J'avais déjà lu auparavant du
Jean-Christophe Rufin, en aimant bien mais sans faire partie des aficionados qui lui vouent une fidélité inébranlable. C'est donc sans attente que j'ai découvert ce livre, offert par ma mère à mon cher et tendre.
A la fois roman historique et de grandes aventures,
le tour du monde du roi Zibeline raconte l'histoire – à peine croyable – du grand voyageur Auguste Beniowski, hongrois du 18ème siècle qui, avant de devenir Roi de Madagascar, est passé par le fin fond de la Sibérie, la Chine, les Antilles, les États – Unis et l'Europe. Des trajets qui à l'époque semblaient inenvisageables, et qui nécessitaient un courage et une bravoure hors-norme (ce que possède notre héros). Une sorte (car c'est l'impression que j'ai ressenti) de tour du monde en 80 jours par la précision des épopées et des changements de décor, à la seule différence près que l'un relève de la vérité alors que l'autre est une narration inventée où seul compte le temps écoulé à voyager.
Plus intéressant dans le fond que l'épopée en elle-même, ce sont les tourments et croyances du personnage qui sont interpellant. Voyager autant au XVIIIème siècle, sans port ni attache, est incroyablement formateur et donne une ouverture d'esprit qu'une infime minorité de personnes peut avoir à cette époque. Dépassant les croyances liées au bien-fondé de la colonisation, de l'esclavagisme et de la conquête des territoires, Auguste devient à lui seul un avatar de la pensée émergente des lumières : aux envies de conquêtes succèdent le respect, la bienveillance à l'égard de l'autre. Les indigènes deviennent des individus aux regards différents, mais certainement plus des êtres inférieurs. Les moeurs et les croyances se valent toutes, aucune ne gagne en légitimité, et ainsi de suite. Sans parler de son amoureuse Aphanasie, qui sera toujours son allié sans jamais qu'ils ne se marient. Un apprentissage et une liberté uniques à une époque où le monde dans sa majorité ne pense pas comme cela. Une sorte de plaidoyer humanitaire qui fait toujours du bien par où cela passe.
Côté littéraire, l'écriture est remarquable, les mots d'une finesse et d'une précision bluffantes. le style est très agréable et abordable, avec des changements de narrateur par chapitre (alternance entre Auguste et Aphanasie). En revanche, la lecture de ce livre m'a fait passer par plusieurs alternances de décrochages et de grands suivis. Est-ce lié à l'histoire ? A certaines longueurs ? Je ne saurai le dire. Toujours est-il que c'est un livre qui m'a beaucoup plu mais donc je garde sur certains passages un ennui relatif, et c'est peut-être là le vrai hic.
Raconter la vie d'autrui en la romançant est un challenge très compliqué. D'abord, parce qu'il faut respecter l' « Histoire », ce qui ici est parfaitement réussi, précis, et sérieux. Ensuite, parce qu'il faut démontrer l'intérêt de suivre la vie de cette personne plutôt qu'une autre, ce qui à mon sens est moins réussi. Okay, Auguste était le plus grand navigateur du siècle, aux aventures incroyables. Mais les traces qu'il a laissées ne sont finalement pas si impérissables que cela, ce qui fait retomber un peu le souffle excitant d'apprendre des choses sur lui (pour moi qui aime la vie des people). Enfin, il faut que cela nous éclaire voire nous change le regard sur un pan de l'Histoire, ce qui ici est brièvement le cas sur Madagascar.
Pour conclure, un vrai bon roman, donc on garde un affectueux souvenir et une certaine admiration, tout en se disant qu'il manque quelque chose !
Jo la frite
Lien :
http://coincescheznous.unblo..