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Critiques filtrées sur 5 étoiles  

Lire Opération Shylock n'est pas une sinécure.
Ce pavé de plus de 600 pages, nous entraîne dans le sillon de Philip Roth, qui, relevant d'une grave dépression, se rend en Israël afin de réaliser un entretien avec le grand écrivain israélien Aharon Appelfeld. Il a été prévenu par ce dernier et par un cousin, qu'un autre Philip Roth, se faisant passer pour lui, se trouvait à Jérusalem.
En parallèle de ses rencontres avec l'écrivain, il assiste au procès de John Demjanuk accusé d'être le bourreau de Treblinka, croise à plusieurs reprises le faux Philip Roth et sa femme, retrouve un ancien ami palestinien et termine son périple avec le Mossad.
Opération Shylock, c'est une histoire de fous, où la paranoïa est maître du jeu, la paranoïa de Roth intoxiqué par le somnifère Halcion, sa paranoïa en Israël alors qu'il est poursuivi par son double prônant le retour en Europe des juifs d'Israël, par son ami palestinien et par des espions dont on ne saisit pas les objectifs, mais aussi paranoïa de l'état d'Israël à l'encontre des palestiniens, et de ces derniers qui se sentent victimes d'un apartheid.
Ce livre, brillantissime à bien des égards, permet à Roth de faire un examen de conscience et de conduire une analyse globale et menée à un rythme d'enfer sur la question juive, la shoah, le sionisme, la création d'Israël, le problème palestinien. Il nous offre sa grille de lecture, éclairante, visionnaire et décoiffante, grille de lecture qui n'a pas du recueillir l'assentiment des instances israéliennes.
A un autre niveau, Opération Shylock, est une réflexion toute aussi passionnante, sur le travail de l'écrivain, son rôle de démiurge, les relations qu'il entretient avec des personnages qui ont tendance à s'échapper et à vivre leur propre vie.
De mise en abyme en mise en abyme, nous ne savons plus où nous sommes, et la pensée survoltée de Roth nous immerge dans un labyrinthe de miroirs, un faisceau de tromperies, de trahisons, de manipulations et de faux semblants.
En bref, il faut bien prendre sa respiration et être en forme mais c'est du grand art !
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Comment se débarrasser d’un double maléfique ? Un roman brillant de Philip Roth, au sommet de son art.

L’écrivain Philip Roth se retrouve en dépression en 1988 suite à la prise d’Halcion, un somnifère aux effets secondaires très négatifs, qui provoque en particulier des troubles d’identité. Encore fragile alors qu’il se remet à peine des dégâts causés par ce médicament, il apprend l’existence d’un autre Philip Roth, qui, à Jérusalem, utilise son nom pour promouvoir le diasporisme, doctrine visant au retour des juifs ashkénazes d’Israël en Europe, afin de leur éviter un «deuxième holocauste», car il est convaincu qu’Israël est condamnée à être détruite par ses ennemis arabes, et se réclamant de Theodore Herzl face à ceux qui rejettent son «utopie».

Exaspéré, Philip Roth appelle son double, raccroche une première fois, puis mû par une impulsion incontrôlable, se fait passer pour un journaliste du nom de Pierre Roget, se voyant contaminé et aspiré par cette usurpation d’identité qui le fait lui-même rentrer dans la peau d’un imposteur.

«Ce soir-là, après le dîner, j’annonçai à Claire que je montais dans mon bureau, tout en haut de la maison, continuer à travailler sur les romans d’Aharon et prendre des notes pour préparer l’entretien de Jérusalem. Mais je n’étais pas assis à ma table depuis cinq minutes que j’entendis la télévision à l’étage en dessous et que j’en profitai pour appeler l’hôtel King David à Jérusalem où je demandai la suite 511. Je déguisai ma voix en parlant anglais avec un accent français ; pas un accent français d’alcôve, pas l’accent caricatural de Charles Boyer, repris par Danny Kaye et que l’on entend maintenant dans les publicités télévisés pour le vin de table ou les chèques de voyage, mais l’accent des grands intellectuels français, celui des cosmopolites comme mon ami Philippe Sollers, sans « zis » ni « zat » ou autres « h » consciencieusement aspirés à l’initiale – je parlais un anglais courant rythmé par la cadence et les intonations naturelles d’un étranger cultivé. C’est une imitation que je réussis pas mal – une fois, au téléphone, je suis même parvenu à tromper Sollers, pourtant il est malin – et c’était le stratagème que j’avais décidé d’adopter alors même que je discutais avec Claire de l’opportunité de ce voyage ; alors-même, je dois le reconnaître, que plus tôt ce jour-là, la très sérieuse voix de la Raison me soufflait que ne rien faire était le plus sûr moyen de gagner la partie. À neuf heures ce soir-là, je cédai à la curiosité, et la curiosité est un caprice pas très rationnel.
« Allô, Mr Roth ? Mr Philip Roth ? demandai-je.
– Oui.
– Vous êtes bien Mr Roth l’écrivain ?
– C’est moi.
– L’auteur de Portnoy et son complexe ?
– Oui, lui-même. Qui est à l’appareil, s’il vous plaît ?»
Mon cœur battait aussi fort que si j’avais été au beau milieu de mon premier cambriolage avec un complice comme Jean Genet, pas moins – tout ceci n’était pas seulement perfide, c’était aussi très intéressant. À la pensée qu’à l’autre bout du fil il prétendait être moi, alors que de mon côté je prétendais n’être pas moi, j’eus soudain l’impression extraordinaire de vivre en plein carnaval. C’est d’ailleurs sans doute pour cette raison que je commis immédiatement une erreur idiote. « Je m’appelle Pierre Roget », dis-je. Et à l’instant même où je prononçai ce nom de guerre bien pratique, apparemment venu de nulle part, je pris conscience d’avoir choisi les mêmes initiales que les miennes – et les siennes. Pire, il se trouve que c’est une très petite modification du nom du lexicographe du XIXe siècle dont tout le monde connaît le célèbre dictionnaire. Et ça, je ne m’en étais pas rendu compte non plus – c’est le nom de l’auteur du meilleur dictionnaire des synonymes !»

Toujours vulnérable nerveusement, Philip Roth se rend finalement à Jérusalem où il doit interviewer son ami Aharon Appelfeld. Il va bien sûr y rencontrer son double déviant, être fasciné par cette histoire et aspiré dans un enchaînement d’événements délirants, du fait des personnalités du double – que Philip Roth affuble du surnom de Moishe Pipik pour le tenir à distance – de son attirance inexplicable pour sa maîtresse pulpeuse et antisémite repentie, et car israéliens et palestiniens veulent utiliser sa réputation et ses réseaux, tout ceci se déroulant sur fond d’Intifada et du procès de John Demjanjuk, qui pour sa défense prétend ne pas être le bourreau de Treblinka mais un père de famille ordinaire.

Comment démêler le mal du bien ? Comment comprendre ce qui relève de la réalité ou de la fiction, alors que l’auteur brouille les pistes à l’envi, mélangeant personnages réels et de fiction, mentionnant des passages de son interview, réelle, de Aharon Appelfeld (qu’on peut lire dans le passionnant «Parlons travail»), et indiquant dès première page de la préface, signée P.R., que ce livre est un compte-rendu aussi fidèle que possible des événements qu’il a effectivement vécus entre sa cinquantième et sa soixantième année, et qui devaient le conduire au début de l’année 1988 à accepter de recueillir des renseignements pour le compte du Mossad ?

Paru en 1993, traduit en 1995 par Lazare Bitoun pour les éditions Gallimard, «Opération Shylock», histoire de double hilarante en lisière du fantastique, est aussi un roman d’espionnage aux multiples chausse-trappes, une méditation sur l’identité, un thriller politique, un questionnement sur Israël, un livre totalement jubilatoire.

Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2016/01/15/note-de-lecture-operation-shylock-philip-roth/

Pour acheter ce livre à la librairie Charybde, sur place ou par correspondance, c'est par là :
http://www.charybde.fr/philip-roth/operation-shylock
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Roth est un auteur extraordinaire , et chacun de ces ouvrages apporte une pierre à l'édifice. Celui ci est tout simplement génial . Roth sortant à l'époque d'une dépression s'invente un double maléfique avec lequel il va converser au cours d'un dialogue hallucinant d'intelligence et de folie . Les thématiques abordées ici reflétent à la perfection l'état d'esprit de ce grand écrivain qui à cette époque était un peu en perdition . Ce double monstrueux que Roth s'invente s'avére la création littéraire la plus passionante vue depuis trés longtemps. Cette lutte de titan que Roth méne contre lui méme pour guérir donne lieu à un opus d'une maestria incroyable que l'on a du mal à lacher , tellement il y a ici d'intelligence , d'humour et de réalisme. Tout les dépressifs devraient lire ce livre , bien plus efficace que tout les cachets du monde.
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Ce roman paru en 1993 se situe en 1988.
Philipp Roth, écrivain juif de la diaspora aux Etats-Unis souffre d'une crise de dépersonnalisation / déréalisation suite à la prise de Halcion. Il doit se rendre en Israël pour rencontrer et interviewer Aron Appelfeld, le romancier Israélien.
Lorsqu'il arrive à Jérusalem, se déroule le procès de Demjanjuk, le « Ivan le Terrible » de Treblinka.
Et Philipp Roth se trouve confronté à un sosie, un usurpateur d'identité, ou son double, en Israël.
Donc durant 3 jours, Philipp Roth subit ou traverse des évènements, des situations hors de son contrôle.
De nombreux personnages ayant eu un rôle dans l'histoire, ou appartenant à l'imaginaire juifs, passent dans ce livre, Arafat, Lech Walesa, Moishe Pipik, Shylok, Hofez Heim, Léon Klinghoffer, les faits historiques sont mêlés à des situations invraisemblables. Et cela donne un roman dense, Philipp Roth sera confronté à son double, jusqu'à être entraîné dans un piège puis le rôle central est repris par l'auteur en fin de livre.
PR nous livre à travers ses personnages, nombreuses réflexions opposées, contradictoires, voire illusoires sur le conflit entre Israël et la Palestine, entre autre la théorie du diasporisme. Tout aussi savoureux au chapitre 10, le développement du thème sur le " loshn horé " est à découvrir.
J'ai découvert l'écriture d'un Philipp Roth beaucoup plus complexe que dans les ouvrages que j'ai lu auparavant. Il me reste encore à découvrir sur cet écrivain.
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C'est brillant.
C'est tragiquement d'actualité.
C'est du Philip Roth tout craché.

Pour le reste, je ne vais pas me lancer dans un résumé de l'histoire, la quatrième de couverture indiquant assez bien ce qu'il vous faut savoir.

Quelques mots pour terminer sur la difficulté de lecture, l'esprit pour le moins tortueux de Roth n'étant pas toujours facile à suivre. J'ai néanmoins trouvé que les pages s'enchaînaient sans problèmes.

L'intrigue est prenante, l'écriture pétillante et pleine d'humour.

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OPÉRATION SHYLOCK, UNE CONFESSION de PHILIP ROTH
Allusion, bien sûr, au marchand de Venise, « 3000 ducats ou une livre de chair » image du juif usurier sans coeur, qui restera pour les gentils, l'archétype du Juif. Un des romans les plus complexes de Roth, fait de fausses pistes et de règlements de compte avec les critiques littéraires américains et une partie de la communauté juive.
Philip Roth sort de dépression et s'apprête à partir en Israël pour interviewer Aaron APPELFELD lorsqu'il apprend qu'il y a un autre Philip Roth, actuellement à Tel Aviv qui se fait passer pour lui et qui développe une théorie, le diasporisme, qui a pour but le retour des juifs ashkénazes dans leurs pays d'origine. le tout sur fond de procès de John Demjanjuk, le supposé bourreau de Treblinka. Si j'ajoute que le Mossad, services secrets israéliens, va enlever Philip Roth, que son cousin est un fervent de la cause palestinienne et que Philip Roth se demande si ce n'est pas lui qui imagine ce double virtuel, vous aurez une vague idée du délire jubilatoire de ce livre, au demeurant, extrêmement sérieux. Un chèque d'un million de dollars s'envole, on croise les anti sémites anonymes, une infirmière aux formes avantageuses ( un Roth sans sexe, difficile à imaginer) c'est un livre aux méandres imprévisibles.
Roth obtient le prix Pen Faulkner Award 1994.
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