La petite ville de Bath est le parent pauvre de sa proche voisine florissante, Schuyler, et cela les habitants le constatent tous les jours. Usines fermées, hôtel abandonné, commerces en berne. Il n'y a guère que les bars qui ont encore la cote et seulement parce que là au moins certains peuvent y noyer leur ennui, leur tristesse, leurs doutes et pratiquer une philosophie de comptoir, même pas salutaire, à peine distrayante.
Sully passe son temps libre chez Hattie, le bar de son ex maîtresse Ruth. Et son acolyte Rub n'est jamais loin de lui.
Roy, à peine sorti de prison, revient chercher des embrouilles en rodant tout prés de Janey, la fille de Ruth.
Raymer, chef de la police, traîne sa dépression depuis la mort de sa femme Becka, tout en cherchant de façon obsessionnelle avec qui elle voulait partir et donc le quitter.
Gus, le maire de la ville se débat entre Alice, sa femme folle et les multiples tentatives avortées pour sortir sa ville du marasme économique.
Carl, entrepreneur radin toujours au bord de la faillite multiplie les plans de rénovation catastrophiques.
Jérôme maniaco/obsessionnel cache un secret que seule Charice sa soeur et adjointe de Raimer, partage.
Karl, le brave mari de Ruth sait très bien que sa femme l'a trompé et avec qui mais il préfère fermer les yeux.
Tout ce petit monde se connait bien sur depuis toujours. La plupart ont été à l'école ensemble. Certains se détestent ouvertement, d'autres de façon plus sournoises mais d'une façon ou d'une autre ils sont tous liés. Chacun connait les travers des uns et des autres. La moindre info circule plus vite qu'un coup de vent. Et quand les choses vont commencer à déraper des alliances pas si surprenantes vont se former.
Parce que malgré les différents qui les opposent quand ça va mal, ces hommes et ces femmes souvent meurtris, désespérés, sont solidaires, tel de vieux briscars qui retrouvent le sens du mot amitié, enfouie sous une couche de ressentiments mais encore là.
C'est le premier livre de
Richard Russo que je lis et j'ai apprécié chaque mot. Il sait donner vie à ses personnages à l'humour parfois grinçant, mais aux failles attendrissantes et pour certains aux pulsions détestables. Il sait rentre l'atmosphère lugubre d'une ville qui s'éteint lentement mais que pourtant ses habitants ne désertent pas. Tels d'anciens vestiges d'une grandeur passée, ils ne veulent pas abandonner, baisser les bras.
Parfois déjanté mais souvent émouvant, ce récit est d'une beauté sombre, où la lumière réussie à trouver son chemin, difficilement, mais indubitablement.
Je continuerai à découvrir les romans de
Richard Russo.