Ses hanches, à présent, cognent plus fort, plus vite, sur les beats endiablés de la chanson, et mon rythme cardiaque accélère aussi la cadence pour continuer à tanguer avec elle. Son corps ondoie voluptueusement, je tachycarde synchrone. Ses bras, au-dessus de sa tête, volutent sensuellement. Les spectateurs ont cessé de respirer et je vois ces gros porcs bander comme des cochons. Cette poupée semble inconsciente des tempêtes qu’elle provoque autour d’elle. Enfin, elle met un terme à ma douce agonie ; d’un mouvement de tête, sa crinière dorée balaie son dos et son corps pivote. Dans l’envolée, une mèche est venue agripper ses lèvres. Plusieurs cheveux longs et ambrés lui collent sensuellement, au visage et la mèche glissée sur sa bouche entrouverte et pulpeuse, presque boudeuse, refuse de la lâcher. Comme je l’envie… Je déglutis péniblement, de plus en plus à l’étroit dans mon jean. Mon cœur manque de s’arrêter lorsque l’une des bretelles de sa robe glisse le long de son épaule, dévoilant la naissance d’un sein, rond et plein. Ses paupières sont closes et sa tête penche doucement du côté opposé.
Nous savourons la paix qui nous entoure. Chaque jour, la menace s’évapore un peu plus, comme si, à présent que nous étions toujours en mouvement, elle ne pouvait pas nous rattraper. Comme si elle n’avait peut-être même jamais existé. Et l’espoir d’un avenir se dessine subtilement devant nos yeux. Le camping-car est presque intégralement recouvert des peintures de ma femme et nous faisons sensation partout où nous nous arrêtons. Un gars spécialisé dans le tuning lui a même proposé un job de peintre en carrosserie !
Je gère mon business à distance. Pas mon travail à la banque ; celui-là, j’ai définitivement tiré un trait dessus. Non, je parle de mes biens mis en location. Julie assure le lien et bosse comme une folle avec le plus de discrétion possible. Elle est plutôt bonne dans ce qu’elle fait, c’est pour ça qu’elle travaille pour moi, pas parce qu’elle a un corps de poupée mannequin. L’argent est versé sur un compte ouvert au nom de Wilo Knight et jusqu’à présent, personne n’a mis la main dessus.
Je la voulais simple, épurée comme l’idée que je me fais de la liberté. Il me l’a tatouée en bas des reins, prenant son envol juste au-dessus des dunes que dessinent mes fesses rondes.
Je ris en pensant à la crise cardiaque que va faire mon père en le découvrant. Mais c’est bien fait, il n’avait qu’à pas m’entraîner dans ce traquenard l’autre soir, chez son boss. C’était il y a quinze jours déjà, mais oui, je suis rancunière, c’est l’une de mes innombrables qualités d’enfant unique et pourrie gâtée ! Et puis il faut rendre à César ce qui appartient à César, c’est cette soirée de merde qui a payé cette douloureuse œuvre d’art qui repose dorénavant, à vie, près de mon séant. Deux cents dollars, je les ai amplement mérités : il m’a fallu supporter « Collant » et « Crétin » pendant plusieurs heures, quand même ! Ouais, c’est comme ça que je les surnomme depuis cette fameuse soirée mortelle. Enfin, Collant a aussi obtenu le surnom de Canon, mais uniquement quand je suis bien lunée.
Mon idiot de mari se moque ouvertement de moi, il rit fort et je me froisse à nouveau en tapant du pied. Mais une fois la porte de la chambre claquée derrière nous, il me plaque sauvagement contre elle, son désir est évident et ma mauvaise humeur s’évapore. Mon souffle devient haletant, je suis en effervescence, pressée de sentir le corps de mon époux envahir le mien. Mais ce que je ne sais pas encore, c’est qu’il n’en a, une fois de plus, pas l’intention.
Lui aussi a du mal à respirer et il lui faut quelques secondes pour que le trouble, dans son corps et son regard, ne se dissipe.
— J’en ai tellement envie…, grogne-t-il.
— Alors vas-y, je suis prête et… j’ai oublié d’enfiler ma petite culotte avant de partir.
Il grogne à nouveau, mais il s’exécute, mon dernier argument le fait enfin basculer. En quelques secondes, son pantalon libère son sexe et je le sens fondre en moi si fort et si profondément que j’en perds un instant mes repères.
C’est très étrange de sentir ces corps près de nous sans les apercevoir, de les toucher sans les connaître. Nous sommes assis dans la poussière. Chacun est invité à prier pour ce qu’il souhaite, formuler ses vœux de changements à haute voix, des choses intimes, ou d’autres, plus générales.
Amarok nous asperge régulièrement d’eau froide, très froide. Le noir est abyssal et effrayant, mais je dois libérer mon homme pour le laisser faire son voyage spirituel, seul. Mes doigts desserrent le sien. Je reste assise, j’ai du mal à me détendre, à lâcher prise… Je sens que les corps près de moi ont glissé sur le sol. Recroquevillés, à cause du manque d’espace, dans la poussière. Des sanglots s’échappent de certains d’entre eux. Je crois percevoir les murmures de Milo, mais je ne sais pas où il est, je ne l’ai jamais entendu pleurer…