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Ce roman est mon deuxième coup de coeur de cette rentrée littéraire. Pour rappelle le premier fut le merveilleux « Station eleven » de Emily St. John Mandel. Ainsi dans ce texte, vous allez débuter les premières pages et croyez le ou non, vous ne pourrez plus le refermer avant de l'avoir terminé.

On commence à se connaître vous et moi, et bien trop souvent je suis déçue par les textes qui traitent de la seconde Guerre Mondiale. Cet événement fait partie des passages les plus tragiques de notre histoire sans que l'on l'incombe de niaiserie et autre mélodrame. En résumé, je suis rarement satisfaite lorsque je plonge dans ces textes et j'essaye de trouver des livres qui nous décrivent autrement cette période.

L'auteur va ici faire le choix de nous parler d'un événement plus méconnu de cette histoire. Tiré de son propre récit familial il va nous présenter sa grand-mère. Une jeune femme juive forcée de dénoncer d'autres juifs pour pouvoir survivre. L'auteur nous fait pénétrer cette intimité en passant par la réflexion de cette jeune femme. Comment devient-on un monstre ? Où la frontière entre devoir et horreur se matérialise-t-elle ?

On suit cette femme forcée, obligée à dénoncer. A se transformer en un être qui n'a plus d'âme. Qui ne réalise plus ce qui va lui arriver et persuadée de faire un choix, le bon ? Ce texte se lit très bien et on ouvre la réflexion. Car on apprécie cette jeune femme, on se lie avec elle, on aimerait qu'elle survive, on aimerait croire qu'elle a eu raison. Mais bien sûr comment savoir ce que l'on ferait, qui l'on deviendrait dans des moments aussi intenses, aussi durs et aussi complexes.

L'auteur joue avec nous, car en nous relatant l'histoire de sa famille on se questionne. A-t-elle eu vraiment le choix ? Comment devient-on tout ce qui nous rebute ? Par amour, pour survivre ? Sans jamais tomber dans la mièvrerie, cette jeune femme apporte une réflexion posée sur sa situation. Elle cri intérieurement et c'est cet appel qui nous transperce en plein coeur.

J'ai adoré ce texte qui nous fait passer par tellement de sentiment. On se projette, on se déteste d'apprécier cette jeune femme, on l'a croit, on l'a rejette. En résumé, on se perd dans ce roman qui sera nous submerger par tant de passion. Au coeur d'une guerre qui a détruit tant de vie, la réelle interrogation est de savoir ce que l'on aurait pu faire à sa place. Peut être mieux, mais peut être bien pire … A méditer !
Lien : https://charlitdeslivres.wor..
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Librement inspiré de faits réels, ce roman aborde la seconde guerre mondiale sous un angle rarement mis en lumière, celui des juifs collaborateurs, des juifs "chasseurs de juifs". Un sujet délicat et douloureux car il fait voler en éclat l'image que nous avons de cette période, l'image d'un peuple juif opprimé mais uni devant la folie nazie.


Vera Kaplan est une jeune fille juive dans le Berlin de 1943. Comme nombre de ses semblables, ses parents et elle seront arrêtés puis emprisonnés dans l'attente de leur déportation. Un officier de la Gestapo va alors lui offrir la possibilité de retarder au maximum leur départ pour les camps. En échange elle devra collaborer: chercher les juifs cachés dans la ville, obtenir leur confiance pour finalement les dénoncer.


Le roman se divise globalement en deux parties. la première est une lettre, écrite cinquante ans plus tard, dans laquelle Vera Kaplan explique entre autre les raisons pour lesquelles elle a collaboré. Malgré quelques longueurs et un léger sentiment de redite, ce chapitre nous imprègne de l'atmosphère du roman. J'ai d'ailleurs ressenti un certain malais à le lire, principalement parce que les arguments de Vera Kaplan sont discutables, décrivant les autres juifs comme étant des lâches responsables de leur mort ("ce furent eux, les véritables complices, ce furent eux qui par leur passivité criminelle collaborèrent avec leurs assassins"). Mais je pense que cette gêne est voulue par l'auteur, pour brusquer le lecteur, l'amener à réfléchir sur ce qu'il aurait fait en pareil cas. Peut-on juger Vera Kaplan comme les tribunaux l'ont fait ? de ce point de vue, c'est une lecture qui fait du bien.


La seconde partie est le journal de Vera Kaplan, constitué au fil de ces terribles journées. On assiste à son arrivée en prison puis à son embrigadement forcé. D'abord répugnée par ses actes et par elle-même, elle reprendra peu à peu le dessus pour faire disparaitre tout sentiment dans le seul but de sauver ses proches. Cette seconde partie est très intéressante et bien construite. On voit bien l'évolution du personnage au fil du temps, sa rage de vivre qui ne faiblit pas, l'espoir toujours vivant malgré l'horreur de la situation.


A travers les écrits du personnage éponyme, l'auteur lui laisse la parole. Il ne prend pas partie, il ne juge pas, il laisse Vera Kaplan se justifier elle-même. Cette objectivité permet d'éviter le jugement ou la compassion et invite le lecteur à la réflexion. Qu'aurions-nous fait à sa place? Peut-on dire avec certitude : « mon honneur serait passé avant ma famille » ? Nous serions-nous sacrifiés pour retarder quelques morts somme toute inéluctables ? Difficile d'en être pleinement certain.


Un livre au sujet fort et bien écrit. Je remercie Babelio et les éditions Buchet-Chastel pour m'avoir permis de le découvrir.
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Vera Kaplan
En cette période caniculaire, un grand merci aux Editions Buchet Castel, à Babelio et à
Laurent Sagalovisch qui me permettent de rester au frais à lire un bon roman reçu dans le cadre de Masse critique.
Véra Kaplan est la doublure romanesque de Stella Goldschlag, cette juive allemande qui collabora avec les Nazis et la Gestapo entraînant, ainsi, grand nombre de ses compatriotes vers la mort.
Ici, l'écrivain a su influer au personnage une certaine humanité, celle que l'on pressent plus que celle que l'on ressent à travers ses explications confiées à ses cahier- testament, journal et millier de lettres adressées à sa fille, jamais lues. Ces épanchements ne permettent pas, cependant, d'éprouver pour elle compassion, et d'accorder le pardon, juste, une pitié froide pour celle qui par son écriture logorrhéique tente de trouver sinon une excuse, au moins un sens à son acte. Jamais le mot solidarité ne vient heurter son esprit, son âme, une solidarité qui exista pourtant au sein du peuple juif pour tenter d'échapper à la horde tueuse, solidarité aussi par le combat et les armes (je pense au soulèvement du Ghetto de Varsovie, aux juifs qui s'engagèrent dans la Résistance…) Elle, elle se justifie en tentant d'admettre que son acte allait servir à différer la disparition de ses parents et de sauver, au moins, la peau d'un juif, la sienne. « Se battre, mourir debout", oui certains choisirent de le faire en n'acceptant pas « cette passivité » qu'elle dénonce souvent. « Décantation du temps » qui lui permet de voir, de ressentir qu'elle s'est « peut-être » trompée, « en échafaudant des théories fantasques ». Pourtant, ne pas la juger, et relire encore le réquisitoire de l'avocat général lors de son procès. Qu'aurions-nous fait, en pareille circonstance ?
Par la suite, elle apprendra l'hébreu, langue qui lui permet de se réapproprier son judaïsme. Ce savoir sera source de ses revenus en traduisant de nombreux textes, apprentissage surtout pour tenter de retrouver sa fille vivant désormais en terre israélienne , qu'elle ne retrouvera jamais.
Nombreuses analepses pour raconter cette histoire qui commence par la lecture des documents adressés par l'exécuteur testamentaire de Véra à sa fille, récemment décédée et qui seront effectivement lus par son petit-fils, revenu à Tel Aviv à l'occasion d'Hanoucca,( Référence très symbolique ici puisque cette fête célèbre le triomphe de la lumière sur l'obscurité, de la pureté sur l'altération, de la spiritualité sur le matérialisme). Un récit sur de longues années plus de cinquante-deux ans en comptant le temps passé à retrouver les traces de la fille de Véra.
Laurent Sagalovisch s'attache moins ici à pasticher la biographie de Stella Goldschlag, il met en vie, anime une femme différente , et c'est , d'après moi, l'analyse psychologique du personnage de roman qu'il faut retenir et qui fait l'intérêt de cette lecture.
Coïncidence, mes lectures actuelles sont axées sur la Seconde guerre mondiale ( Résistance, Collaboration, déportations.) Un grand merci donc à Laurent Sagalovisch qui participe ainsi à enrichir ma bibliographie.

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Je suis époustouflé, abasourdi, admiratif devant ce court roman qui se dit « librement inspiré du destin véritable de Stella Goldschlag », chasseuse de Juifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et où le narrateur complètement ignare entre en possession de documents de sa grand-mère qui se confesse à titre posthume. La raison de mon admiration tient à la tension éthique constante qui empêche le lecteur à tout moment d'émettre un jugement définitif sur les agissements de la protagoniste, voire même sur son personnage tout entier. Compte tenu de la nature des faits, cette suspension du jugement relève du prodige. Il me semble que l'auteur y parvient par quatre moyens :
- sur le plan de la structure du récit, les interventions du narrateur sont minimes, et la plus grande partie du roman se compose de deux textes de la protagoniste : son adresse ultime à sa fille, désignée héritière universelle et destinataire de tous les documents autobiographiques de Vera, et son journal de guerre qui relate sans fard son basculement vers la délation et la traîtrise ;
- par conséquent, le point de focalisation du lecteur se porte insensiblement sur sa sympathie ou antipathie à l'égard de l'héroïne, et l'auteur a tout loisir de multiplier les ressorts pour susciter alternativement l'une ou l'autre, par-delà le récit des faits ;
- le passage d'un sentiment à son contraire est facilité par un usage abondant du paradoxe, dans les arguments des personnages – à commencer par celui du procureur (cf. cit. infra) – qui facilite la création d'une personnalité contradictoire chez la protagoniste, notamment au fil du temps, entre les deux textes présentés en ordre anti-chronologique ;
- d'autant plus que certaines autres subtilités psychologiques sont utilisées, comme la répétition intergénérationnelle de l'enfantement en l'absence d'une figure paternelle, ou l'interruption brusque du journal à un moment qui suggère la grossesse : le roman devient donc résolument matrilinéaire.

Spécifiquement, l'aspect contradictoire se manifeste entre une sorte d'arrogance teintée de feinte sérénité de la fin de vie de Vera – pourtant démentie par cette même fin de vie – où un sophisme de mauvaise foi est assumé sans le moindre questionnement, ainsi que son ambiguïté par rapport à ses démarches pour nouer un contact avec sa fille (cf. aussi l'apprentissage de l'hébreu et son activité professionnelle de traductrice), vis-à-vis du déchirement désespéré dont elle fait preuve dans sa jeunesse, lors de ses méfaits. Ces contradictions étoffent le personnage, lui rendent un caractère plus réaliste, plus incarné, et naturellement évitent que le lecteur tombe dans une relation univoque avec lui/elle.
Un deuxième aspect qui illustre les contradictions dans le parcours même de Vera Kaplan, auquel m'ont rendu sensible mes dernières lectures de Frédéric Gros et Pierre Bayard, c'est l'importance des rencontres dans les conflits éthiques : les actes ainsi que les pensées du personnage apparaissent fortement influencés, voire même déterminés par le personnage de Karl. Sur le plan psychanalytique, on peut émettre l'hypothèse que le narrateur transforme le questionnement éthique du jugement des actes de Vera sur celui de « l'infamie » ou de la « bénédiction divine » de son union avec Karl.
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Dans ce roman, le personnage de Vera Kaplan écrit dans son journal intime comment elle a été recrutée par les nazis pour dénoncer les juifs restés à Berlin à la fin de la guerre.

J'ai découvert ce personnage inspiré de Stella Goldschlag qui dénonça entre 600 et 3 000 juifs berlinois. Recrutée parce qu'elle était jolie et inspirait confiance, elle pense ainsi sauver ses parents de la déportation.

Le roman lui apporte une double peine : condamnée à 10 ans d'emprisonnement après son procès, elle perd aussi sa fille juste après sa naissance, adoptée par une famille en Israël.

Dans le roman, j'ai aimé la force de vie de la jeune femme, son désir ardent, sa volonté de survivre malgré la guerre et l'anéantissement de son peuple.

J'ai aimé que son journal rende compte de son dégout dans les premiers temps puis de sa capacité d'adaptation à cette tâche infâme qui lui était demandée.

J'ai aimé être dérangée par cette jeune femme.

L'image que je retiendrai :

Celle de l'hôpital juif de Berlin qui abrite Vera et ses parents pendant la guerre.
Lien : https://alexmotamots.fr/vera..
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Laurent Sagalovitsch interroge sur la trahison, à travers le journal de Vera Kaplan, une juive qui dénonçât d'autres juifs pour sauver sa vie et celle de ses parents.
Qui peut juger de la trahison? Vera a été condamnée lors de son procès, sans chercher ni à se défendre ni à se faire pardonner. Sa fille, puis son petit-fils refuseront de la juger, parti-pris que je prendrai finalement, après avoir longuement hésité et été souvent dérangée par les propos de Vera.
Car force est de constater qu'elle est animée par une pulsion de vie plus forte que tout, un besoin de résistance qui transpire tout au long du livre. Cette soif de vivre a été nécessaire dans sa décision de devenir chasseuse de juifs. Elle est également perceptible dans la relation qu'elle entretient avec Karl, un autre chasseur de juifs, et lui permet de passer outre le dégout que lui inspire parfois sa mission.
Mais quel est le prix de la trahison? Les parents de Vera Kaplan seront finalement envoyés en camp de concentration. Vera sera condamnée, devra abandonner sa fille, et finira par se suicider. le secret attaché à cette trahison accompagnera également les générations suivantes : la fille de Vera se murera dans le silence, et son fils tentera toute sa vie de vivre une vie normale, tourmenté par la recherche du passé.
Enfin, jusqu'où peut-on aller pour vivre? Vera Kaplan a-t-elle le droit de condamner ces juifs qui selon elles acceptent avec soumission de se laisser envoyer dans les camps de concentration?
La grande qualité du livre réside dans la capacité de Laurent Sagalovitsch, à travers un style sobre, à aborder des questions déroutantes tout en parvenant à ne jamais juger. Il n'apporte pas de réponses : à chaque lecteur de fournir les siennes tant les points de vue peuvent être personnels
Une lecture qui interpelle, et dont on ne sort pas indemne.
https://accrochelivres.wordpress.com/2016/08/31/vera-kaplan-laurent-sagalovitsch/
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Un livre sans concession, qui évoque les chasseurs de Juifs. Une lecture qui aurait pu être déroutante et susciter la polémique, mais l'auteur, en ne prenant pas partie et en ne portant aucun jugement a réussi à retranscrire cet épisode douloureux de l'Histoire sans nous heurter (au moins pour ma part). Ainsi, si je me suis souvent sentie dérangée, je me suis parfois laissée apitoyée par le destin de cette femme.

Vera kaplan est l'histoire d'une juive qui dénonce d'autres juifs pour survivre lors de la 2nde guerre mondiale. le récit de vie de Vera, inspiré de celui de Stella Goldschlag, est poignant et déchirant à la fois. J'en profite pour saluer le style d'écriture, certes concis mais très fluide, efficace et haletant.

Le roman s'ouvre à Tel-Aviv où un homme reçoit une lettre lui apprenant le décès de sa grand-mère allemande dont il ignorait l'existence. Cette missive s'avérera un élément de réponse quant aux questions qu'il se pose sur son passé. Questions auxquelles sa mère n'a jamais apporté de réponse, restant mutique à chaque fois. A ce courrier, sont joints un vieux carnet d'écriture ainsi qu'un cahier d'écolier, tous deux rédigés par sa grand-mère mais à une époque différente.

Débute alors la partie qui retranscrit les notes du cahier d'écolier où Vera Kaplan explique les raisons de son suicide mais surtout des actes qu'elle a pu commettre pendant la guerre pour, dans un premier temps, permettre à ses parents de survivre et de ne pas être envoyés en camp de concentration, et pour, dans un second temps, rester en vie elle-même. Là, Vera Kaplan nous offre son point de vue avec du recul, de nombreuses années après la guerre. Et j'ai été relativement surprise par certains aspects, notamment la justification de son acte de dénonciation : "Et si oui, je les aidés en pleine conscience à remplir leurs wagons d'autres Juifs, c'est que je savais que ces Juifs-là avaient renoncé depuis bien longtemps à se comporter comme de véritables Juifs. La plupart d'entre eux, à l'image de mes parents, de mes amis, de mes fréquentations, se cachaient juste pour retarder le moment où ils épouseraient la mort. Cette mort, ils l'abritaient en eux. Elle logeait dans les racines de leur coeur."

Après un bref retour à Tel-Aviv avec les considérations du petit-fils qui découvre un pan de son histoire familiale, une nouvelle partie s'ouvre avec le vieux carnet, qui n'est autre qu'un journal où Vera consigne ses impressions sur une période précise allant de son arrestation et de ses parents à la raison qui l'a amenée à collaborer et à dénoncer ses pairs et à la libération .
Dans ces pages, poussée au chantage, elle éprouve un peu plus de remords et de honte : "Je me dégoûte" ; "Je ne tiendrai pas, c'est au-dessus de mes forces". Mais la justification particulière de ses actes - la soumission du peuple Juif qui s'est résigné et a accepté ce massacre - était déjà présente en filigrane à l'époque.

Pour conclure, retour à Tel-Aviv et à cet homme qui aura découvert une partie de son histoire familiale, certes peu glorieuse mais si importante dans sa construction personnelle.

Enfin, je remercie vivement l'opération spéciale Masse critique Babelio et les éditions Buchet Chastel pour cette découverte, une pépite selon moi pour ce genre de livre dont je suis friande.
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La grand-mère du narrateur, dont il ignorait l'existence, est décédée à Berlin qu'elle n'a jamais quitté. Il s'agit de Vera Kaplan, la "cannibale juive", une femme qui a dénoncé d'autres Juifs pendant la guerre, dans l'espoir de retarder le moment où le superviseur de l'hôpital déclarerait ses parents aptes à partir dans les camps de concentration. L'enfant qu'elle attendait, une petite fille, lui a été enlevée quand la libération l'a envoyée en prison. Elle n'a rien oublié, elle a écrit dans des cahiers à sa fille, faute d'avoir son adresse. Elle est heureuse de la savoir en Israël.

Vera Kaplan est entre la tentative de se justifier à ses propres yeux et à ceux de sa fille et le désir brut d'exister qui se passe de toute excuse. L'interrogation que pose le roman sans doute existentialiste : est-ce que la monstruosité de son comportement fait d'elle un monstre ou est-ce qu'elle est une victime de l'époque où elle vivait ?

Le personnage est complexe, attachant, vivant, vivace, sa sensualité déchire les pages, Vera oscille entre l'amoralité des sens, et l'immoralité de l'impuissance, sa capacité à aimer, à l'abnégation est éclatante, évidente. Alors pourquoi ? A-t-elle tort de considérer que les Juifs qui se laissent sagement arrêter, qui creusent la tombe où leur bourreau les abattra, comme déjà largement consentants au martyre ? que quelques semaines de vie en plus pour ceux qu'elle aime vaut l'extermination de tous les autres ?...

Ce roman est remarquablement bien écrit tout en se lisant aisément, avec plaisir. On ne s'en arrache qu'à la condition d'y retourner assez vite. Ça me console de mes dernières lectures, y compris de certaines fictions que j'ai lues, sur le même thème et à la même époque, où l'auteur croyait peut-être que sa prose médiocre en serait anoblie et muselées les critiques sur sa plume. Laurent Sagalovitsch porte son sujet, extrêmement difficile à cause de la complexité du personnage choisi, qui évoque un peu Imre Kertész, il ne se sert pas du sujet, et c'est tout son mérite. Il paraît qu'il s'est inspiré d'une histoire vraie, celle de Stella Goldschlag. le roman sort cette année et mérite vraiment d'être connu.

Cf. cette note de lecture sur mon blog avec le lien actif.
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Oui il faut parler de cette période et de cette histoire.
Oui c'était un acte de barbarie pure que tous ces juifs exterminés durant la 2ème guerre mondiale. et Oui il faut se rappeler cette histoire là.
Ce livre relate un fait réel, une jeune femme juive engagée par la gestapo, et elle dénonce, désigne, les juifs qui avaient encore réussi à se cacher, donc elle les condamne à mourir dans les camps d'extermination, pour se sauver elle et ses parents, ( ce qui hélas sera un piège )
ce livre est un témoignage de la réalité de cette période en Allemagne. Merci à l'écrivain pour ce beau livre, encore et toujours nécessaire.
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Ce roman raconte une histoire assez déroutante, voire dérangeante, puisque Vera Kaplan, jeune allemande de confession juive, pour continuer à vivre, et tenter de sauver la vie de ses parents, va dénoncer d'autres juifs aux nazis, les envoyant ainsi à la mort. On découvre cette femme et son histoire, par le biais de son petit-fils, puis par elle-même, au travers d'une lettre et de son journal intime.

Il est assez difficile de s'imaginer qu'une juive ait pu livrer ses semblables pour vivre, ou plutôt pour survivre. Ce qui est intéressant ici, c'est que l'auteur ne porte pas de jugement, du moins je n'en ai pas l'impression. Il nous rapporte les faits, rien que les faits, comme un historien aurait pu le faire. Vera explique lucidement comment elle en est arrivée à cette extrémité, pourquoi elle a fait ce choix. Alors, même si elle peut sembler être un monstre, une personne sans âme, ses choix, son comportement, peuvent être tout à fait compréhensibles, même si on ne les approuve pas. On ne peut pas s'imaginer dans sa situation, mais on ne peut s'empêcher de se demander: Et moi, qu'aurais-je fait à sa place? Difficile, voire impossible de répondre à cette question. Même avec beaucoup d'imagination, on serait encore trop loin de la réalité, trop loin du contexte. Vera Kaplan peut être vue comme une mauvaise personne, mais d'un autre côté, on peut la percevoir comme une battante, une combattante de la vie, puisqu'elle est prête à tout pour survivre, y compris faire des choses et des choix abjects.

Vera Kaplan est un roman très court (152 pages) qui se lit aisément. Il n'est pas construit chapitre par chapitre comme le sont en général les romans, mais plutôt ici par narrateur, à savoir Vera Kaplan elle-même et son petit-fils. Leurs deux histoires se mêlant l'une dans l'autre. J'ai plutôt aimé ce roman, même si je suis un peu restée sur ma faim. Je trouve que la fin de la partie consacrée à Vera s'achève trop abruptement. Pour moi, des questions sont restées sans réponses, mais peut-être était-ce une volonté de l'auteur? J'aurai aimé en découvrir un peu plus sur ce personnage hors du commun. Néanmoins, c'est un roman dont je vous recommande la lecture.
Lien : https://elbooksmovies.wordpr..
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