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EAN : 9782748903690
408 pages
Agone (12/09/2018)
3.44/5   9 notes
Résumé :
« Le nom ?Action directe? a surgi lors d'une réunion dans un tout petit appart donnant sur le cimetière de Montmartre. Il avait été avancé par un camarade italien. Savait-il que la puissante organisation du syndicalisme révolutionnaire italien au début du XXe siècle était Azione Diretta ? Lorsque ce nom est apparu officiellement, nombreux furent les censeurs : ils n'y voyaient que référence au militarisme ou à l'anarchisme de la propagande par le fait. C'était oub... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les fanatiques
Sous le curieux prénom de « Jann Marc », l'un des principaux responsables d'Action directe nous livre son témoignage sur les années 1977-1987 qui ont vu la naissance et la fin de son groupe terroriste. C'est le dix-huitième livre que commet Rouillan. Tardive graphomanie. Que n'a-t-il troqué plus tôt les explosifs et les armes à feu contre la plume et le stylo !
L'éditeur T. Discepolo prétend nous livrer une analyse critique de l'histoire interne d'Action directe. Dans une préface plutôt complaisante, il commence par s'en prendre aux journalistes qui ont eu le culot de traiter avec condescendance le niveau intellectuel du quatuor de tête d'AD (Rouillan-Ménigon-Aubron-Cipriani). Il tente ensuite de justifier les attentats et assassinats du groupe par « l'univers mental » de Rouillan et de ses « compagnons » : ces jeunes gens auraient été marqués par la guerre d'Algérie, la Résistance, la guerre d'Espagne et la révolution d'octobre. Des références qui datent un peu. Discepolo considèrerait-il son auteur et ses complices comme des attardés ?
Rouillan évoque ces dix années avec précision. Il mentionne des faits mais ne livre pas beaucoup de noms, hormis ceux des amis qui ont eu droit à un procès. Il rappelle ainsi judicieusement les soutiens actifs de l'écrivain Dan Franck et de Paula Jacques, animatrice et productrice de France Inter, qui furent tous deux jugés et condamnés pour complicité.
On apprend avec intérêt les diverses manoeuvres par lesquelles le gouvernement Mauroy chercha à se concilier les bonnes grâces de Ménigon et Rouillan. Ce dernier évoque notamment une amusante « carotte » proposée en 1982 par le pouvoir socialiste, par le truchement du PDG d'une « grande société coopérative proche de la gauche traditionnelle » qui voulut calmer le couple en lui proposant une sinécure grassement rémunérée.
On est frappé par la minutie avec laquelle le groupe terroriste préparait ses actions : repérages, surveillance, choix des itinéraires, équipements, voitures, groupes de soutien… Par l'audace dont il faisait preuve en espionnant les services de police qui les traquaient. Par les coopérations qu'il mit en place avec ses homologues Allemands, Belges et Italiens.
Rouillan explique très simplement la démarche d'Action directe : il s'est agi d'une « guérilla communiste dont le but essentiel était d'élever la conscience critique du prolétariat occidental afin que, par ses propres forces, il puisse rompre la fausse unité à laquelle l'opportunisme le condamne » (sic). C'est ainsi qu'il justifie la « lutte armée » par laquelle on pose des bombes, on commet des hold-up et on tue des gens. D'un côté il y a les méchants : c'est la bourgeoisie impérialiste ; de l'autre les gentils : les masses populaires opprimées. Tel est la logique simpliste de l'abondante logorrhée sectaire qu'il développe sur 350 pages.
Rouillan fait part de ses regrets – liés exclusivement à l'échec d'Action directe. En revanche, inutile de chercher des traces de repentir à l'égard de la huitaine de victimes - dont quatre assassinés de sang-froid - qu'il revendique avec désinvolture : ce sont des ennemis de classe, policiers, militaires ou chefs d'entreprise. Pas un mot sur les employés de banque ou quidams qui ont pu être blessés ou traumatisés par les innombrables vols à main armée et fusillades qui ponctuent son récit : ils sont probablement au service des ennemis de classe.
En un mot : si c'était à refaire, il le referait.
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Un témoignage indispensable pour comprendre les "années de plomb" en Europe. Difficile d'en dire plus, Rouillan écrit bien (on voit qu'il a eu le temps de bosser l'écriture) et le propos est souvent pertinent... sauf les quelques envolées lyriques où il récite la "doctrine autonome" et ce genre de trucs visiblement appris par coeur.

Les remises en contexte sont bienvenues et globalement le livre se lit bien malgré la profusion de sigles (CCC, AD, P"C", RAF, OC, etc. qui sont explicités dans un lexique mais en fin d'ouvrage...).

Une lecture qui vient questionner la légitimité du monopole de la violence, la limite entre militantisme et terrorisme et d'autres gens de questions pratiques et idéologiques qu'il est de mauvais goût de se poser en 2022.

Je recommande chaudement.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Comme le rappelait Rudi Dutschke en 1967 : "Notre opposition n'est pas seulement dirigée contre quelques petites "erreurs" du système, mais contre l'ensemble du mode de vie qu'impose présentement l'État autoritaire. [Dès lors], l'attitude anti-autoritaire est un mode de comportement appelé à déboucher sur la révolution et sur l'éducation et l'autoéducation des hommes."
En écho, un groupe italien répondait : "Est-ce le temps de la rébellion ? Oui ! Car partout nous sommes dépossédés, pressurés dans le pire esclavage salarial ou condamnés à en être exclus au prix de la plus humiliante misère matérielle, de la déchéance humaine.
Notre vie est engloutie par huit à dix heures d'exploitation quotidienne ; le temps libre devient un lamentable ghetto dont nous cherchons désespérément la sortie. Nous sommes obligés de nous sentir inutiles dans cette société qui détruit les relations sociales et les relations humaines. Comment ne pourrions-nous pas tout vouloir ? Voulons-nous être les maîtres de notre vie, celle actuelle et à venir ? Voulons-nous être ceux qui décident de l'éducation de l'éducation de nos corps, sens et esprit ? Voulons-nous être ceux qui décident de notre travail, combien, quoi et comment travailler ?
Voilà pourquoi nous disons vouloir tout !
Voilà pourquoi nous disons qu'il est temps de se rebeller !"
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Trente ans plus tard, la vision monolithique du "terrorisme" est un sens commun qui traverse indemne tout le spectre politique - ou peu s'en faut. Dans le cadre de ses recherches sur la violence politique, la sociologue Caroline Guibet Lafaye a mené une étude comparative du discours médiatique porté sur deux figures de "terroristes", Jean-Marc Rouillan et Abdelhamid Abaaoud, et sur leurs organisation (Action Directe et État islamique). Bien que leurs actions soient séparées de trente ans, que leurs références historiques et politiques n'aient rien en commun (et même s'opposent), les mêmes modèles sont mobilisés : primauté de l'approche psychologique, aplatissement de la dimension historique et "exclusion systématique des facteurs sociaux et politiques", réduction de toute la violence à la criminalité de droit commun. Si l'on trouve bien un étiquetage idéologique par les médias étudiés [...] il est si élémentaire qu'il ne fournit aucune explication, sauf à se satisfaire d'un lien nécessaire entre "idéologie radicale" et "violence politique" - qui est historiquement faux. À ce compte, "ce qui est donné pour se manifestant sans raison paraît dès lors inexplicable, et ce qui est inexplicable est facilement résorbé dans une forme d'irrationnalité". Ces procédés, qui associent violence et folie, privent les acteurs de toute approche sous l'angle d'un choix rationnel et d'une stratégie, "interdisant de saisir et de comprendre les véritables raisons de leurs actes", conclut Caroline Guibet Lafaye.
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Le militant révolutionnaire qui s'extrait du domaine de la loi et du droit n'agit pas en fonction de la légalité ou de l'illégalité de ses actes, mais selon qu'ils soient utiles ou non à la lutte. À l'opposé des conceptions de la loi bourgeoise, du point de vue révolutionnaire, si une action est juste, elle est légitime.
Bien évidemment, les luttes spontanées se heurtent à la loi, qui déclare illégale les grèves sauvages, occupations, séquestrations et sabotages - tout en légalisant l'exploitation, les conditions de travail dangereuses, l'ordre patronal, les salaires de misère et le chômage. [...] Il faut emmener l'illégalisme de masse sur le terrain de la légitimité de la lutte révolutionnaire.
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Pour nous, désarmée, la politique n'était plus ni politique de rupture ni construction d'un projet révolutionnaire. Une démocratie avancée neutralise le sens de la lutte révolutionnaire en réduisant à l'artifice tout engagement politique désarmé.
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Que la propagande d'état présente la résistance populaire comme du terrorisme n'a rien de nouveau. Mais, dans les années 1980, la fantastique machinerie médiatique fit du cri de guerre de la bourgeoisie, la "croisade internationale contre le terrorisme", un anathème qui ne touchait plus seulement telle organisation ou telle conjoncture : il devint universel.
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