Je sais pas trop quoi dire sur ce livre, sauf que ça faisait longtemps que j'avais pas été aussi impressionnée, & par impressionnée je veux dire bouleversée & remuée & violemment secouée, par une première publication.
Je suis triste que ce recueil de nouvelles ait pas reçu plus d'attention à sa sortie, mais je comprends aussi parce que c'est pas, je sais pas, particulièrement grand public. C'est un objet bizarre, souvent inquiétant, une quête d'identité qui se décline en histoires parfaitement contrôlées, aux phrases parfaites, travaillées, ouvragées, qui donnent envie de lire lentement, très lentement, juste pour le plaisir d'avoir en bouche une maîtrise si méticuleusement assurée de la langue. Un exemple au hasard, mettons que j'ouvre le livre n'importe où :
"Tu pourrais faire les cent pas pendant cent ans, tu ne t'emmerderais pas autant que je me suis emmerdé dans cette prairie tamisée par des océans d'un autre âge, moulue par des tonnes de glaciers battant lentement en retraite, arpentée par le désordre nomade de bons génies et de meilleurs guerriers encore, ratissée par les moissonneuses à l'allée, au retour, dans la poussière des ossements de bisons."
Seigneur.
& en plus, en plus des mots eux-mêmes & de cette façon que l'auteur a de les agencer pour mieux les faire couler, il y a dans ce livre comme la volonté d'aller au-delà des histoires qu'on a l'habitude de se raconter, de les défoncer & de triturer ce qu'il y a en-dessous -- les viscères, le noeud du problème. le vrai enfoui sous le poids du convenu. Plusieurs mythes québécois fondateurs sont revisités & pas systématiquement, non, mais subtilement démolis, comme retournés contre eux-mêmes : les Patriotes, le terrorisme révolutionnaire du FLQ, la quête de liberté des coureurs des bois, les tout premiers colons. le folklore est revisité pour mieux éclairer les nouvelles qui parlent du présent, d'angoisse parentale ou amoureuse ou existentielle, qu'on tient à distance mais seulement au prix d'efforts constants, de grands moulinets de bras autour de soi. Surtout des histoires d'hommes, faut dire, & d'habitude ça me rebuterait un peu, mais pas cette fois-ci. Peut-être parce qu'il y a une nouvelle de voyage dans le temps? & que ça compense l'absence de personnage féminin intéressant? Ou juste parce que c'est tellement bon que j'y ai pas du tout pensé durant la lecture.
Ça fait grandiloquent de dire ça comme ça, mais avec '
Atavismes' j'ai eu l'impression de lire le premier volet de, je sais pas, une oeuvre, une vraie. & c'est pas quelque chose qui arrive très souvent.