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EAN : 9782070178643
384 pages
Gallimard (06/04/2017)
3.69/5   978 notes
Résumé :
«– Mes amis, s'écria Benjamin Franklin, permettez-moi de dire que, pour le moment, votre affaire est strictement incompréhensible.
– Nous ne demandons qu'à vous l'expliquer, dit Auguste. Et d'ailleurs nous avons traversé l'Atlantique pour cela.
– Eh bien, allez-y.
– C'est que c'est une longue histoire.
– Une très longue histoire, renchérit Aphanasie, sa jeune épouse que Franklin ne quittait plus des yeux.
– Elle traverse de no... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (156) Voir plus Ajouter une critique
3,69

sur 978 notes
Il était une fois, dans les années 1770, un jeune comte hongrois, Auguste Benjowski, qui, après avoir été fait prisonnier par les Russes, se retrouva banni avec ses infortunés camarades au Kamtchatka, terre peu hospitalière peuplée de Cosaques.

Ainsi pourrait commencer la grande aventure que nous conte Jean-Christophe Rufin avec son roi Zibeline, aventure basée sur les Mémoires dudit comte qui, bien malgré lui, se transforme en navigateur averti comme tant d'autres au XVIIIe siècle, tels La Pérouse, Bougainville, Kerguelen et autre James Cook. En tout cas bien avant eux dans le Pacifique Nord.

Instruit par un précepteur français fervent adepte de Rousseau et de Diderot, Benjowski baigne autant dans les idéaux des philosophes que dans le métier des armes. Lorsqu'il est déporté en Sibérie, il enseigne le français et l'allemand aux enfants du gouverneur, chasse les bêtes à fourrure, commerce avec les marchands, s'informe auprès des marins et prend un maximum de points de repères.

Après bien des complots, des trahisons et même l'assassinat du gouverneur Nilov, Benjowski parvient à prendre le large avec quelques exilés et beaucoup de complicités extérieures. Il emmène avec lui Aphanasie, fille de son geôlier, tombée en amour de cet homme singulier.
« En voyant défiler l'interminable étendue de landes déserte et de steppes arides qui nous avaient emprisonnés, nous n'avions plus aucun doute sur la nécessité de fuir un tel destin ».

Commence alors une navigation difficile en eaux inconnues malgré les quelques relevés et cartes dérobés et c'est ainsi que Benjowski met à profit « l'usage du monde » tel que le lui a enseigné son précepteur. Subissant vents et tempêtes, déviations de route et insubordination à bord, avaries du bateau et hostilité pour faire provision d'eau et de nourriture, le hardi Benjowski traverse le détroit de Béring, longe l'Alaska, suit les côtes du Japon où il reçoit une lettre patente du roi. Arrivé à Macao, l'audacieux navigateur doit affronter le doute et la suspicion de toutes les compagnies maritimes et commerciales d'Europe qui se font une folle concurrence. Sollicité par les Anglais et les Hollandais, courtisé par les Portugais qui, tous, veulent tirer parti de ses découvertes et de ces terres du Pacifique Nord qui n'appartiennent encore à personne, Benjowski finit par céder de précieuses informations aux Français afin de pouvoir gagner Paris et obtenir les moyens de retourner à Formose où il rêve d'installer une colonie.

Méfiants et soupçonneux, jaloux de leurs prérogatives, les Français l'envoient à Madagascar, base avancée de la Compagne française des Indes mais aussi des esclavagistes, où règnent des dissidences tribales à répétition. Benjowski finit par y mettre bon ordre, construit un fort, une ville, des hôpitaux et, par une supercherie involontaire, est sacré roi par les Malgaches, sous le nom de Zibeline en souvenir des fourrures préférées d'Aphanasie. Pourtant, ce que souhaite le nouveau roi, c'est que les indigènes se gèrent eux-mêmes.

C'est pour l'appuyer auprès du roi de France que Benjowski et Aphanasie viennent trouver Benjamin Franklin à Paris, lui qui est l'un des pères fondateurs de la déclaration d'indépendances des Etats-Unis.

Jean-Christophe Rufin fait de cette histoire authentique un conte plein de péripéties et de rebondissements, une histoire d'amour entre Auguste et Aphanasie qui, à tour de rôle racontent leurs aventures trépidantes à Benjamin Franklin.

Merci Kielosa pour ces heures de lecture plaisante et dépaysante à souhait.
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J'aime le roman historique, depuis la lecture des mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar, il y a une vingtaine d'années maintenant. Ce goût ne se démentira pas avec le tour du monde du roi Zibeline de Jean-Christophe Rufin. J'y ai retrouvé la puissance narrative, qui m'a complètement transporté sur les traces d'Auguste Benjowski, cet aventurier totalement absent de ma carte personnelle des grands explorateurs. Je la croyais pourtant pleine des principales épopées. La postface livre la part d'imaginaire de l'auteur et celle de l'Histoire, l'occasion de comprendre la construction des personnages. Le choix du récit à deux voix, d'un couple résolument moderne nourri par la philosophie des lumières, en avance malgré tout sur son époque participe à l'alimentation de la veine romanesque ...
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Pourquoi cet aristocrate hongrois, Benjowski, n'a-t-il jamais cessé d'être diffamé par les mémorialistes français ?
Peut-être parce qu'il professait un respect des Noirs de Madagascar, dont il est devenu le roi durant une courte période, mais durant laquelle il oeuvra si bien pour leur progrès, leur confort et leur liberté que les Malgaches le célèbrent encore maintenant.
Les Français aisés du temps de Louis XV se targuaient de vivre selon l'esprit des philosophes, mais les ministres, eux, ne pensaient qu'au profit et à ce commerce des esclaves dont Madagascar fournissait une bonne partie.


Rufin signe ici un roman ou plutôt une biographie romancée de cet homme sage qui, depuis son exil aux confins de la Sibérie, le Kamtchatka, où il a rencontré la femme de sa vie (fille du gouverneur), à la toute jeune Amérique indépendante de Benjamin Franklin, a connu une infinité d'expériences de toutes sortes.
Orphelin de mère très tôt, perdu dans ce froid château aux confins de la plaine hongroise, il vécut une enfance « d'une grande tristesse ». Puis vint Bachelet, un Français admirateur des philosophes, qui pendant trois ans lui enseigna la langue française, la bienveillance, l'égalité et la liberté. Cette leçon de vie le guidera jusqu'à sa mort.
Arrêté par les Russes et exilé en Sibérie, il s'échappa donc, et parcourut les mers, du détroit de Bering à Formose, en passant par Macao. La France, finalement, lui confia une mission : s'occuper de Madagascar et y faire fructifier le commerce, mais un lourd malentendu envenima ces relations, malentendu enraciné dans le mépris des indigènes de la part des hommes politiques français. Il alla même trouver Benjamin Franklin pour lui conter ses aventures et lui demander de l'aide.


Et nous voilà au propos de ce roman, un long monologue ou plutôt deux longs monologues alternés relatant la vie de Benjowski par lui-même, Auguste, et par sa compagne, Aphanasie. A vrai dire, ce procédé d'une « conversation » entre ce couple et Benjamin Franklin m'a paru très artificiel ; je trouve dommage que Rufin, qui écrit très bien, ait choisi ce type de narration ; mais très vite, je suis passée outre car l'esprit De Voltaire et de Diderot hante ces pages pleines d'aventures et de rencontres enrichissantes, stupéfiantes ou navrantes.


Je recommande la lecture de cette histoire vraie construite à partir des notes de Benjowski lui-même. Bien sûr, c'est romancé, bien sûr, Rufin y a mis beaucoup de lui-même, mais quel plaisir de faire le tour du monde en compagnie de cet homme empli des idées des Lumières et de cette femme audacieuse, préfiguratrice du féminisme !
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Ceux qui me suivent savent qu'entre Jean-Christophe Rufin et moi, c'est du sérieux. Alors son nouveau roman, j'ai certainement été la première à l'acheter et je l'ai croqué tout cru sans même lui laisser le temps de s'habituer à sa nouvelle demeure. Il faut dire qu'on est dans la veine que je préfère chez lui, le roman historique assaisonné d'une dose d'aventures et du regard à la fois curieux, admiratif et bienveillant que l'auteur porte sur les explorateurs, les défricheurs, ceux qui n'hésitent pas à faire du monde entier un terrain de découverte et d'enrichissement culturel.

On retrouve ici les thèmes déjà mis en avant avec bonheur dans Rouge Brésil, L'Abyssin et même le Grand Coeur. L'ouverture sur le monde, l'opposition entre volonté d'asservir ou de coloniser et celle de comprendre et respecter l'autre, tout ceci porté par un personnage fort et une figure féminine bien décidée à casser les codes et dépasser le rôle que l'on voudrait lui assigner. Car la mondialisation vue par Jean-Christophe Rufin est synonyme de promesses, d'apprentissages, d'enrichissement intellectuel et d'émancipation. A condition d'être curieux de l'autre et de ne pas le mépriser ou vouloir l'asservir.

A partir de la biographie d'Auguste Benjowski, le voyageur le plus célèbre du 18ème siècle, l'auteur bâtit un roman d'aventures à la langue délicieusement classique et aux ressorts narratifs qui tiennent de la grande tradition des conteurs dont la plus célèbre d'entre eux demeure Shéhérazade. Il imagine la rencontre entre Benjamin Franklin alors vieillissant et condamné à voir défiler chaque jour nombre de solliciteurs dans sa demeure de Philadelphie, et Auguste accompagné de sa femme Aphanasie. le vieil homme, auréolé de sa contribution à la rédaction de la constitution des jeunes Etats-Unis est intrigué par ce couple dont le parcours est pour le moins inhabituel. Auguste est né en Hongrie, a rencontré sa femme en Sibérie, parcouru les mers et les terres australes avant d'être nommé roi de Madagascar. Subjugué, Franklin écoute pendant plusieurs jours les voix d'Aphanasie et d'Auguste alterner le récit de leur vie mouvementée avant d'en venir au motif de leur visite.

Et forcément, le lecteur est tout autant subjugué, passant d'une région du monde à une autre en plusieurs années (pas d'avion au 18ème siècle, et encore moins de moteurs sur les bateaux...) et revisitant une époque où le monde était encore à découvrir. Fort de l'enseignement de son précepteur français, riche des idées de Voltaire, Diderot et Rousseau, Auguste développe ses contacts et pose des jalons dans de nombreux endroits du monde avec l'espoir de créer des relations commerciales et diplomatiques. Mais c'est oublier un peu vite que les desseins des Etats qui pilotent ces expéditions ne sont ni pacifiques ni dénués d'arrière-pensées.

"Cette ignorance lettrée me fit faire en moi-même maintes réflexions : je pensais à Bachelet qui insistait sur la relativité de notre savoir et la nécessité, pour parler du monde, de le connaître. Ce roi si assuré sans doute dans ses jugements ne commettait-il pas les mêmes erreurs que nombre de nos philosophes qui dissertent sur le monde sans avoir vu autre chose que leur voisinage ?"

Des attitudes et des questionnements qui font écho à ceux qui persistent de nos jours et mettent en avant des approches éminemment différentes sur nos façons d'appartenir au monde.

Mais ce roman est aussi une très belle histoire d'amour (il est vrai que Jean-Christophe Rufin conçoit rarement ses histoires sans apporter à son héros les ressources d'une femme hors du commun) entre Auguste et Aphanasie qui bravent toutes les convenances pour être en accord avec leurs valeurs et la façon dont ils conçoivent leur amour.

Encore une fois, le cocktail est bien dosé et convaincant. A partir d'une base documentaire solide, les ingrédients romanesques emportent le morceau et font du couple formé par Aphanasie et Auguste des héros aussi attachants qu'inspirants, portés par le souffle de l'aventure.

Alors ? Vous embarquez ?
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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PLOUF !
Oh ! Un dauphin !^^

- Un homme à la mer ! Ohé du bateau. J'ai raté l'embarquement.
Le bateau était déjà trop lourd. Surtout trop lent, par manque de souffle lyrique pour gonfler ses voiles sur une mer étale.
- Hé ! L'eau est froide au Kamtchatka.


Pourtant j'avais vraiment aimé Globalia et, contrairement à une amie Babeliote, le grand Coeur aussi m'avait emporté. C'est d'ailleurs en pensant à ces très bons moments de lecture que j'ai sélectionné, au nom de JC. Rufin, celui-ci lors de mon dernier passage en bibliothèque.


Cependant que l'enfance d'Auguste Benjowski en Hongrie s'annonçait prometteuse et que déjà je m'attachai à Mr Bachelet, ce philosophe itinérant qui devint son précepteur, hélas ensuite mon ardeur faiblit rapidement au fil des pages. le jeune Benjowski, après déjà bien des péripéties que je vécus de loin sans arriver à me passionner, n'avait pas atteint la Sibérie que déjà son récit me laissait froid.


Mais quelle idée ce schéma narratif nous faisant assister à d'interminables entretiens des deux principaux protagonistes, Auguste et sa compagne Aphanasie, racontant à tour de rôle leur histoire à un très vieillissant Benjamin Franklin sirotant son thé, et s'assoupissant à l'occasion. Jamais, au grand jamais, un différé n'aura la saveur du direct. Pour un grand roman d'aventure, il faut me semble-t-il des dialogues cinglants comme des coups de fouet et propres à vous plonger au coeur d'une action virevoltante.

- Parbleu nous voulons force ripailles !
- Canaille, les provisions ! Mettez moi ce fourbe Stepanov aux fers !
- Ventre Saint Gris ! Au pain sec et à l'eau.


Rien de tout cela dans ce récit édulcoré où les conjoints ne s'interrompent jamais pour se chamailler sur des détails ou bien donner des versions franchement différentes voire carrément contradictoires. le vénérable auditeur ne se manifestant pas pour poser une question, émettre une opinion ou demander une information, l'ensemble manque cruellement de dynamisme. Pour ma part, j'aurais préféré que l'auteur choisisse alors d'écrire un essai à cette lecture mi-figue, mi-raisin.


Dommage car le sujet lui-même, une royauté éclairée très temporaire pour offrir une transition pacifique à Madagascar vers un gouvernement libre et souverain par les tribus malgaches unifiées, est hautement intéressant et porteur.
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critiques presse (3)
LeJournaldeQuebec
07 juin 2017
Raconteur hors pair, l’auteur de L’Abyssin, de Rouge Brésil ou du Grand Cœur a trouvé le moyen de faire revivre Auguste Benjowski, le plus brillant voyageur du Siècle des Lumières.
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
LePoint
11 mai 2017
Renouant avec la veine historique, Jean-Christophe Rufin ressuscite l'aventurier Auguste Benjowski, philosophe devenu roi de Madagascar. Brillant.
Lire la critique sur le site : LePoint
Lexpress
18 avril 2017
Le roi Zibeline entre Barry Lyndon et Paul et Virginie.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (109) Voir plus Ajouter une citation
Il y a deux manières opposées et cependant comparables de punir un homme : le condamner à l'enfermement ou le jeter dans l'infini. J'avais jusque-là fait l'expérience des geôles et goûté de leur cruauté. J'avais crié dans des cachots et frappé des poings sur leurs murs. Il me semblait que j'avais éprouvé le pire. C'est que je n'avais pas connu la Sibérie.
En y entrant, on sent se tendre jour après jour puis se rompre le fil qu'on croyait solide et qui nous reliait à l'humanité. On ne vit pas seulement séparé de ce que l'on aime, comme dans une prison, on lui devient étranger.
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Le 25 octobre 1784, le vaisseau l’Intrépide, monté de vingt canons et de douze porte-mousquetons, quitta le port de Baltimore.
Auguste Benjowski était à bord, avec Aphanasie et leur fils. Le navire avait été affrété par une compagnie commerciale américaine. L’intervention de [Benjamin] Franklin avait été déterminante pour obtenir son soutien. Il avait su persuader ces marchands que l’Indépendance allait les priver de leurs privilèges de colonie et désorganiser leurs échanges avec l’ancienne métropole ; ils devaient donc trouver de nouveaux partenaires.
La mission dévolue à l’Intrépide était de créer un établissement sur la côte est de Madagascar et de mettre en place un circuit d’échanges avec l’Amérique.
Auguste, à son grand regret, n’avait pas réussi à recruter en Amérique les charpentiers, maçons, forgerons, vignerons, sur lesquels il comptait pour enrichir Madagascar et la développer. Il avait du se contenter de personnes sans aveu, auxquelles il avait de surcroît fait miroiter l’acquisition de grands domaines et une prospérité qu’ils seraient sûrement déçus de ne pas trouver. Il aurait toujours le temps de voir sur place ce qu’il en ferait.
Il avait par ailleurs assemblé une poignée de compagnons très sincères et plein d’idéal. Certains avaient fui du Kamtchatka avec lui. D’autres étaient des Polonais qui avaient combattu pour l’Indépendance américaine. Tous partageaient son idéal de créer, à l’image des États-Unis, une colonie libre en Afrique.
Ils allaient quitter le climat changeant et souvent rude de la Nouvelle-Angleterre pour la terre ensoleillée et douce de Madagascar.
L’ambiance à bord de l’Intrépide était à la nonchalance. Chacun savait que le voyage serait long. Le mouvement lent du navire, sous les immenses toiles gonflées de vent, berçait les esprits et faisait rêver certains ce qu’ils allaient découvrir, d’autres à ce qu’ils allaient perdre.
Même les marins étaient saisis par le vague à l’âme. Sitôt entrés dans la Caraïbe, la brise douce, l’air tiède, le soleil cuisant amollirent les cœurs et laissèrent chacun dériver au gré de ses fantasmagories intérieures.
Est-ce ce relâchement qui fit commettre au capitaine une erreur d’estime ? Nul ne le sait mais le fait est que le navire, parti pour traverser l’Atlantique, se retrouva au Brésil où il échoua sur l’île de Juan Gonsalvez, près de l’embouchure de la rivière Armagosa. Cette escale forcée à l’équateur dura plusieurs mois.
Le temps passait lentement. Les seules promenades que les naufragés pouvaient faire les menaient le long des mêmes interminables plages sur le sable desquelles la mer jetait des fibres et des cailloux polis. Le petit Charles était en âge d’apprendre et Auguste lui faisait la leçon à bord du bateau. La sueur de l’élève avec celle du maître coulaient sur les pages imprimées et troublaient la prose de Descartes comme celle de Rousseau. En fin d’après-midi et avant que la nuit équinoxiale ne tombe d’un coup, le père et le fils s’affrontaient sur la plage à l’aide de bambous qu’ils maniaient comme des épées. On avait débarqué les chevaux que le navire transportait dans ses soutes. Charles appris à monter et il y prit un si vif plaisir qu’il disparaissait des journées entières sur sa jument alezane.
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Nous naviguions aux basses voiles et le gréement consolidé ne menaçait plus de se briser davantage. Toute la compagnie se tenait debout, les femmes dans les hardes délavées qu'elles n'avaient pas quittées depuis la Sibérie ; les hommes torse nu, ruisselants de pluie tiède, le corps hâlé par des journées de soleil et le visage toujours tanné par l'air glacé des confins polaires. Aphanasie et moi, sur la dunette, enlacés et les larmes aux yeux, remerciant la Providence qui nous faisait le cadeau merveilleux d'un destin que nul sur cette terre n'avait jamais partagé.
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Il ne m'avait pas emmenée avec lui pour faire de moi le compagnon de ses aventures. Il entendait me protéger et, ce faisant, me réduire au rôle passif d'une épouse aimante et soumise. Aimante, je l'étais, et oserai-je avouer que je le suis toujours ? Mais soumise, il n'en était pas question.
Rien ne servait d'en parler de manière abstraite. Et, de toute façon, il y a quelque contradiction à solliciter la liberté. Dès notre arrivée en France, il me faudrait tout simplement la prendre.
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A vrai dire, en approfondissant les réflexions que la découverte du monde avait fait naître en moi, je penchais pour un déisme anticlérical plus proche de celui de Voltaire que de Hume. J’avais eu maintes occasions de constater à quel point les dogmes et les croyances varient, servis par des prêtres qui, malgré les différences de leurs liturgies, contribuent tous à entraver la liberté des hommes et à faire naître entre eux des haines inutiles.

p. 207
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