Paternoster ou la chronique d'une lente agonie amoureuse...
On se dit toujours que l'amour est beau, que l'amour est vrai, qu'il est toujours pur et innocent. Mais s'imagine t'on un instant qu'il puisse en être autrement ?
Que l'amour, cette beauté incandescente, peut finalement s'avérer, plus toxique et plus vil que le plus mortel des poisons.
L'amour peut etre manipulateur, pervers, et sournois, tel un serpent qui se mouvoie dans les hautes herbes.
Dans ce roman à l'esthétique magnifique, puisque les tranches des pages sont sublimées d'un magnifique violet, on fait la connaissance de Dana une jeune femme aux origines arabes qui va rencontrer par le plus pur des hasards Basil, un jeune homme aux origines bien ancrées dans la France profonde.
Nos deux protagonistes vont se tourner autour et immanquablement faire corps l'un avec l'autre, dans une traversée de l'amour passionnelle.
Vient le moment pour Dana, de rencontrer la belle-famille, étape incontournable de tout nouveau couple qui se respecte. Basil décide donc d'emmener sa bien-aimée au coeur de la Dombes, la terre de ces ancêtres, où réside ses parents ainsi que son frere.
Seulement voilà, rencontrer la belle-famille n'est pas toujours une partie de plaisir, et la fracture culturelle qui sépare les deux ethnies pourrait s'avérer plus lourde à porter que Dana ne le pensait, et elle va devoir se confronter à des choix de vie et de raison. Faut il rester soi-même, ou faut-il s'adapter et transformer son moi profond pour être LA femme que ces parents désirent pour leur fils ?
Tout au long du récit, on assiste à des scènes parfois ubuesques, et totalement déconnectées de la réalité pour un oeil extérieur, mais pas pour celui de Dana. Et c'est là que toute la manipulation prend son sens, puisqu'on assiste en fait à la douce et sournoire manipulation psychologique d'un homme et d'une belle-famille qui souhaite modeler la demoiselle à leur image.
L'amour est parfois toxique, mais comment est il possible d'en prendre conscience lorsqu'il s'agit d'une violence psychologique et non physique qui ne laisse aucune trace apparente ?!
Comment peut-on réellement voir les signes d'une condescendance, d'une emprise, d'un avilissement sous couvert de gentillesses, de "bienveillance" et autres bienséances ?
Dana ne voit rien, et se raisonne en se disant que "bon finalement ce sont des gens gentils.." que "finalement ce n'est pas si grave..." et regarde son homme l'affaiblir, lui broyer l'âme de son poing, avec les yeux de l'amour. Voila la douce définition d'un amour manipulateur et toxique. Lorsque l'être aimé ne voit rien, aime sans concession et sans malveillance, avec toute la pureté du coeur et des sentiments, mais que l'autre en face, cet homme... aime d'une manière différente, avec des intentions et des buts différents, avec une bienveillance qui n'en est pas, et une sournoise façon de souffler le chaud et le froid sur le coeur de sa "douce", ou devrais plutot dire de sa proie.. parce que oui, ces hommes ne choisissent pas leur "élues" au hasard, ils savent, ils sentent, tels des chasseurs, repérer celle qui saura répondre à leurs envies et qui saura les aimer assez aveuglément pour ne pas voir...
Dans ce livre il n'est pour moi pas question de féminisme dans la trame principale, mais plutôt d'un amour pervers et manipulateur déguisé en amour sincère et pur. S'oublier au profit de l'être aimé, se donner sans concessions, et se perdre, perdre son âme, sa force, sa confiance en soi, lentement mais sûrement, juste pour l'amour d'un homme qui nous tue à petit feu.
Il faut arriver à le voir, et je pense qu'il faut l'avoir un peu vécu pour comprendre le message de l'auteur dans le texte. Cette lecture aura en tout cas fait résonner beaucoup de choses en moi.
C'est un très bon roman à mettre en les mains d'une personne que vous pensez sous emprise amoureuse.
J'ai adoré cette lecture par sa force d'écriture, et le talent de l'auteur pour distiller le poison insidieusement, de telle manière, qu'il faut parfois relire plusieurs fois certains passages pour enfin voir...
J'ai un peu moins aimé la touche fantastique de fin, qui pour moi, n'apporte pas grand chose à l'histoire.
Ma note : 9/10