Je crois que j'ai lu une grande partie des textes de l'auteure et je voudrais remercier Les Editions Gallimard NRF et Babelio pour m'avoir permis de lire en avant première ce nouveau titre.
J'ai attendu longtemps avant de me lancer à l'assaut de "
La vie clandestine" : quand je sens que le livre sera bon, je veux le déguster comme une friandise ou un plat délicieux et je n'aime pas le finir car je me sens triste de devoir quitter l'histoire.
Il m'a semblé que cette fois-ci, pour des raisons qui apparaissent au fur et à mesure de la lecture,
Monica Sabolo, s'aventurait dans un autre univers, une autre dimension. Sinon comment expliquer le lien entre l'histoire personnelle de l'auteure et l'un des groupes Action Directe, aboutissant à la mort du patron de du groupe automobile Renault, Georges Besse, en novembre 86 ?
De Milan à Genève, Lausanne, Paris, la campagne française, entre son voisin, Monsieur M. persuadé qu'elle fait des bruits la nuit, celui qui fut son père d'adoption, Yves S., sa maman qu'elle connaît si peu, l'auteure va faire revivre des décennies entre 70 et nos jours alternant les témoignages de journaux, ses questionnements. Où se trouve la vérité, que représente-t-elle en fonction des personnes concernées et de leurs vécus ? Tandis qu'elle remonte la piste de certains membres d'Action Directe, l'auteure enquête aussi sur son passé, sur un univers de silence, de bruits, de complicité, de révolte, d'incompréhension.
Encore une fois,
Monica Sabolo me touche au coeur. J'ai grandi à la même époque qu'elle, pas dans les mêmes circonstances, ni les mêmes lieux, mais je me pose souvent la question de savoir ce qu'on perçoit d'un évènement, de la plasticité des souvenirs.
Nous n'avions pas accès à autant d'informations à l'époque, maintenant, nous en sommes submergés. L'immédiateté, l'instantanéité des réseaux sociaux, ce qu'il convient bien d'appeler la "novlangue" du roman 1984 d'Orwell, éloignent les individus les uns des autres, creusant une fracture entre des personnes qui réagissent à chaud sans réflexion. Je ne nie pas l'impact que peuvent avoir ces mêmes réseaux sociaux dans la lutte contre des discriminations quelles qu'elles soient, mais ce monde étrange me fait peur : sans filtre et où la culture, l'envie de découvrir l'autre, d'autre univers au delà de l'image perçue, disparaît sans bruit.
Monica Sabolo par ses deux enquêtes parallèles, va au delà de l'image, de ses trous noirs, de ses souvenirs d'un aquarium si joli. On dit de la curiosité que c'est un vilain défaut (en anglais : "Curiosity kill the cat"), mais je ne suis pas d'accord quand elle s'accompagne de bienveillance/ de réflexions et l'auteure en est l'exemple.
Encore merci pour ce roman si particulier et les pensées qui l'accompagnent.