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sur 647 notes
« Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J'allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n'était plus éloigné de moi que cette histoire- là. Je le croyais vraiment. Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue: le silence, le secret et l'écho de la violence ».

C'est en écoutant Affaires sensibles sur France Inter que Monica Sabolo a l'idée d'écrire sur Action directe, un groupuscule terroriste des années 80. Croyant s'engager dans un récit qui l'éloigne de toute implication personnelle, elle va vite comprendre qu'il s'agit d'un leurre. Deux récits en effet s'entrelacent, celui très documenté, étayé par des entretiens avec AD, et le récit sous-jacent, celui autour duquel tourne depuis des années l'autrice sans l'aborder de front, de peur de s'y brûler, celui de son enfance à Genève. « le secret, le silence et l'écho de la violence » sont le fil conducteur de ces deux récits. Une force souterraine est à l'oeuvre dans ce processus d'écriture, la nécessité absolue de dire, pour ne pas mourir, car tout dans cette histoire ramène l'écrivaine à son passé. Pour AD, c'est la vie clandestine, pour Monica Sabolo aussi d'une certaine manière car c'est un secret qui la lie à Yves S. Dans une habile organisation du récit, la narratrice met à jour des pans restés secrets de sa vie: la violence exercée par AD qui bascule de l'activisme vers les assassinats, ceux de Georges Besse, le PDG de Renault, et de René Audran, ingénieur dans l'armement et directeur des affaires internationales au ministère de la défense, cette violence la ramène à celle subie dans l'enfance.Le secret de la vie clandestine d'AD, c'est aussi le secret qu'elle s'impose, qu'on lui impose, c'est l'impossibilité de parler. le roman interroge encore la question de la culpabilité et du pardon. Peut-on pardonner aux assassins d'AD? Monica peut-elle pardonner à Yves S? La vie, ce n'est jamais ni tout blanc ni tout noir, Nathalie Ménigon ,Jean Marc Rouillant, Régis Schleicher, ces survivants d'AD, comment en sont-ils arrivés à ce degré de violence? Monica Sabolo interroge les zones grises, montre la complexité de la vie. Ce qu'elle recherche, ce n'est pas tant la véracité des faits que la vérité des choses et des êtres.

Si Monica Sabolo, de son propre aveu, est devenue romancière, c'est pour ne pas » se coltiner le réel ». Mais lorsque le réel vous rattrape, quel meilleur remède que la littérature et la fiction pour trouver l'apaisement et une forme de sérénité sur lesquels s'achève ce beau roman- le plus personnel- en lice pour le Goncourt.

» Qui rembourse les dettes que la vie a contractées envers nous? Qui se charge de nous rendre ce qu'elle nous doit, ce que l'on a payé, et paye encore? avec le temps se dessine la perspective que personne ne s'en acquitte jamais. Nul ne parle de ces choses là. Ni ma mère ni mon frère ne l'ont jamais évoquée. Chacun essaie de l'apprivoiser dans son coin. Mais désormais j'ai l'impression de me rembourser sur leur dos. Alors qu'ils me croient plongée dans le récit d'un groupe terroriste des années 80, je confectionne un engin sophistiqué, composé de papier, de nitroglycérine et d'une mèche à combustion lente, qui finira par tout faire sauter. »
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«Je suis un témoin défectueux. Les témoins ne sont ni impartiaux ni fidèles. Même si nous aimerions, en toute bonne foi, certifier ce que nous avons vu ou entendu, nos comptes rendus révèlent d'abord ce qui a lieu à l'intérieur de nous-même». Monica Sabolo – Extrait de la vie clandestine

(Qu'il en soit donc ainsi pour ce compte-rendu de lecture).

En prologue à ce récit, Monica Sabolo explique les circonstances plus ou moins fortuites qui l'ont décidée à écrire un livre sur Action Directe, ce groupe d'extrême gauche qui terrorisa la France dans les années 80. Un sujet qui semble, a priori, aussi éloigné d'elle que possible. Très vite, on comprend que cet ouvrage ne sera pas un énième document sur ce groupe mais qu'il sera beaucoup question des forces souterraines qui nous gouvernent, de mémoire qui vacille, de souvenirs mouvants, de secret et de silences…

L'auteure se plonge donc dans les documents d'époque et dans une bibliographie imposante pour restituer les faits et tenter de comprendre ce qui peut pousser des jeunes gens à assassiner un père de famille (Georges Besse alors patron de Renault) pour des raisons idéologiques. Son enquête l'amènera même à rencontrer certains membres d'AD. Et là, nul romantisme, nulle complaisance, jamais le récit ne dérape. On en reste aux faits et à cette question : pourquoi ?

Chemin faisant, Monica Sabolo voit apparaître de véritables connexions entre ses propres failles (qu'elle laissait entrevoir dans ses romans précédents), son propre passé et son sujet d'écriture… C'est là, qu'avec les fantômes du passé, refait surface l'évidence de sa vie clandestine.

Autant le dire tout de suite, ce livre est magistral !

Magistral par l'écriture portée par un style inimitable mêlant réflexions profondes, phrases miraculeuses de justesse, images aussi belles qu'évocatrices, humour d'une exquise finesse.

Magistral par l'emboitement parfait entre le récit intime et l'enquête journalistique qui nous replonge dans ces étranges années 80 dont on a peut-être trop oublié aujourd'hui la violence.

Magistral par cette façon qu'a toujours eu Monica Sabolo d'explorer les sentiments, les émotions, par cette manière bien à elle de s'emparer de chaque aspérité pour interroger l'âme dans ses profondeurs les plus insondables. On appelle cela de l'humanité, je crois.

La vie clandestine… c'est un livre introspectif sur l'identité. Quand les portes doucement se déverrouillent, la question surgit, noir sur blanc : qui suis-je ?

Somptueux, bouleversant, de la littérature comme la plus fine et la plus précieuse des dentelles.
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Rentrée littéraire

A paraître le 25 août



Depuis quelques temps, la narratrice –Monica Sabolo- ne parvient plus à écrire la moindre ligne. La littérature dans laquelle elle a toujours trouvé refuge et où elle se sent exister, est devenu un monde inconnu qui ne la protège plus. Devant cette marécageuse situation, elle décide d'écrire « quelque chose de simple et efficace, qui aurait des chances de se vendre et [lui]permettrait de survivre ». Quelque chose de vrai et si possible, très éloigné de son habituelle plume poétique et intime. Un fait divers par exemple.

Elle arrête son choix sur le mouvement terroriste d'extrême-gauche Action directe dont les actes ont jalonnés les années 80' sans se douter que les recherches et les entretiens qu'elle va mener vont

éclairer tout ce qui la constitue : « le silence, le secret et l'écho de la violence ».



A l'aune de l'enquête sur les membres du groupe Action Directe, le récit interroge le propre passé de l'auteure : comment vivre avec la douleur ? Celle que l'on subit ou celle que l'on fait.

« Traverser les jours sans mémoire , ni conscience » répondra la narratrice. Une solution que partage Nathalie Ménigon, ancienne activiste du mouvement Action directe : «Ce n'était pas si mal de traverser les jours sans mémoire, ni conscience ».

Une réaction comme un mécanisme de défense pour ne pas se perdre. Une dissociation de l'inconscient devant la profondeur des douleurs, l'acidité des remords et la brutalité des émotions.

Une réaction universelle, « […]face au désespoir, demeure la possibilité d'une échappée, une vie clandestine, née d'un court-circuit » qui serait pour l'une, l'inceste et pour l'autre, l'assassinat.

Une vie clandestine dissociée dans laquelle plusieurs vérités se côtoient, se superposent, voire se confrontent par amour, par idéologie ou par amitié.



La plume est authentique, intime, douce pour aborder les intrications de l'être, la nuance de la vérité (ou plutôt des vérités), la possibilité du pardon, le poids des mots ou l'usage de la violence et ses conséquences. le récit se veut comme une réparation d'une blessure intime qui s'ébauche en filigrane. Une façon de « retourner dans la vie, de lui donner une chance » et d'évacuer le trop plein de courant.



Une lecture enrichissante, humaine, tout en nuances et en subtilités, à l'image de la vie, clandestine et légale.

Splendide !
Lien : https://www.instagram.com/ne..
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En recherche d'inspiration l'auteure ou trice ? est interpellée par un récit sur les actes terroristes du mouvement d'extrême gauche Action Direct, début des années 80. Ceux ci ont revendiqué des attentats et des assassinats pour une justice idéologique à l'encontre en particulier de personnalités.
Une raison non définie la motive et l'incite à enquêter pour mieux connaître le pourquoi de cette violence revendiquée. Telle une journaliste avec obstination elle tire un fil qui peu à peu s'enrichit de témoignages tous authentiques, des proches et des auteurs de ces assassinats. Particulièrement elle s'intéresse à l'itinéraire de vie des 2 femmes du groupe responsables de l'assassinat de Georges Besse. Cette quête où domine la violence, le secret , la clandestinité, lui révèle un parallèle avec sa propre histoire qui émergera progressivement. Adolescente, elle vit dans un milieu bourgeois, une mère disparue, un père décédé. A l'âge de 3 ans un homme remplacera son père la relation avec lui sera ambiguë, elle le nomme Yves S plutôt que papa. Elle a pour lui tout au long de son adolescence, des sentiments qui sont de l'admiration pour ses mystères, mais aussi l'expression d'une peur diffuse qu'elle dévoile peu à peu.
Les membres D'Actions Directe sont l'éléments clé de ce récit, elle s'identifie à ces personnages hors du commun pour retrouver une famille avec ses secrets et sa violence.
Le chute aurait pu être le pardon, mais les terroristes ne regretteront que tu bout des lèvres leurs méfaits, et son pardon qu'elle accorde e Yves.S sur son lit de mort est bien faible.
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Tiens donc, la case "Abandonné" a disparu, c'est pourtant ce que j'ai fait, tellement ce récit m'ennuyait. J'avais scrupule à le faire, et je suis allée lire les critiques à une et deux étoiles que j'ai tellement appréciées pour leur justesse, qu'elles m'ont aidé à poursuivre ma première pulsion d'abandon, tellement le croisement entre la narration de la vie privée et de l'histoire d' "Action directe" me mettait mal à l'aise. Et puis j'ai l'âge d'avoir suivi en direct sur les medias les monstruosités des dingues sanguinaires d'Action directe et je n'avais aucune envie de me replonger dans cette période troublée.
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Un joli récit, à l'écriture délicate. La voix de la narratrice est touchante dans sa transparence et sa naïveté assumée.
Pourtant il m'a laissée sur une impression d'inachevé. Les deux thèmes qui se croisent ne se rejoignent pas vraiment. En fait je crois que le second, celui de l'histoire personnelle de l'autrice, ne lui a pas encore livré sa clé. J'espère pour le prochain, car il mérite l'attention…
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Une écrivaine en mal d'inspiration, une organisation terroriste, une famille et des secrets, l'envie de comprendre, le pardon.
Monica Sabolo cherche un sujet pour son nouveau roman. En mal d'inspiration, elle finit par entendre à la radio l'histoire d'Action directe, une organisation terroriste qui va ébranler la France dans les années 1970/1980. Elle décide de s'emparer de ce sujet et de remonter au fil de ses rencontres l'histoire de ces hommes et de ces femmes les plus emblématiques de l'organisation pour comprendre et décrypter leurs motivations et leurs idéaux mais aussi leur vie après la prison, leur reconstruction. En parallèle, elle va nous emmener dans sa propre vie, composée de mystères qu'elle veut lever pour, là encore, comprendre les silences et les secrets mais aussi la violence dont elle a été victime.
Premier roman de Monica Sabolo pour ma part, j'ai, au départ, choisi "La vie clandestine" pour connaître davantage ces années noires qu'a connu la France avec les exactions d'Actions directe. La démarche de l'auteur est plutôt atypique puisqu'il ne s'agit pas d'un roman journalistique ou biographique. Elle explore les ressorts de l'âme humaine : pourquoi agit-on de cette manière ? Quels idéaux animaient les membres de cette organisation ? Comment vivent-ils désormais après avoir commis le pire, après la prison ? L'alternance avec la quête de vérité que mène l'auteur sur sa propre vie permet une bonne dynamique de la narration. Elle va alors découvrir que sa propre vie a été faite de secrets, de silences notamment en raison d'un père adoptif aux activités occultes et dont elle va subir une certaine forme de violence. "La vie clandestine" est un livre très intense sur les relations humaines, l'introspection et le pardon.
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Très belle plume, une belle sensibilité. Mais il y a trop de métaphores qui ne semblent pas s'adresser à tout le monde. On revient souvent à la thématique aquatique. Certaines images me parlent et d'autres m'ont fait revenir en arrière avec la certitude de n'avoir rien compris et ce, plusieurs fois…. Je pense que ma sensibilité n'est pas assez proche de l'auteure…
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Au tout début, il s'agissait uniquement de partir sur les traces de Nathalie Ménigon et Joëlle Aubron, ces deux jeunes femmes d'Action Directe qui, un soir de novembre 1986, ont assassiné un haut dirigeant de Renault à Paris : n'était-ce pas d'emblée un sujet taillé à la hauteur de la fascination de Monica Sabolo pour les bandes de filles et leurs mystères ?

Mais voilà, très vite, parce que le parfum d'une époque - celles des 70's, années de romantisme révolutionnaire et de fièvre contestataire -, parce qu'un air de famille dans le sourire mélancolique d'une petite fille dans les Paris Match compulsés, parce que la coïncidence d'un coup de téléphone à la recherche d'un disparu, ou parce qu'il fallait tout simplement que quelque chose vienne, ici et maintenant, gratter l'allumette pour éclairer quelque chose tapi dans l'ombre, Monica Sabolo va plonger tel un agent double dans plusieurs vies passées : celle de ces militant.es d'un autre âge, et celle d'une figure paternelle obscure, elle aussi en marge des lois.

Entremêlant récit familial et enquête sur les membres d'Action Directe, Monica Sabolo tisse, d'une main tremblante et gracieuse, une étoffe sublime à partir de ces deux matières disparates qui viendra peu à peu se substituer au voile dissimulant les secrets. Avec, comme toujours chez elle, cette écriture dont l'élégance est égale à l'émotion, et ce brio pour restituer les atmosphères les plus opaques, à la frontière de l'onirique.

J'ai eu la sensation émue de reprendre une conversation intime entamée il y a bientôt 10 ans avec « Tout cela n'a rien à voir avec moi » (mon livre-totem sur l'amour déçu), comme si, tout en acceptant de laisser certains souvenirs filer entre ses doigts, Monica Sabolo parvenait enfin à naviguer à la surface des eaux troubles de son enfance.

Et cette définition de la littérature comme clandestinité, l'écrivain.e fabriquant des bombes de papier pour pulvériser tous les non-dits, le coeur battant, c'est celle que j'aime.
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Je voulais lire ce livre depuis plusieurs semaines et je le repoussais pour des raisons que j'ignorais. Lorsque je pris la décision de le lire, je savais que j'allais prendre un train qui allait m'entraîner dans des histoires connues et tout autant méconnues. Comme Monica Sabolo en fait.
Ce livre d'une finesse d'écriture incroyable nous entraine dans la vie personnelle de l'auteur et les violences d'un passé qui semble resurgir avec cette écriture et les inconnues de sa propre vie familiale et la vie clandestine de mùilitants d'extreme gauche des années 80. On découvre alors ces personnages qui avaient été des compagnons de luttes rêvées ou idéalisées quand j'avais , comme eux 20 ans. On découvre des personnages d'une complexité mais aussi d'une tendresse que l'on se peut soupçonner sans cette lecture. Monica Sabolo , par son écriture, sa rigueur dans la recherche de l'histoire, dans sa plongée dans la petite et grande histoire m'a ouvert aussi des portes que je ne pouvais imaginer . C'est un vrai coup de coeur en cé début d'année 2023
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