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"Quel lourd secret cache-t-il
Sous tant de douceur
Moi, je sais qu'il est ce Roi en exil
Qui règne en mon coeur." Elton John, L'amour brille sous les étoiles.


Tanah est une petite fille de 9 ans, une princesse cachée derrière son père Agapito 1er, le Roi en exil.
"Avec son père, elle rit, elle rêve, elle s'émerveille. Loin-Confins: un diamant vert dans un écrin bleu cyan, ses plages infinies au sable immaculé, ses forêts d'essences précieuses..."


"Tanah aime son père, ses poèmes de fin du jour, les courses dans la jungle, la pêche aux écrevisses et aux crabes-pinçons, le marché de la Royauté et Sainte Gambade"...


Mais derrière le rêve, il y la réalité... Elle n'aime pas sa mère trop terre-à-terre, les mains dans la lessive, qui soupire et s'énerve quand Agapito 1er exagère...


Il faut un Dragon ou un traître dans tous les contes ! Mais, l'Assassin est le propre père de Tanah...
"Son père est là, coiffé de la couronne du gâteau des rois, armé de leur pelle à charbon. Il harangue hardiment la foule, l'exhortant à le suivre, à renverser l'usurpateur.
"Il est en chemise et chaussettes. Cul nu...!"


Tanah comprend enfin, que (Le Dragon) sa mère aime tendrement son mari, malgré sa folie et a essayé de l'aider dans ses crises...


"Si elles s'enfuient dans les rêves, ce soir
Dans leur folle ronde
Si le Roi leur dit "Au revoir!"
Elles seront seules, au monde"...
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Je m'étais régalé avec Bon rétablissement, La tête en friche, Vivement l'avenir et Dans les prairies étoilées. Voilà qu'une fois de plus, je suis tombé sous le charme !
Marie-Sabine Roger a réussi à m'emmener à Loin-Confins, sur les pas de Tanah, sa jeune héroïne qu'elle fait vivre magnifiquement dans ce roman aux pages parfois si dures.
Quelle imagination pour trouver tous ces mots tarabiscotés mais amusants ! Quelle idée originale d'avoir donné comme prénoms des noms empruntés à des îles de l'océan Indien pour les frères de Tanah : Tomelin l'aîné, Andaman et Nicobar les jumeaux puis Anjouan, Mohéli et Kerguelen !
Quant à la petite dernière, Tanah, la narratrice, elle a hérité du nom d'un îlot d'Indonésie, situé près de Bali. Qui a bien pu donner des prénoms pareils à ses enfants ? C'est leur père, avec la complicité d'un copain bossant à l'état-civil, en mairie, pour les faire accepter. La maman n'a rien pu faire pour l'en empêcher…
Ce père, justement, je n'apprendrai sa véritable identité que plus tard. À sa fille qui rêve en l'écoutant raconter qu'il est roi en exil de Loin-Confins, et elle une princesse, il lui dit s'appeler « Agapito Ier, souverain de Loin-Confins et contrées annexes, Patalin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d'Egastule et Mitard », excusez du peu !
Tout cela relève du merveilleux mais, au passage, quelques indices ne manquent pas d'intriguer. Malgré tout, je me suis laissé emporter par le côté enchanteur de l'histoire, comme Tanah… jusqu'au jour où… impossible d'en dire davantage.
Dans Loin-Confins, Marie-Sabine Roger ne se contente pas d'écrire une fable. Elle donne à voir la vie d'une famille modeste et le rôle essentiel d'une femme qui assume jusqu'au bout sa tâche de gardienne du foyer. Son mari se donne-t-il la meilleure place en distrayant sa fille ? Il faut aller jusqu'au basculement brutal de son histoire pour comprendre et savourer pleinement toute la profondeur d'un roman écrit avec autant de douceur que d'imagination.
L'amour d'une fille pour son père entraîne le lecteur jusqu'au bout de la vie avec les ravages de l'âge. Si Loin-Confins, royaume lointain situé dans l'océan Frénétique, comme l'affirme Agapito Ier, n'existe que dans l'esprit de ce père unique, Tanah n'oubliera jamais ses rêves de princesse.
J'ai été bouleversé par la fin de cette histoire et par cette femme qui ne laisse pas tomber ce père si cabossé, lui rend une part du rêve de ses neuf premières années.

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Marie-Sabine Roger nous plonge dès le début de son roman dans un conte de fées. Une princesse, enfant, est pelotonnée contre le roi son père, Agapito 1er, souverain exilé de Loin-Confins et de contrées annexes, Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Il décrit à sa fille Tanah la vie de l'Archipel, où un jour peut-être elle sera Reine. Mais la réalité est tout près avec la mère qui s'agite derrière eux dans l'appartement. le Royaume réel est un quatre pièces cuisine où son père lui donne sur le balcon une leçon de ciel.
Tanha a six frères. À sa naissance, le plus âgé de la fratrie, Tromelin, a vingt-deux ans, les jumeaux Andaman et Nicobar, dix-huit, Anjouan, quinze, Mohéli, douze et le dernier Kerguelen s'apprête à fêter ses neuf ans. Sa mère a plus de quarante ans et son père plus de quarante-six. Tanah n'aime pas ses frères et c'est réciproque, "des frères absents comme des morts", Mohéli est le seul pour lequel elle éprouve une affection sincère.
En résumé : "Avec son père, elle rit, elle rêve, elle s'émerveille." Elle ne cherche pas à savoir si ce que son père dit est vrai, elle rêve ! "Avec sa mère, elle s'engourdit dans un quotidien sans épices."
Mais à l'âge de neuf ans, lorsqu'un policier municipal vient sonner un matin à la porte, en un instant, tout est détruit, plus d'horizon lointain, plus de monde meilleur.
Plus tard, Tanah va récapituler l'histoire de ses parents et en saisira enfin la tragédie banale. Elle n'en voudra pas à son père, cet homme-enfant, irresponsable qui aura tout volé, par pièces et lambeaux à sa mère, jusqu'à son affection à elle, la dévorant lentement toute entière, car il lui aura appris le rêve, avec passion et conviction.
Si le roman est centré sur l'amour d'une enfant pour son père, c'est également les interactions de tous les membres de la famille qui sont en jeu, ici la mère et les frères, sans oublier le rôle des amis et des voisins.
J'ai vraiment beaucoup apprécié l'analyse psychologique superbement transcrite par Marine-Sabine Roger. Loin-Confins est un titre qui me paraît bien convenir et être bien adapté à ce roman. S'il désigne l'Archipel où a vécu Agapito 1er, il définit également cet état particulier dans lequel est plongé le père et également sa fille, cette frontière, cette lisière, ce degré intermédiaire entre le rêve et la réalité.
Ce livre m'a beaucoup fait penser à "Avant la longue flamme rouge" de Guillaume Sire dans lequel le jeune Savarouth, tout comme Tanah s'est créé, enfant "Un royaume Intérieur" qui lui permettra plus tard, dans l'adversité de faire face à la réalité qu'il nomme "L'Empire Extérieur".
L'autrice décrit particulièrement bien les sentiments de Tanah, la rancune vis à vis de cette complicité muette qu'ont eue ses frères avec sa mère, leur reprochant de ne jamais lui avoir dit, même en douceur, même par allusion, la vérité sur ce père. Elle en voudra à ces frères d'avoir condamné leur père comme s'il était coupable, responsable de son état, tout en comprenant qu'ils aient pu rêver d'un père fort ou du moins normal. La douloureuse trajectoire du père et l'influence des récits de celui-ci à sa fille sont aussi abordés finement.
C'est un très beau roman, délicat, empreint de poésie dans lequel j'ai mis néanmoins un peu de temps à entrer. J'ai trouvé longue, beaucoup trop longue la partie conte de fées. Il me semble qu'elle aurait pu être plus concise sans nuire à la compréhension de la merveilleuse union de ce père avec sa fille. Je ne me suis pas autant régalée qu'avec les romans précédents de Marine-Sabine Roger que j'avais adorés.

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Lorsque j'étais toute petite, mes parents m'affirmaient d'un ton péremptoire que la grande tour blanche et rouge sur laquelle clignote des lumières orange la nuit était la maison du Père Noel. Je la vénérais. Toute l'année j'imaginais en son sein la fabrication fastidieuse de cadeaux, le clignotement incessant comme preuve irréfutable d'une forte productivité. La voir au loin me faisait frémir. C'était ma Laponie à moi, mon pôle Nord, admiré depuis ma cité HLM. Mon oncle un jour les contredit, offusqué, me répliquant avec gravité et en chuchotant que c'était l'endroit où étaient fabriquées les oranges. Je l'ai cru aussitôt. Les deux coexistaient dans mon esprit. Les deux étaient la vérité vraie. Ça faisait, j'en conviens, une sacrée tambouille dans ma tête. Un Père Noël dans sa tour fabricant des cadeaux aux enfants sages et des oranges. Donc. Bon, j'étais très naïve, certes. Ah oui, la tour aux lumières oranges clignotantes était une simple tour des télécommunications. Je ne peux en voir une aujourd'hui sans sourire béatement. Je n'ai jamais oublié leur petit grain de folie, cette sorte de traitrise de la part de mes adultes préférés qui se moquaient de ma naïveté.

La vérité, c'est quand on croit nous dit Marie-Sabine Roger.

Ce livre m'a rappelé cette anecdote. Comment l'imagination des adultes, en l'occurrence ici celle du père, peut transformer la vie d'un enfant, la marquer à jamais et embellir un quotidien terne. L'enfant ne cherche pas à savoir si ce que raconte ses parents est réel ou pas. Les enfants sont pétris de foi. Il est vrai que dans cette histoire, l'imagination du père, et surtout sa folle poésie, aveugle la petite fille, la drape d'un amour fou, au point de l'éloigner de cette mère si terre-à-terre, si pragmatique. « Il met de l'utopie, de l'exotisme, du drame, saupoudre de piment un quotidien banal, quand sa mère voudrait les tenir tous deux à laisse courte, dans sa poigne solide ». L'un enchante, lorsque l'autre désenchante. L'un permet tout lorsque l'autre réglemente. le fruit d'un amour exclusif et d'une indifférence. Pense-t-elle.

Dans la famille Mollet, les enfants ont des prénoms d'îles et d'archipels. Tanah la petite dernière. Et les frères, devenus grands : Tromelin, Andaman, Nicobar, Mohéli, Kerguelen. Des noms de rochers les plus perdues de l'océan indien tout droit sortis de l'imagination du père. le père Mollet. Comme les oeufs. de beaux prénoms qui compensent quelque peu leur absence de beauté. Ils sont « laids comme le sont ces fins de race dont on voit les portraits dans les livres d'Histoire, lorsque la génétique trahit ouvertement les alliances consanguines et distribue à l'aveuglette prognathismes, hémophilies, troubles mentaux et autres royales miséricordes.

Seule fille de la tribu et petite dernière, ce père a trouvé en sa fille la seule et unique dépositaire de son terrible secret : il s'appelle en réalité Agapito 1er, souverain de Loin-Confins et contrées annexes, Patalin, Pétrassel, Macapète et Mouk-Mouk, Empereur honoraire d'Estagule et Mitard. Il a été renversé par l'oncle fourbe et traite qui a voulu le spolier, a été emprisonné, a réussi à s'évader, endurant mille sévices et aventures. le père lui raconte ce royaume paradisiaque, lui raconte l'évasion, puis la traque de l'Oncle, encore d'actualité, d'où le secret nécessaire. Il raconte parfois avec les larmes aux yeux la déchéance et le paradis perdu.

Quelle incroyable imagination déploie ce père pour sa fille, quel magnifique royaume il dépeint avec moult détails et noms exotiques, avec de fines descriptions de sa géographie, de sa faune et de sa flore, de son histoire. Nous sommes nous-mêmes sous le charme de cette contrée lointaine, île aux noms évocateurs et au climat tropical que l'on quitte non sans nostalgie :

« Là, tel un diamant vert sombre dans un écrin bleu cyan, se trouve Loin-Confins et ses hautes falaises, ses plages infinies au sable immaculé plus fin que farine impalpable, ses forêts d'essences précieuses, d'espèces endémiques, pins bleus de Pétrassel, cèdres centifoliés, Macapetus sempervirens, chênes rouges de Patelin, agapanthes Mouk-Mouk ».

Un secret qui tient à distance la pauvreté et la honte. Une île si éloignée de l'appartement triste et morne dans lequel la famille vit. Bloc de béton avec petits balcons aux rambardes vert moisissure, un vert si éloigné des dégradés de vert enchanteurs de la luxuriante île de Loin-Confins.

« Les sinistres culées du pont voilent leurs ombres noires d'une végétation touffue et dense, et grasse, de tous les verts possibles, de l'émeraude au vert de mai, du Véronèse au vert cyprès, du presque jaune au presque bleu, vert de vessie, vert céladon, vert de Hooker, vert de cobalt, vert pomme ou vert de haricot, vert de mafane ou de chouchou, jusqu'à ces verts fluorescents qui éclairent si bien l'Irlande. Elles s'ornent d'entrelacs de lianes et de branches serrées, cachent sous leurs feuillages sombres et vernissés des yeux dorés, des museaux frémissants ou des antennes fines, des dos laineux, épineux, emplumés. le pont lui-même n'existe plus mais, à sa place, elle voit, non, elle entend, la Grand'Cascade aux Ours. Son père lui invente une enfance sauvage, avec pour garde-fou ce simple préalable : ils vivent en exil, ils ne régneront point ».

Et nous lecteurs, de nous émerveiller à notre tour de ce que peut transmettre ce père, tout en sentant poindre un certain malaise…jusqu'au jour du chaos où elle devient d'un seul coup Princesse de nulle part, Fille du Roi de rien…

Ce livre démarre tel un conte et nous laisse entrevoir un monde magique, fantastique, un peu inquiétant, à l'image de la superbe couverture d'un bleu-vert onirique, un bleu-cyan trouble et crépusculaire. Un monde vers lequel voler pour fuir le quotidien. La coquille se lézarde peu à peu pour finir par exploser et nous montrer la tragédie d'une petite fille et la grandeur cachée d'une femme. Je ressors très émue par cette lecture. J'ai aimé la façon singulière qu'a choisi Marie-Sabine Roger de nous raconter cette relation entre ce père et cette fille, de nous faire entendre la voix de Tanah devenue adulte qui a désormais pris du recul, de nous montrer l'impact de l'imaginaire sur la construction de notre identité. C'est beau et triste à la fois…C'est profondément humain. Un immense merci à Sandrine (@Hundreddreams) de m'avoir donné envie de découvrir ce livre et cette auteure !

« La fécondité de l'imagination est une grâce ».
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Même si c'est peu probable, une ribambelle de frères étant nés avant elle, un jour, Tanah sera Reine... Pour l'instant, elle est une princesse, fille du Roi son père, Agapito 1er, Souverain de Loin-Confins et des contrées annexes, Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Un père qui lui tisse, de sa voix chaude et lente, quelque fois ponctuée d'émotions, le fil à la fois dur et soyeux des généalogies. Notamment l'histoire de son père, Roi en exil spolié par un oncle indélicat, mais aussi celle du Royaume, ce paradis perdu et confisqué au milieu des immensités bleues de l'océan Frénétique. Depuis le balcon de leur quatre-pièces-cuisine, père et fille partagent un moment pourvu de tendresse, d'admiration et d'amour. Un moment que seule la maman de Tanah viendra interrompre, bien trop ancrée dans une vie morne et fade...

Elle en a de la chance, la jeune Tanah ! Auprès de son père, le Roi Agapito 1er, elle aura grimpé les pentes du pic Marche-les-Hauts, se sera baignée dans la rivière Blanc-Coton, se sera baladée dans les forêts d'essences précieuses de Loin-Confins et aura côtoyé des singes à plumes roses, des perrocatoès ou des vaches rouges... Tout cela grâce aux merveilleuses histoires contées sous un ciel d'étoiles, fussent-elles fictives. Des histoires fussent-elles habilement enchâssées dans un présent beaucoup moins rose... Et si Tanah, adulte, porte aujourd'hui un regard bien différent sur son enfance, elle en gardera tout de même un souvenir merveilleux et immanquablement inoubliable. Par un procédé habile, Marie-Sabine Roger, tout au long de la première partie, nous fait vivre un véritable conte de princesse jusqu'au jour où Tanah, alors âgée de neuf ans, découvre la vérité. Elle dépeint, avec force et tendresse, la relation entre Tanah et son père, au détriment de celle qu'elle ne nouera jamais avec sa mère, mais aussi le pouvoir de l'imagination, véritable refuge magique. L'enveloppe du rêve, la magie des mots et plus que tout l'amour d'un père feront de Tanah l'adulte qu'elle est aujourd'hui. D'une profonde poésie, d'une imagination débordante, ce conte onirique regorge d'émotions...
Tristement beau...
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« La vérité, c'est quand on croit ». Et elle y croit Tanah enfant, au rêve lointain que l'on aperçoit depuis le balcon suspendu aux étoiles, révélé à la torche d'yeux enchanteurs, par le conduit vespéral d'une voix de conteur, celle de son père, François Mollet. Euh non pardon, Agapito Porfirio Venustanio de Aguas de tieras de Islas y sus Alrededores, plus sobrement Agapito 1er le Légitime, roi de Loin-Confins et des contrées annexes, l'Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Loin-Confins, un archipel mirifique au coeur de l'Océan Frénétique, dont son père a été déchu par le vilain oncle, et qui s'évertue désormais à rebâtir l'architecture sur les fondations d'une sémantique de mots qui « recréent les senteurs, chantent les clapotis, et exaltent la brise ». En exil permanent, il agrafe l'héritage féérique à la traîne de Tanah, dernière arrivée neuf ans après une fratrie de six garçons, sous le regard réprobateur d'une mère distante et bien trop réelle.
« Tire-toi d'ici Tanou ! Dès que tu pourras, promis ? » a beau lui sommer très tôt un des frères, Tanah préfère de loin son père le Roi qui « sème en elle les graines d'un délire onirique. »
Jusqu'à l'éveil, la honte, la révélation, à ces âges où l'on revisite son Père Noël. Car il n'y a malheureusement pas que le lointain suggéré dans l'archipel, il y a aussi la part de confinement et de destruction. Tanah devra se construire avec.
Chez Marie-Sabine Roger, l'amour est obstiné. Envers et contre tout, on retrouve la tendresse qui soude les fragilités et les rend plus fortes, de ses romans adultes précédents. La nouveauté dans celui-ci, ça semble bien être le grand-écart qu'elle réalise avec son oeuvre bâtie en littérature jeunesse, Loin-Confins y faisant parfaitement écho. Elle relie ses deux univers avec une maîtrise stylistique à la fois précise et poétique, tout en y interrogeant aussi en sourdine la construction de la romancière. On pourrait en effet questionner la part de réel dans ce magnifique roman. Mais ça ne servirait à rien. Tout y a été vrai, puisque j'y ai cru.
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Oyez cher.e.s lectrices et lecteurs, Marie-Sabine Roger nous convie enfin et contre toute attente à un conte. Conte de fées ? Conte médiéval ? Conte antique ? Ici le décor est planté avec quelques personnages qui règnent sur ce lieu. Il s'agit d'un archipel aux contours incertains qui s'appelle Loin-Confins.
Nous faisons connaissance avec Tanah, princesse de neuf ans et de son père Agapito 1er, le Légitime, le Roi de Loin-Confins et des contrées annexes, l'Empereur honoraire d'Ergastule et Mitard. Il y a aussi quelques princes qu'on sort trop vite du decor, on découvrira qu'ils sont les frères de la princesse Tanah.
Si vous me posez la question « Loin-Confins existe-t-il ? » je vous répondrai que bien sûr oui il existe, et si vous avez l'impertinence de me demander où, je vous répondrai : ici ou là.
Ce refuge existe bien sûr, car c'est davantage un refuge qu'un royaume. Plus tard, j'ai compris cette idée d'un roi qui partait en exil. Oui, je me suis demandé si d'une certaine manière, lorsqu'on perd pied dans la vie, l'exil est-il si loin, ou n'est-il pas plus près au contraire...
Aux confins de l'imaginaire et de l'enfance, il y a sans doute un territoire particulier, tout proche, à portée de mains, à portée de rêves.
Comment vous parler de la suite si ce n'est à travers mon ressenti ? On se réveille brusquement à l'aube d'une page, elle est un peu froissée comme moi, comme mon visage qui s'y est penché brutalement, on se réveille d'un rêve avec la gueule de bois, le royaume est toujours là ou presque, le roi aussi mais on sent bien déjà que son trône vacille. Comment continuer de donner l'illusion à cette petite princesse de neuf ans qui commence à comprendre qu'il y a quelque chose qui déconne dans cette histoire ? »
Tanah croit à ce royaume jusqu'à l'âge de neuf ans. Elle avait besoin de croire à ces histoires, aux histoires de son père.
Nous passons du rêve à la brutalité de la réalité. C'est vrai que la vraie vie est brutale. Pourquoi ne nous a-t-on pas dit cela avant ?
Dans ce royaume où vit Tanah, il y a son père qui prend en effet de l'importance, s'empare de l'espace qui lui est proposé. Pourtant l'espace n'est pas grand, c'est l'espace d'un appartement dans une banlieue, tout est réduit, l'appartement est petit, la cuisine est en formica, les rêves se réduisent à cette démesure...
Son penchant pour le rêve n'abdiquera jamais. Mais voilà, en France les rois ont mauvaise figure. Ce roi nu brusquement est détrôné sur la place publique. Cette scène est violente avec les voisins du quartier. Tanah comprend alors...
Il y a aussi dans cette histoire, une histoire d'amour qui traverse le texte comme une comète, on l'oublierait presque. Sa mère et son père, la folie insondable d'un homme qu'elle avait pourtant aimé aux premiers jours de leur rencontre, aux premiers jours de leur amour. Peut-être n'ont-ils jamais cessé de s'aimer.
Et puis, ici, il y a bien la cruauté des enfants entre eux, il y a aussi la tristesse d'un roi déchu mais la tristesse est davantage pour les siens que pour lui ; il y a pourtant aussi des soleils pour enrouler de lumière la tristesse et les drames.
Lorsque le roi est déchu, il devient François Mollet. Il n'en demeure pas moins respectable, c'est l'essentiel, non ? Il est maître de personne, pas même de lui-même. C'est son triomphe et sa perte...
J'ai trouvé particulièrement émouvant ce moment de retrouvailles dans cette chambre blanche où le père incapable de s'exprimer dessine pour sa fille dans la buée d'une vitre des vagues, des palmiers, un archipel, un paysage en exil.
J'ai adoré cette histoire d'enfance particulière, faite de poésie onirique et de paysages quotidiens, quand la magie se mêle à l'effroi, les sortilèges au maléfice.
J'aime les rois mélancoliques, les rois qui perdent leur couronnes, perdent leur tête. Ici nous avons un roi qui perd la tête et survit aux yeux et au coeur de sa fille, c'est émouvant.
Derrière l'enchantement il y a le drame ordinaire d'une vie, l'enfoncement, cela porte plein de noms aux termes médicaux abscons, le mot folie suffirait peut-être.
Loin-Confins est un paysage beau et douloureux.
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Qui n'a pas rêvé d'une enfance peuplée d'îles paradisiaques, où on est roi ou reine, où on va pêcher dans une eau chaude et limpide, en traversant des endroits « beaux comme un rêve »…
Eh bien c'est l'enfance de Tanah !

Par la magie volubile de son père fantasque, elle est entrainée chaque jour dans un monde hors du temps, hors de l'espace commun et laid dans lequel vit sa famille. Cadette de 7 enfants beaucoup plus âgés qu'elle, elle se raccroche au monde merveilleux conté par son père et présenté comme réel. A neuf ans, on croit tout ce que son père raconte, n'est-ce pas ?

Et la maman, dans tout ça, quel petit rôle lui reste-t-il à jouer ?
« le père de Tanah, sans le vouloir vraiment, interpose entre mère et fille la puissance de ses rêves, cette immense poésie sans cesse réinventée. Il met de l'utopie, de l'exotisme, du drame, saupoudre de piment un quotidien banal, quand sa mère voudrait les tenir tous deux à laisse courte, dans sa poigne solide. L'un enchante, l'autre désenchante. L'un permet tout et l'autre réglemente.
Et, sans surprise, Tanah, comme tous les enfants, penche du côté de la séduction.
Elle préfère son père, parce que c‘est plus facile, et tellement drôle. »
C'est donc le premier grincement dans les rouages familiaux.

Le deuxième arrivera très vite, car nous apprenons que les « rêves » du père ne sont pas inoffensifs et le font tomber de son piédestal, où Tanah malgré tout tient à le remettre. Car la folie n'est pas très loin de la fantaisie.
Voilà donc le thème principal de ce roman qui m'a enchantée. On se glisse dans le coeur d'une petite fille et on est entrainé dans un engrenage qui, de sommets somptueux, nous fait dégringoler dans la réalité misérable, celle de la maladie mentale.

Je reviens de loin, des confins d'un monde tissé par cette orfèvre des mots, conteuse de merveilles, démêleuse de quotidien, déchiffreuse du mystère mental, cette magicienne qu'est Marie-Sabine Roger.
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J'ai découvert Marie-Sabine Roger avec « Loin-Confins ». Ce roman me tentait depuis sa sortie, sa couverture laissait imaginer un monde fantastique et magique qui m'attirait.
Et c'est vrai, l'histoire commence comme un conte mythologique, mais la réalité est plus rugueuse et révèle un roman plus grave qu'il n'y paraît au départ.

« La vie est âpre, riche et belle »

*
Fille du roi déchu Agapito Ier, Tanah raconte ses souvenirs d'enfance entre une mère distante, incomprise et un père protecteur, aimant. La petite princesse idolâtre ce père lumineux, souverain exilé de l'archipel de Loin-Confins, un ensemble d'îles qui n'apparait sur aucune carte.
Elle se souvient de tous ces récits merveilleux qui l'ont bercée chaque soir.

« Son père parle de Loin-Confins comme un amant fougueux le ferait d'une femme. Tanah a beau être une enfant, elle perçoit sa ferveur et son idolâtrie. »

*
J'ai aimé ces moments où ce père fantasque, rêveur et fou décrit à sa princesse, la géographie, la flore et la faune de Loin-Confins.
Moments de douceur, de partage, et de tendresse.
Moments d'une grande poésie, ode aux rêves et aux voyages.

« Là, tel un diamant vert sombre dans un écrin bleu cyan, se trouve Loin-Confins et ses hautes falaises, ses plages infinies au sable immaculé plus fin que farine impalpable, ses forêts d'essences précieuses, d'espèces endémiques, pins bleus de Pétrassel, cèdres centifoliés, Macapetus sempervirens, chênes rouges de Patelin, agapanthes Mouk-Mouk. »

J'ai particulièrement apprécié la richesse des descriptions, les détails qui nous permettent de nous immerger dans le monde coloré et foisonnant de Loin-Confins. L'auteur s'amuse même à jouer avec les mots, inventant des mots-valises.

« Tapis entre les feuilles de jade vernissé et les lianes fleuries, les panthigres à crinière feulent, aiguisent patiemment les lames acérées de leurs énormes pattes sur les hauts troncs ligneux des grands babaobabs. Les singes à plumes roses caquettent sans vergogne, les perrocatoès jacassent dans leurs nids, il fait chaud, il fait lourd et moite, et son père raconte, et elle est entraînée à sa suite, mieux tenue par ses mots que par une main ferme. Elle lui emboîte le pas, courant, virevoltant, sautant joyeusement par-dessus les rochers, les racines, changeant de cap au fil de son récit, minuscule araignée dont le fil impalpable dérive au gré des alizés. »

Le lecteur réalise, bien avant la fillette, dans quel monde se situe le royaume de son père.

« Ce pays-paradis qu'il offre avec passion à son imaginaire, qu'il lui fait miroiter avec mille détails et de subtils accents de triomphe modeste, Tanah ne le verra probablement jamais. Son père sème en elle les graines d'un délire onirique, il fait lever des champs de fleurs uniques au monde, d'épis lourds que la vie ne moissonnera pas.
Peu importe. Elle rêve, elle rêve. »

*
Dans la seconde moitié du roman, le texte laisse apparaître des craquelures, le monde enchanté se fissure et glisse vers une réalité plus complexe et plus dure. Les personnages n'en sont alors que plus beaux et plus touchants.
Certains se révèlent dès le départ, comme Tanah, si vive et entière.

« C'est un de ces oisillons disgracieux qui se changent un jour en oiseaux magnifiques et tracent dans le ciel, d'un frémissement d'aile, l'histoire de leur vie au gré des courants d'air. »

Un autre se dévoile comme une rose s'ouvrant peu à peu, laissant entrevoir ses pétales cachés derrière, puis son coeur. Je ne vous dis pas lequel afin de ne pas trop en dire, mais il m'a particulièrement émue, par son abnégation et son amour simple et discret.

*
« Loin-Confins » est un beau roman sur la force de l'imaginaire, sur l'enfance, sur la famille, sur la tendresse des liens entre un père et sa fille, sur l'importance de l'enfance et de l'environnement familial dans la construction du caractère et de la personnalité du futur adulte.

Le parti pris de livrer les réflexions et les souvenirs d'enfance de Tanah devenue adulte est particulièrement intéressant, car la narratrice a ainsi la maturité nécessaire pour prendre un certain recul face à cet amour exclusif, aux expériences de la vie auxquelles elle a été confrontée. Cette dimension apporte la profondeur nécessaire pour en faire un très beau récit.

A cela s'ajoute la fin particulièrement remarquable, qui permet de « boucler la boucle ». J'en suis ressortie émue et encore plus touchée par les liens si tendres qui unissent ce père à sa fille.

*
Pour conclure, « Loin-Confins » est un roman d'apprentissage racontant comment Tanah s'est construite entre deux parents dissemblables. A la manière d'un conte, cette belle histoire entrelace rêves, désirs et une réalité bien plus terre à terre.
Marie-Sabine Roger est une merveilleuse conteuse. Son écriture est toute en retenue, générosité et sensibilité.
J'ai été heureuse de découvrir cette auteure.
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Un récit qui commence comme un rêve merveilleux, un père raconte à sa petite fille leur royaume perdu, avec les noms magiques des lieux qui lui sont familiers.
Ils sont en exil loin de leur terre natale, Tanah est émerveillée par tout ce que lui raconte son papa.
La réalité qu'elle vit n'est qu'un pâle rêve à côté de ce que serait sa vie de princesse s'ils étaient toujours dans leur royaume.
Quand la vrai réalité chasse le rêve, l'enfance s'en trouve toute chamboulée et c'est un autre chemin qu'il faut parcourir pour arriver à l'âge adulte. Tanah se sera construite à travers les rêves de son père et adulte aura gardé ce goût du rêve qui aura bercé son enfance.
Très beau livre de Marie-Sabine Roger. Déjà avec La tête en friche et Bon rétablissement elle avait su me toucher par son écriture et sa sensibilité. Ici c'est un petit roman sur la construction d'un enfant et l'amour qui l'unit à son père, qui nous prend au coeur.
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Et tu te soumettras à la loi de ton père, de Marie-Sabine Roger

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