A l'instar de ses autres romans tels que
L'écrivain des ombres,
La leçon d'anatomie et
La contrevie,
Philip Roth (prix Pullitzer-fiction 1998 pour
Pastorale américaine) aborde dans
Indignation le thème de l'impuissance et de la frustration.
"Oh merde à la fin" s'indigne Markie, fils unique brillant, harcelé par son père boucher kasher, sans instruction, obsédé par la peur de le perdre.
"C'est toi qui pue" s'indigne Markus, devenu étudiant (au collège universitaire de Newark) en droit et préparation militaire, alors que son "coturne" Flusser "l'emmerdeur" lui fait mille misères qui l'empêchent d'étudier et lui reproche d'être un être humain "qui pue".
"Va te faire foutre" lance le puceau Marc (déstabilisé par la conduite d'Olivia Hutton "qui l'a sucé" avec dextérité) au mutique Elwyn, son deuxième "coturne" après changement de chambre, alors que ce dernier, pour une fois en verve, traîte son "héroïne" de "pouffe".
"Allez vous faire foutre" crache Marcus, étudiant modèle convoqué par le doyen et poussé dans ses retranchements par un discours sur son intolérance, son caractère asocial,son inanaptation,sa non appartenance à des fraternités,son non respect de sa judaïté...bref son intimité.
"Allez vous faire foutre" explose-t-il à nouveau, "incapable de fermer sa grande gueule", re-convoqué par le doyen qui fouille plus profondément sa relation avec Olivia repartie chez elle pour dépression nerveuse.
Alors c'est lui Markie,Markus,Marc,Marcus, le major, pris d'
IN-DI-GNA-TION, qui, soldat en Corée, enrôlé dans le "bon vieux défi américain" ira se faire foutre par la mort en 1952.
Indignation, fort et émouvant, est (je trouve) l'un des meilleurs ouvrages de
Philip Roth (dont j'ai chroniqué dernièrement
La bête qui meurt et
le rabaissement) car il s'indigne contre l'intolérance et l'intrusion. Il ouvre le débat sur l'individualisme par rapport au groupe qui noie ou peut détruire (comme dans le cas d'Olivia dite "la reine de la fellation 1951"), le respect d'autrui, l'autorité toute puissante. Il aborde le cocon familial trop possessif et la vie communautaire sur un campus, ses dérives, ses fantasmes, ses violences inhérentes et les angoisses engendrées.
Il dénonce enfin l'absurdité de la guerre (ici de Corée) et les massacres d'innocents.
Un excellent livre, avec toujours ce petit grivois et pimenté qui signe la pâte de
Philip Roth!