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4,04

sur 1514 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Victoire rêve d'avoir un enfant mais voilà son Anselme la laisse indifférente au plaisir du sexe. Mais la jeune bonne Céleste malgré elle, va bouleverser cette vie austère et sclérosée.
D'une écriture classique, Léonor de Recondo nous offre deux beaux portraits de femmes au début du vingtième siècle liées par un terrible secret. Il y a une musicalité évidente dans son style (elle est elle-même une talentueuse musicienne), chaque mot est pesé, pensé, avec l'intention d'offrir un confort de lecture. Elle ne juge pas ces personnages, ils vont chacun au bout de leur logique de leur vision de la vie en ce début de siècle. Victoire entrevoit le début d'une émancipation, Céleste un avenir pour son fils. La découverte des corps est remarquable et offre de très belles pages.
Un roman d'une grande sensibilité qui se lit avec beaucoup de plaisir.
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Cinq ans après son mariage de convenance en plein tournant du XXe siècle, Victoire n'en revient toujours pas de ce qu'il lui faut bien admettre comme une étrange déception : l'existence qui s'annonçait parfaite dans sa demeure cossue du Cher, entre un époux établi dans sa position de notable et une domesticité à ses petits soins, s'avère terriblement vide et ennuyeuse, en plus de rester incompréhensiblement stérile. Loin d'elle l'idée que ses dérobades au devoir conjugal, non seulement élucident l'absence de descendance du couple, mais aussi légitiment, dans l'esprit du digne notaire, l'assouvissement de ses pulsions naturelles entre les cuisses résignées de la jeune bonne : Céleste n'est-elle pas entièrement à leur service, comme le fut d'ailleurs, apprendra celle-ci dans les chuchotements d'arrière-cuisine, l'actuelle gouvernante à l'époque du père de Monsieur ?


Mais, les traditions ayant décidément la vie dure, à la perpétuation du droit de cuissage succèdent bientôt la grossesse de la bonne et la sensible question de l'honneur de tous. Alors, là encore comme seuls les domestiques de la maisonnée se souviennent en toute discrétion qu'il en fut déjà ainsi en ses murs un quart de siècle plus tôt, l'épouse pragmatique choisit de faire d'une pierre deux coups : l'on prétendra que l'enfant est un rejeton de Boisvaillant pur jus. Les apparences dignement et utilement sauvées, n'en reste pas moins que Victoire, épouse sans amour désormais mère sans instinct maternel, s'enlise dans un bovarysme croissant. Réunies dans la chambre de bonne où Céleste s'emploie en catimini à prodiguer les soins au nourrisson pour lesquels Victoire ne présente aucune disposition, les deux jeunes femmes se découvrent une sensualité inattendue qui les emporte bientôt dans les vertiges clandestins d'une relation saphique.


Merveilleusement juste et élégante, la plume de Léonor de Récondo excelle à peindre en peu de pages l'étouffant huis-clos de cette demeure bourgeoise, miniature de la bonne société de l'époque. Réduites, qu'elles soient bien nées ou servantes, à la seule fonction qu'on leur assigne, tenir leur rang et procréer pour les premières, répondre aux besoins des maîtres pour les secondes, les femmes y sont, pour leurs familles et leurs maris, des « biens » comme les autres, sans avis ni personnalité, conservées dans l'ignorance de leur sexualité et dans l'interdit de leurs désirs, avec pour garde-fou l'hypocrite mais impitoyable camisole des convenances. Celles qui, certes pas sans souffrances, se plient sans faillir à cette discipline, sont les premières à contribuer à la perpétuation de leur soumission de mères en filles. Les autres jouent leur place dans la société, risquant l'opprobre, la déchéance, voire même, d'ailleurs, l'internement psychiatrique.


Campés de manière nuancée et vivante, les personnages sont particulièrement convaincants et le lecteur se laisse d'autant plus aisément transporter en ces années pas si lointaines où il semble que la condition féminine n'a pas évolué depuis des siècles, que l'écriture, superbe de puissance visuelle mais aussi sonore, l'auteur y ayant troqué son violon pour le piano de Victoire, confère à cette histoire de facture plutôt classique un charme doucement envoûtant.

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Dans une maison bourgeoise, au début du XXème siècle, Madame est oisive, peu épanouie, Monsieur est notaire, très pris par son travail, et de temps en temps, il s'occupe bestialement de la jeune bonne.
Le début du roman parait un peu désuet. On croit entendre la chanson de Fragson

« Bien qu'il possède une femme charmante
L'ami Durand est un coureur
V'là t'y pas qu'il reluque sa servante
Et qu'il la reluque en amateur
……………
Ah Monsieur, répond la petite bonne…….. »

Ce scénario, à l'intrigue assez banale, semble avoir déjà été écrit et réécrit.
Et pourtant, Leonor de Recondo réussit à en faire une histoire passionnante.
Elle décrit le non-amour :
« C'est long, c'est laborieux»…..« Comme il est lourd, lourd et vidé, lourd et sans force » pense Céleste la petite bonne
« L'enchevêtrement immonde » pense Victoire, l'épouse
« Il ira à l'essentiel. L'essentiel se situant entre ses cuisses quelle rechigne à écarter et qu'il faut forcer un peu » ainsi agit Anselme, le notaire.
Et elle décrit tout aussi bien l'amour
« Elle la laisse se gorger de ce corps nouveau. Dans cet éblouissement elle n'a qu'une seule pensée : nous sommes enfin vivantes. »
ou encore « L'amour lui a soudain donné une identité propre. Jusque là elle n'avait fait que se mouvoir à tâtons, aveugle aux autres et à elle-même»
C'est un roman d'une autre époque, qui rappelle des classiques, comme Flaubert, ou Colette.
Un roman au charme indéniable, un beau roman d'amour, des portraits de femmes délicats, mais aussi un tableau réaliste des différences de classes sociales et les évènements qui se produisent ne sont pas ceux auxquels on aurait pu s'attendre.
Fort heureusement, je n'avais pas lu la quatrième de couverture, ni les critiques qui en révèlent bien trop.
Quel plaisir de passer ainsi un excellent moment de lecture.
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1908, un couple de notables d'une petite ville de province, une bonne violée régulièrement par le maître de maison, un enfant illégitime qu'on fait passer pour celui du couple.
Secrets de famille, droit de cuissage, le postulat de départ du dernier roman de Leonor de Recondo est finalement tristement banal pour l'époque, avec son cortège de non-dits et d'arrangements pour garantir coûte que coûte la réputation du notaire local et de son épouse, et leur assurer une descendance.

L'amour, à première vue, semble assez absent de cet univers bourgeois confiné et pétri de conventions liberticides. Ce n'est finalement qu'en bousculant convenances sociales et morales que la narration prend réellement son essor, sort des sentiers battus et capte l'intérêt, justifiant pleinement son titre « Amours » au pluriel. On pense évidemment à l'histoire d'Emma Bovary, mais en plus contemporain, plus sensuel aussi, plus accompli.
Leonor de Recondo situe souvent ses récits dans le passé, flirte avec des références littéraires, mais avec un ton et une problématique contemporains - une mise à distance à la manière d'un révélateur. Et c'est très réussi !

Articulé autour de deux très beaux portraits de femmes, de leur amour partagé, ce récit, d'une belle sensibilité, est une véritable ode à l'émancipation féminine, la découverte du plaisir, des corps libérés des corsets.
Une nouvelle fois, le style élégant et limpide de l'auteur m'a enchantée. Toujours, elle capture l'essentiel des sentiments, des situations, sans effets de style superflus.
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C'est avec une plume délicate que Leonor de Redondo sublime les émotions, quel que soit le sordide qui pointe au delà de mots.
La situation est hélas banale, le maître de maison assouvit ses pulsions sans tenir compte de la jeune femme qu'il utilise pour parvenir à ses fins. Et lorsqu'on est une simple employée, à la limite de l'esclavage, rien ne se dit. Mais tout finit par se voir. le plus souvent, le drame se termine par l'exclusion de la fautive, s'il est trop tard pour que la faiseuse d'anges vienne faire disparaitre l'objet du délit.
Oui mais voilà, cette grossesse inopinée pourrait bien combler le vide d'une épouse inféconde. Même si tout n'est pas si simple, et qu'un enfant ne vit pas seulement de lait. La mère biologique le ressent et ravit la nuit son jeune nourrisson qui dépérit. L'amour va sauver ce petit être, et révéler des sentiments plus forts que les interdits.

Les hommes et les femmes changent peu en un siècle : même désirs, même pulsions, même hiérarchie implicite qui autorise sans questionnement l'instrumentalisation d'autres êtres humains.
La seule évolution tangible est que parfois, de nos jours les choses se disent , et l'on affiche volontiers sa différence.c e qui était impensable il y a quelques dizaines d'années, alors que toute « déviance » trouvait son costume d'apparat pour que le paraitre soit acceptable.

C'est le coeur du roman, dont on redoute l'issue, pour peu que la religion y mette son grain de sel.
Mais on est loin du roman naturaliste. C'est avec beaucoup de subtilité que l'auteur dresse le portrait, sans concession cependant, de cette famille construite sur des bases peu stables.

C'est assez court mais suffisamment dense pour que le but soit atteint, emporter le lecteur dans un carrousel dont la musique s'affole et ne trouve pas sa tonalité.

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Monsieur de Boisvaillant a eu des amours ancillaires...
Il faut bien dire que sa jeune épouse, née Victoire de Champfleuri, serait plutôt du genre porcelaine de Saxe, et que les émois impérieux de Monsieur ont trouvé un exutoire à domicile dans le giron de Céleste, naïve petite bonne qui a pas eu voix au chapitre.
Et ce qui fut risqué arriva!

Ce pourrait être comique en regard des noms de chacun, si cette histoire de moeurs n'était pas si tristement sordide, représentative de la bourgeoisie provinciale du tournant du 20ème siècle. On se croirait dans une nouvelle de Guy de Maupassant. La décision de reconnaissance de paternité est motivée par la bienséance, le conformisme et l'impérieuse nécessité de descendance.
Il convient d'éviter à tout prix le scandale. L'enfant est un Boisvaillant et Madame est enfin mère. le reste est accessoire, en particulier la petite bonne qui reste la petite bonne.

Le récit prend ensuite une direction inattendue, un twist qui se débarrasse d'une narration figurative dans une société corsetée, pour parler d'amours maternels, d'amours saphiques, de solitude et mensonges en vie conjugale et de condition de la femme.

Un livre sur les désirs intimes, en uppercut tel ce premier chapitre glaçant et implacable. C'est vivifiant et romantique comme une bouffée printanière, trouble et délicieusement irrévérencieux par instant, mais surtout violent en faits et en dires d'une autre époque. Un mélange subtil, un récit concis et tout en finesse, fait de secrets et d'hypocrisie des bonnes maisons bourgeoises.

A lire d'une traite, sans respiration...
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Dans la maison d'Anselme de Boisvaillant, notaire dans le Cher au début du XXème siècle, on est bien sûr censé rester «dans la bienséance exigée par notre milieu». Pas troublée la bienséance par le viol d'une jolie domestique, Céleste, par son patron. Après tout elle n'a guère d'autre choix que de chercher à garder la tête haute, «c'est tout ce que nous pouvons faire, nous autres ! Garder la tête haute pour faire croire qu'on n'a pas honte.»
Pourtant la grossesse de Céleste va ouvrir une porte dans l'existence terne et corsetée de la femme d'Anselme, Victoire, le vent de l'amour, de la sensualité, des désirs, va secouer les rigides convenances qui régissaient sa vie.

Sans être un grand livre, ça se lit vite et bien, le rythme donné par les brefs
chapitres qu'on enchaîne avec plaisir est bon. Mais c'est peut-être un peu trop propre, le sujet aurait mérité une écriture plus troublante, plus de prise de risque, plus de souffle. Léonor de Récondo fait brûler ses corsets à son personnage, mais le style de l'écrivain reste très sage, sans rien qui déborde, un peu comme la maison de Victoire aux «ardoises trop bien alignées».
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L'auteure choisit une belle histoire d'amours, licites ou non, sur laquelle se greffent des secrets, des souffrances, pour nous parler du statut des femmes au début du 20e siècle, la place qu'elles occupent au sein du couple, de la famille, dans cette société patriarcale.

Au travers de ces trois couples : Victoire et Anselme, Céleste et Anselme et Victoire et Céleste, elle aborde tous les préjugés et tabous de l'époque : le pouvoir des maîtres sur les domestiques qu'ils violent en toute impunité et qui n'ont que le droit de se taire. Elle aborde aussi les mariages arrangés par le notaire, le devoir conjugal et la violence qui lui est inhérente, la femme qui n'existe qu'en temps qu' épouse ou mère.

Elle aborde, de façon très fine, le corps des femmes, ce corps qui n'est fait que pour subir le sexe et pour enfanter, le plaisir étant inexistant, sinon tabou : « Elle est nue et se regarde dans le miroir. Elle observe son corps vide. Elle n'est pas surprise comme la première fois, elle ne découvre rien de nouveau. L'image lui confirme crûment ce qu'elle avait vu auparavant : un corps chétif, des seins inutiles, des hanches trop étroites, et ce sexe broussailleux dans lequel vient se planter Anselme. Ce sexe qui ne lui procure ni vie, ni plaisir. »

Victoire découvre la sensualité en voyant le corps nu de Céleste et commence ainsi à apprivoiser son propre corps et à l'explorer : le toucher, le contact entre leurs peaux, les caresses qui donnent accès au désir, à la sensualité.

Léonor de Récondo aborde très bien, aussi, cette notion de ventre vide, infertile qui ne sert à rien, et l'importance d'avoir un enfant pour perpétuer la famille, et tous les secrets de famille qui peuvent s'y rapporter, se perpétuant au gré des générations…

L'enfant de Céleste deviendra celui de Victoire et l'honneur sera sauf. Mais comment devient-on mère ? Comment touche-t-on son enfant ? Qu'en est-il de l'instinct maternel ?

D'autres couples viennent s'articuler sur ce triangle, le couple d'amis (sont-ce vraiment des amis ou des faire-valoir?) et surtout Huguette et Pierre qui assurent l'intendance, le seul couple qui repose sur des bases solides et dont l'amour est sincère, malgré les difficultés de l'existence.

Léonor de Récondo a bien su approfondir tous les liens entre les personnages, et approche par petites touches, l'amour, le désir pour une autre femme, la maternité et le poids des préjugés, de l'Église…

J'ai retrouvé la plume efficace, pleine de poésie et le rythme, la musicalité de l'écriture, et la sensibilité de l'auteure, la précision des mots. J'ai bien aimé ce roman, qui est une ode au corps des femmes et à l'amour, mais je n'ai pas retrouvé la magie de « Pietra viva ».

Note : 8,8/10
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Victoire, jeune bourgeoise qui s'étiole dans sa vie d'épouse auprès d'un mari choisi par ses parents sur petites annonces.
Anselme, notaire de province, époux dérouté par sa femme, par « les femmes »…
Victoire et Anselme, un couple mal assorti, en mal d'amour et en mal d'enfant.
 
Et puis il y a Céleste, la petite bonne qui a grandi parmi sa nombreuse fratrie sous l'oeil presque indifférent de parents trop occupés, trop usés. Céleste, discrète et volontaire, qui cherche juste à « bien faire ».
Parfois Anselme monte dans la petite chambre de Céleste, sur le lit en fer forgé. Il prend sans demander et Céleste subit et se tait. Lorsque Céleste tombe enceinte, la vérité éclate.

Autour de cet enfant, les deux femmes vont se rencontrer, s'apprivoiser et finir par s'aimer. Amour pur et flamboyant mais voué à rester caché dans cette société où les apparences priment sur le bonheur.

Une écriture fluide et un récit prenant, qui se lit vite, à la fois tableau d'une époque et chronique intime d'un amour interdit...
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J'avais beaucoup apprécié Pietra viva et j'ai retrouvé dans Amours, de Leonor de Rocondo, ce style travaillé et distancié, ces mots simples mais habilement assemblés, ce faux rythme lent comme le temps hors d'âge qui s'écoulait dans les campagnes françaises du début du XXe siècle.

Je vous parle d'un temps où l'on arrangeait encore les mariages, où une bouche de moins à nourrir suffisait à placer un enfant comme domestique, où le droit de troussage coulait de source, où lire Flaubert (joli clin d'oeil au bovarysme) était quasi pêcher, où le corset vous enfermait dans votre corps et dans votre rôle, où paraître était plus important qu'être, où s'affranchir des conventions était un concept qui restait encore à inventer.

Alors forcément, avec tout ça, les ingrédients du drame sont réunis : la domestique est mise enceinte par le mari, la femme frustrée y trouve opportunité, chacun s'accommode des non-dits. Cela finira mal. Forcément...

Mais entre-temps, il y aura eu l'amour qui sera passé pendant de courts moments. Celui de deux femmes qui se découvrent, se retrouvant soudain moins éloignées que leur condition sociale ne l'avait décidé. Celui d'une femme qui découvre un corps, son corps, longtemps ignoré, détesté, inusité mais désormais sublimé et utile. Celui d'un enfant, qui revient d'un coup à la vie, revigoré par le contact charnel d'une peau maternelle qu'il reconnaît instantanément. Celui du vieux couple de domestiques, fait de bienveillance et de simplicité, envers eux-mêmes, comme envers une famille qu'ils servent et protègent.

C'est beau, fluide, détaché... et tellement agréable à lire.

Une (très) légère déception avec la fin qui manque de force à mon goût.
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