciel et terre / Et qui m'a fait maigrir pendant de si longs ans, / Désarme la fureur cruelle qui m'exile / du beau bercail où je dormis, agneau tranquille, / Sans autres ennemis que les loups dévorants ; / Avec une autre voix alors, une autre laine, / Je reviendrai poète, et là, sur la fontaine / Où je fus baptisé, je ceindrai le laurier. »"

Vient ensuite, à mon avis le plus beau passage du livre car il traite d'un région, qui sans m'avais jeu de mots, reste plus ou moins dans l'ombre des autres l'Ombrie...
Est-ce la proximité d'Assise, mais cette partie est d'une beauté sans égale

Bien entendu Rome et Naples ont leurs place tout comme la côte amalfitaine, pour finir son périple par la Trinacrie, qui signifie trois pointes, du nom de la Sicile pour les Grecs anciens, les trois pointes sont : la pointe ouest de Trapani-Marsala, le cap Boeo, la pointe nord-est de Messine, le cap Peloro, la pointe sud-est de Syracuse, le. cap Passero . Et dont l'emblème est la Gorgone Méduse, ailée et coiffée d'un noeud de serpents et d'épis de blé, d'où rayonnent trois jambes fléchies, comme saisies en pleine course.
Les épis de blé ont été ajoutés aux serpents par les Romains, à la fois comme symbole de fertilité et parce que la Sicile est le grenier à blé de Rome.

Nous voici arrivés au bout du voyage et force est de constater que Christiane Rancé a réussi à mettre ses pas et imposer son style aux côtés de ses nombreux prédécesseurs....
Ces nombreux ecclésiastiques, pèlerins, étudiants, commerçants français passés par l'Italie depuis le Moyen Âge, dont on garde peu de races. Puis les choses changent....
Pour en citer quelques-uns vinrent Montaigne, les Lettres d'Italie de Charles de Brosses, qui enchantaient Jean d'Ormesson, Le Marquis de Sade, Dumas. Puis le développement de fer, l'unification de l'Italie facilitèrent le tourisme. François-René de Chateaubriand lors de son voyage en Italie s'attacha à la Toscane et à sa capitale. Germaine de Staël décrit elle aussi des amours contrariées dans Corinne ou l'Italie, La mort rôde autour de la beauté. Sans oublier Stendhal, Musset, Sand, Flaubert, les Frères Goncourt, Hippolyte Taine.
Et bien entendu André Suarès don't le Voyage d'un Condottiere reste un incontournable....
Plus proche de nous on retrouvera Giono, Duras, Michel Déon, et Dominique Fernandez.
À croire que Christiane Rance a gardé à l'esprit ce proverbe latin qui sied tant à la l'Italie : "Ubi bene, ibi patria La patrie est là où l'on est bien"

En féru lecteur de Dante je ne peux que conclure ce billet par
"E quindi uscimmo a riveder le stelle***" qui est le dernier vers de l'Enfer de Dante,
Il convient très bien, et pourrait servir de point final à ce livre à la seule différence que Christiane Rancé, nous a accompagnée au Paradis qu'est ce Bel Paese....

* Belles Italies, itinéraires Amoureux
** Hâte toi lentement
** Et dès lors, nous sortîmes revoir les étoiles
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