Genre et identités sexuées chez Colette

Colette reléguée avec les féministes des siècles passées ?
Et bien pas du tout !
Si l'on reconnaît que Colette représente et symbolise la femme émancipée, cette étude révèle qu'elle a poussé les limites bien au-delà. Colette se distingue en tant que véritable pionnière dans sa quête d'une identité individuelle, en choisissant et construisant son propre nom, ainsi qu'en explorant sans limites les multiples genres qui captivaient son imagination et sa créativité. Ce qui fait de Colette une femme écrivaine moderne en symbiose complète avec  les luttes contemporaines pour les droits LGBT et contre la normalisation sociale.  

L'avant-propos de cette étude nous apprend que Colette est non seulement connue aux Etat-Unis mais largement appréciée. Les américains montrent un réel engouement pour les biopics sur Colette, ainsi que les films inspirés de son oeuvre. Le journal "The Gardians" l'a même couronnée "Reine des influenceurs", tandis que l'essayiste Brook Allen la qualifie de "Marianne Littéraire". Cela démontre que l'écrivaine exerce toujours une influence significative sur la culture contemporaine. de plus, Colette occupe une place de choix dans le paysage littéraire américain, ayant réussi à s'imposer non seulement dans le milieu universitaire nord-américain mais aussi dans les cercles féministes.  

Cette étude est divisée en deux parties. 

La première partie :  Signature, genre et genres littéraires, duplicité étudie comment les signatures de Colette vont progressivement contribuer à ses multiples métamorphoses et l'aider à conquérir une place bien à elle dans la société et le monde littéraire de son époque. Une place qui résonne encore actuellement, parce que Colette s'inscrit toujours parfaitement dans notre société en quête de changements et d'évolution sociale. Colette a elle aussi cherché à dépasser les modèles conventionnels définis par les notions de sexe féminin et masculin. Bouger les lignes, sortir de cette binarité, c'est ce qu'a fait Colette durant toute sa vie jusqu'à trouver une place bien à elle. 

La seconde partie : Reconfigurations genrées montre une Colette grande exploratrice des rôles et des identités de genre.  Bien avant les deux penseuses Simone de Beauvoir et Hélène Cixous, Colette déploie une gamme de personnages issus de divers milieux sociaux, ayant des physionomies, des âges et des destins variés. Que ce soit des bourgeoises, des artistes, des courtisanes des femmes de milieux populaires... Avec cette profusion de portraits, Colette illustre ainsi toute la  diversité et la complexité du genre féminin.

Colette a également exploré le genre masculin, comme le montre sa nouvelle moins connue intitulée "Le rendez-vous", publiée en 1937 dans son recueil "Bella-Vista". Ce volume dépeint la fausseté des apparences, mais également une révélation. le personnage principal, Bernard, semble éprouver une attirance envers un homme, mais Colette n'approfondit pas cette idée. Cependant, cette intrigue non développée nous conduit vers une interprétation homosexuelle de la scène. Divers signes suggèrent que cette piste pourrait être la découverte de l'homosexualité de Bernard.

la richesse analytique de cette étude est telle qu'il est difficile de la résumer intégralement dans une simple chronique. Il est important de la lire dans son intégralité parce qu'elle aborde de manière approfondie les thèmes du genre et des identités sexués présents dans l'oeuvre de Colette en soulignant leur complexité mais surtout leur originalité et leur modernité. L'utilisation de supports photographiques renforcent l'argumentaire mais permet aussi de s'immerger dans cette époque incroyablement visionnaire.

En conclusion : Si au départ Colette est une jeune écrivaine sans signature qui arrivait de sa province, cette étude offre une perspective complète sur l'autrice en tant que personne et écrivaine, et nous donne à réfléchir ainsi au chemin parcouru, depuis la naissance de Colette à Saint-Sauveur en Puisaye jusqu'à  la grande Colette du Palais Royal reconnue de tout le monde littéraire.  Cette étude ne se limite pas seulement à l'oeuvre de Colette, mais elle explore également la vie de l'écrivaine elle-même. En analysant les aspects de sa vie personnelle qui ont pu influencer son écriture et sa perception du genre et de la sexualité.
Je remercie Les Presses Universitaires e Rouen et du Havre pour l'envoi de cette étude dans la cadre de la manifestation Masse Critique de Babelio

Nous avons là une série d'articles rassemblés dans la collection "Genre à lire... et à penser" de ces dernières, dont un ou deux ne traitent pas directement du sujet annoncé, mais tous mettent en évidence la "multiplicité des rôles" endossés par Colette et sa croyance dans les masques que nous portons et donc de l'importance des images choisies, offertes ou dérobées.

J'ai rarement l'occasion de lire des publications universitaires et j'ai beaucoup apprécié celle que m'a offerte par Babelio et par les Presses Universitaires de Rouen et du Havre : lecture passionnante, revigorante, qui donne envie de "s'y remettre" : les études universitaires me manquent terriblement, ne nous le dissimulons plus.

Les textes Sido et Les Vrilles de la vigne ne sont guère pris en compte dans ces articles, probablement parce qu'ils n'illustrent guère l'angle pris par la collection, les professeurs qui chercheraient donc des appuis théoriques pour l'étude de ces oeuvres au programmes du baccalauréat 2023 et pour trois ans encore n'y trouveront pas directement leur compte. Ils y trouveront cependant une meilleure connaissance de l'oeuvre de Colette, plus profonde que celle qui lui a été le plus souvent attribuée.

Les notes que je fais sous les titres des articles (cf. mon blog ci-dessous) ne sont pas systématiquement des synthèses, mais des points que j'ai voulu retenir. Aucun ne se contredit, me semble-t-il.

Première partie : Signature, genre et genres littéraires, duplicité

"Devenir Colette, histoire d'une signature", de Martine Reid
"Colette, directrice des contes dans le journal le Martin", de Kathleen Antonioli
"Colette dramaturge : écriture et mise en scène de soi", de Corentin Zurlo-Truche
"L'Autre Femme : Colette et le doppelgänger" de Sionainn Ditto

Seconde partie : Reconfigurations genrées

"Quand les hommes s'évanouissent", de Guy Ducrey
"Mitsou : questions de guerre et de genres", de Juliette M. Rogers
"Jeux de genres", de Marion Krauthaker
"Corps, genre et caractéristiques animales chez Colette" de Dantzel Cenatiempo
"Colette et le continuum lesbien" de Stephanie Schechner
Cf. mon article entier, avec les notes sous chaque article dans mon blog.
Lien : http://aufildesimages.canalb..

Cet ouvrage rédigé par des universitaires sort aux Presses Universitaires de Rouen et du Havre dans la collection "Genre à lire... et à penser".
Cette collection, d'abord destinée "aux étudiant.e.s et aux enseignant.e.s et plus généralement aux auteur.rice.s des politiques publiques" est très intéressante et accessible également au grand public intéressé par la littérature et la question du genre.
Comme il est dit en 4ème de couverture, "quiconque s'intéresse à la littérature et à l'histoire des comportements et des mentalités, trouvera grand intérêt à cette lecture genrée de l'oeuvre de Colette"