1918, l'Europe sort exsangue de la grande guerre. Les vainqueurs imposent leur suprématie aux forces de l'Alliance défaites. Cette date ne marque toutefois pas la fin de la guerre pour tous les protagonistes. On a tendance à l'oublier.
Avec
L'autre rive du Bosphore,
Theresa Revay nous fait revivre cette période dans un repli de la vieille Europe, à la charnière entre orient et occident, dans ce qui n'est pas encore la Turquie mais déjà plus l'Empire ottoman. Ce dernier ayant fait le mauvais choix de s'allier avec l'Allemagne voit ses jours comptés.
C'est donc aux frais de quelques années de guerre supplémentaires que Mustapha Kemal donne l'impulsion au mouvement qui fera naître la Turquie moderne. Ce qui deviendra cette république pro-occidentale qui frappe à la porte de l'Europe. La république laïque que l'on connaît aujourd'hui. Pour combien de temps encore ?
Mais ce n'est pas seulement une guerre civile que connaît alors ce pays, la Grèce ayant profité de la défaite des forces de la triple alliance pour réinvestir d'anciennes possessions perdues, en Turquie occidentale, Smyrne en particulier. La paix ne s'installera finalement qu'en 1923 avec le traité de Lausanne.
Térésa Revay nous livre une belle fresque romanesque dans ce qui est encore, pour quelques années seulement, la capitale de l'Empire ottoman : Constantinople. C'est dans sa péninsule historique, Stamboul, que se réside la famille de son héroïne, Leyla Hanim. Ce récit donne lieu à un bel exercice de confrontation des cultures orientale et occidentale, des religions chrétienne et musulmane, qu'a connu, et connaît encore, cette région du globe.
L'intrigue est vécue du côté d'une famille turque musulmane. Elle vit à la fois l'occupation des forces françaises et britanniques et les dissensions entre partisans de la dynastie ottomane et des forces révolutionnaires de Mustapha Kemal. Intrigues amoureuses, drames familiaux, scènes de guerre émaillent ce récit fort bien enlevé qui ne manque pas de rythme.
Au-delà de l'oeuvre romanesque, cet ouvrage fort bien documenté est un brillant rappel à l'histoire qui lui a valu d'être repéré et primé par le magazine Historia. Même si les Stambouliotes ont été un peu épargnés par les conflits internes à ce pays, j'ai trouvé que l'ouvrage faisait la part un peu trop belle au point de vue d'une famille turque musulmane, proche de la dynastie ottomane sur le déclin. C'est oublier que cette dernière s'était fourvoyée en s'alliant avec l'Allemagne et surtout en jouant sur les antagonismes des minorités pour fomenter le génocide arménien de 1915. Mais peut-être est-ce le choix de ne pas souffler sur les braises qui couvent encore sous la cendre.