Difficile exercice pour moi que de formuler mes impressions sur ce livre, le début de m'a lecture ne m'ayant pas mise dans les meilleurs conditions pour en apprécier la suite.
Ma première lecture de cette ouvrage s'est faite à la lumière de notre époque, et de mes idéaux personnels. Tout m'a repoussé chez ce narrateur, professeur de littérature émérite de 62 ans au moment des faits, qui joue de sa position de personnalité célèbre auprès de ses étudiantes pour satisfaire son égo de vieil homme célibataire, et ses pensées libidineuses. Il n'évoque sa relation avec les femmes que par le prisme de sa sexualité, qui ne fait par ailleurs pas plus rêver que ledit narrateur : une sexualité dont l'impulsion est celle de tromper le temps qui passe, la mort, et le dépérissement de la chair et de l'esprit. du haut de son expérience, ce professeur joue avec ses étudiantes, plus jeunes que lui d'une quasi-quarantaine d'années, étudiantes paraissant au travers de son regard naïves, simples, ingénues parfois. Il aime les dominer dans la séduction, qu'il envisage d'ailleurs comme un voile, "une comédie qui consiste à créer un lien factice" entre deux individus - triste vision de la chose.
Lorsqu'il rencontre Consuela, ce qui l'attire, c'est avant toute chose son "énorme paire de seins" et son pouvoir de séduction désintéressé. Pourtant, notre charmant narrateur se complait à décrire à quel point il la trouve sexuellement fade car trop jeune et inexpérimentée. Ce qu'il aime, c'est la posséder, se considérer comme celui lui ayant donné « sa stature », celui qui l'a faite.
A la première lecture donc, je n'ai vu dans ce livre qu'une peinture des relations que certains hommes projettent sur les femmes, relations de domination, avilissantes au possible.
Pourtant, une fois ce premier sentiment dépassé, et après une cinquantaine de pages de lecture, j'ai appris à apprécier ce roman. le style est léger et sans prétention, parfois poétique et inspirant. Avec du recul, on comprend la détresse d'
un homme qui se pense libre de toutes attaches amoureuses, qui pense maîtriser son destin sentimental, mais qui est finalement prisonnier du temps, de ses effets sur sa chair et finalement, de sa passion et son amour irraisonnés pour Consuela.
Ce roman retrace la libération sexuelle américaine ayant pris place dans les universités, durant les années 60, à laquelle adhère pleinement le narrateur, favorable à ce que chacun, mais surtout chacune, jouisse de la vie comme il l'entend. Au-delà, les réflexions de l'auteur sur ce que le couple "traditionnel" peut ôter de liberté et exige comme sacrifices sont intéressantes, et abordent un sujet qui semble aujourd'hui encore tabou.
J'ai finalement pleinement apprécié les réflexions que j'ai tirées de ce roman, en dépit de son narrateur repoussant et du triste sentiment qui subsiste en moi selon lequel pour certains, les femmes ne sont qu'un instrument de leur désir.