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Cet essai de philosophie politique court et intense a été rédigé en octobre 2020, dans l'actualité de l'urgence sanitaire de la Covid 19. Il a pour objet l'analyse de trois concepts-clés de la pensée et du discours politiques d'Emmanuel Macron : l'autonomie, la responsabilité et la capacité. La thèse défendue brièvement mais rigoureusement est que ces concepts ont été pervertis par un certain discours « managérial et comptable » bien rodé du néolibéralisme, notamment par rapport à leur sens établi par les Lumières allemandes (Kant) et françaises (surtout Rousseau). de surcroît, les allocutions présidentielles durant la crise sanitaire les ont rendus d'autant plus équivoques que l'action politique s'est avérée contradictoire avec les principes énoncés. À l'origine de ce double détournement ou « dévoiement » des concepts, on trouve la confiscation de « l'endettement réciproque entre l'individu et la société » au profit d'une vision utilitariste du lien social. L' « in-dépendance » des individus et même leur liberté sont dissociées de leur intégration dans la communauté.
Il est intéressant de noter que parmi les auteurs les plus souvent convoqués dans cette démonstration, on trouve Michel Foucault et Paul Ricoeur, que le président-candidat ne se prive pas de citer à ses heures... Pourtant les analyses des propos de celui-ci, tirés de son opus intitulé : Révolution, ainsi que d'extraits de ses interventions publiques en tant que ministre et ensuite président, parmi les plus polémiques et commentés dans toute leur outrance scandaleuse (« nation start-up », « traverser la rue pour trouver du travail », « premiers de cordée », « pognon de dingue », etc. ), révèlent des détournements de sens qui sont loin d'être anodins.
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Je viens de lire le petit mais dense ouvrage de Myriam Revault d'Allonnes, L'Esprit du macronisme ou l'art de dévoyer les concepts*. Vivifiant, c'est petit mais c'est du lourd ! Enfin quelqu'une qui regarde ce qui fonctionne conceptuellement sous le capot Macron, ce qui le soutient le "macronisme" question idéologie, question agencement de concepts de philosophie politique voire d'anthropologie politique ! Je me permets d'en proposer en fin d'article l'index nominum, au cas où, cher lecteur, tu souhaiterais voyager en biais dans l'ouvrage...

Mais tout d'abord, voici ce que dit la quatrième de couverture, très éclairante.

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J'ai aimé lire ce livre pour sa structure précise et clarifiante : l'auteure, pour chacune des trois notions-clés qu'elle travaille (Autonomie, Responsabilité, Capacité), propose d'abord une sorte de doxographie faisant le point sur la problématique notionnelle, histoire de partager avec le lecteur de quoi elle parle exactement (sans quoi aucun dialogue ne serait possible, comme aimait à dire Paul Ricoeur). Après quoi seulement, elle analyse la situation macronienne de la problématique en question.
Les trois notions-clés font chacune l'objet d'un chapitre et ces trois chapitres sont précédés d'une grande mise au point intitulée "La coexistence des hommes : les moeurs et les lois". Cette mise au point part de ce que peut vouloir dire "faire société", sollicitant les témoignages de Montesquieu, Rousseau, Mauss, Jonas, Arendt, Ricoeur... C'est dans ce "faire société" qu'Autonomie, Responsabilité et Capacité prennent tout leur sens et se fortifient de tous leurs enjeux.

J'ai dévoré ce livre pour ce qu'il risquait d'apporter comme réponse à ma question d'il y a quatre-cinq ans : Mais pourquoi cet homme revendique-t-il le parrainage de Paul Ricoeur ?

Quand j'ai vu arriver Emmanuel Macron sur la scène politique et se porter candidat à la Présidence de la République, je n'y ai pas vraiment porté attention, me disant qu'un clone mis à jour de Giscard d'Estaing faisait irruption au milieu d'un monde passablement enlisé et pour tout dire ennuyeux à force d'exhiber des impasses sociales et politiques. C'est quand il a parlé de Paul Ricoeur qu'il a commencé de m'intéresser. J'avais lu jadis ce philosophe pour ses travaux passionnants sur la métaphore et sur l'herméneutique, notamment, et je ne voyais pas comment l'énarque banquier postulant à la Présidence pouvait ainsi se réclamer du philosophe. Il l'avait aidé pour l'édition (et non l'écriture !) d'un ouvrage. Bon, OK. Mais encore ?
Emmanuel Macron affirme que Paul Ricoeur l'a "rééduqué sur le plan philosophique"**. Car il avait déjà été éduqué question philosophie. Lectures de Marcel Conche (dont l'accent corrézien rocailleux sonne encore à mon oreille tant il tranchait avec les façons professorales de parler en Sorbonne au début des années 70 !), Kant, Aristore, Descartes, Hegel. C'est Machiavel qui lui fit "abondonn[er] la métaphysique pour la philosophie politique"**. Puis c'est la rencontre avec Ricoeur avec qui il a "lu et relu de la philosophie antique"** et surtout avec lequel il a, dit-il, bien dialogué... tellement dialogué que le philosophe l'aurait "poussé à faire de la politique, parce que lui-même n'en avait pas fait"**(?). de fait, certains trouveront dans sa démarche "le dialogue, la bienveillance, autant de notions ricoeuriennes qu'il a fait siennes pendant son ascension vers l'Élysée"***, d'autre verront dans "sa proximité avec le philosophe Paul Ricoeur, avec la revue Esprit, son intérêt pour la chose intellectuelle" une authentique "disruption"**** par rapport à l'air ambiant... On dirait bien que, faisant le récit de son compagnonnage avec Paul Ricoeur, Emmanuel Macron s'octroie son titre de créance philosophique", comme disait Marc Lambron*****.
Donc, qu'une personnalité philosophique, qui plus est membre du conseil scientifique du Fonds Ricoeur et fine connaisseuse du philosophe (elle a par exemple dirigé avec François Azouvi le Cahier de l'Herne Paul Ricoeur de 2004, réédité au Seuil trois ans plus tard dans la coll. Points Essais), qu'une telle personnalité philosophique donc travaille l'idéologie macronienne, cela ne pouvait me laisser indifférent !
Ceci dit, le parrainage Ricoeur qu'exhibe Emmanuel Macron a été largement contesté par les intellectuels proches de Paul Ricoeur. Plusieurs articles publiés par le Monde et un communiqué de presse du Fonds Ricoeur atteste d'une polémique à ce sujet... En tous cas, tout cela "marque la distance prise par les intellectuels ricoeuriens avec celui qui fut, entre 1999 et 2000, assistant éditorial de Paul Ricoeur" (Le Monde le 3 décembre 2019). C'est dit ! Mais Myriam Revault d'Allonnes permet de comprendre comment le discours néolibéral du Président tord les concepts sur lesquels il prétend fonder son action politique, finissant par ne plus duper personne.

Dans cet ouvrage, largement salué dans les médias, je sens comme une rigueur philosophique imparable, produisant un discours sans ambiguïté, à la Ricoeur ! Et cela ne grandit pas l'image philosophique du Président. C'est qu'il y a quand même une différence entre faire de la philosophie et faire le philosophe, comme disait Kant.
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— Les invariants du discours macroniste sous-tendent une conception néolibérale et managériale de la société, celle où prime l'injonction à devenir "entrepreneur de soi-même". La "start-up nation" serait le "level playing field" idoine pour ces "premiers de cordée", mais oublie les "métamorphoses de la question sociale" (Castel). Pour autant, inclure le souci des vulnérables et l'appréhension de risques "incalculables" dans un monde incertain peut rétablir notre puissance d'agir en déconstruisant l'instrumentalisation des aspirations humaines par le capitalisme. Nul doute que l'"homme capable" de Ricoeur ne saurait se réduire à sa performance dans un système de généralisation de la "forme entreprise" (Foucault).
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"Les mirages du Président philosophe". D'où vient ce titre qu'on lui attribue? Il suffit donc de citer Paul Ricoeur et d'avoir un peu étudié la philosophie pour y prétendre? Ne serait-ce pas plutôt une propagande médiatique qui veut donner à l'homme une profondeur et une contenance qu'il n'a pas? Je ne suis donc pas d'accord avec le bandeau qui établit, même pour des raisons commerciales, une égalité entre l'auteure et le Président de la République, tous deux présentés comme philosophes. le but est, bien sûre, de confronter le travail de l'une au vide abyssal de l'autre mais tout de même; présenter Macron comme philosophe est un manquement intellectuel qui ne se pardonne pas. Y'a-t-il une ironie que je n'ai pas su percevoir?

Ici, l'auteure remonte gentillement les bretelles de notre Président dont toute la politique néolibérale consiste à vider de leurs sens des concepts philosophiques et politiques pour les appauvrir, les malmener et les tordre dans l'objectif de servir une idéologie qui ne donne à l'être humain qu'une vision bien terne de la vie sur terre: chacun doit être le plus efficace et le plus performant pour nourrir la productivité donc la croissance, gagner sa vie pour la dépenser à consommer.

Dans la "pensée" néolibérale, l'Etat, gestionnaire, se désengage pour se mettre uniquement au service d'une économie. Il se déploie simplement pour faire du citoyen un outils, une main d'oeuvre corvéable, au service d'une croissance que l'on espère à deux chiffres. L'Homme y est un être rationnel, calculateur et individualiste qui doit construire son parcours en pensant toujours en coûts et risques. Il est premier de cordée quand il réussit, "rien" quand il "échoue" et l'échec est bien sûre de sa faute. Il n'a qu'à traverser le trottoir pour trouver un travail afin de se payer un costard et une rollex avant ses 50 ans.

Dans la pensée néolibérale, l'utilité donne LE sens. Ce qui n'est guère utile au productivisme est tout simplement dénuée d'intérêt. Voilà ce que rappelle cet essai qui franchement n'apporte rien de nouveau au débat. La critique est abordée philosophiquement mais peu importe le bout par lequel on prend le néolibéralisme la conclusion est la même.
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J'ai été assez déçue par ce livre. Au vu du titre, je pensais mieux cerner l'esprit de notre Président et avoir peut-être des révélations sur ses aspirations mais ce livre donne surtout les concepts de la politique néolibérale en nous perdant dans des notions très philosophiques.
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Lecture un peu ardue car l'auteure, professeure de philosophie use, abuse, de termes propres à son enseignement et dont le sens est parfois obscure pour les profanes dont je suis. Néanmoins, avec un peu d'effort, ce petit livre, sans apporter grand chose de très nouveau dans le débat actuel sur la conception qu'a Monsieur Macron de sa fonction, de son rôle, de ses missions et de son pouvoir, a le mérite de poser de façon synthétique comment le président de la république inscrit son mandat dans le prolongement d'une mouvance néo-libérale d'inspiration thachérienne initiée il y a une trentaine d'année, période durant laquelle le quinquennat de Français Hollande n'a été qu'une brève parenthèse. le chapitre sur les dérives de la responsabilité m'a paru des plus intéressants! Toutefois, par rapport aux interviews données par l'auteure entre autre sur France Inter et France culture, ce livre est davantage une analyse des fondements du néo-libéralisme émaillée de quelques exemples puisés dans les déclarations d' Emmanuel Macron qu'une vraie étude des propos de ce dernier.
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