Quand le ru de la fontaine…
Quand le ru de la fontaine
S’éclaircit sous le soleil,
Quand vient la fleur églantine,
Qu’un rossignol sur la branche
Répète et toujours polit
Son tendre chant qu’il affine,
Le mien aussi ne dirai-je ?
Amour de terre lointaine,
Tout mon corps a mal de vous,
Du baume ne puis trouver
Qui de vous ne se réclame
Par l’attrait de douce amour,
Au verger, sous la courtine,
Avec la tant désirée.
Si toujours m’en manque l’aide,
Nul prodige en cette flamme,
Jamais plus belle ne fut,
Dien non plus ne le voulut,
Même juive ou sarrazine,
Quelle manne le paya
Qui son amour approcha ?
Les désirs en moi demeurent
Pour la seule qu’au plus j’aime,
Mais quel voleur me dépouille
Si quelqu’autre la dérobe ?
Plus brûlante est que d’épine
La douleur que joie guérit,
Et encore ne m’en veux plaindre
Sans nul bref de parchemin,
Par Filleul j’envoie mes vers
Ecrits pour Hugues Le Brun
En claire langue romane,
Heureux que les Poitevins,
Gens du Berry, de Guyenne
Aient grand’joie jusqu’en Bretagne.
//Jaufre Rudel (1113 – 1170)
/Traduit de l’occitan par Georges Ribemont-Dessaignes
Amour va comme le tison qui couve le feu sous la cendre, Brûle le bois et la maison, Ecoutez!... Marcabrun
Georges RIBEMONT-DESSAIGNES – Poète dada jusqu’à la fin (France Culture, 1984)
Une compilation des émissions « Albatros », par Pierre Drachline, diffusée les 25/03, 01/04 et 08/04/1984 sur France Culture. Invités : François-Xavier Jaujard, Raphaël Sorin, Jean-Pierre Bégot et Frank Nino.