Un livre sans concession, qui évoque les chasseurs de Juifs. Une lecture qui aurait pu être déroutante et susciter la polémique, mais l'auteur, en ne prenant pas partie et en ne portant aucun jugement a réussi à retranscrire cet épisode douloureux de l'Histoire sans nous heurter (au moins pour ma part). Ainsi, si je me suis souvent sentie dérangée, je me suis parfois laissée apitoyée par le destin de cette femme.
Vera kaplan est l'histoire d'une juive qui dénonce d'autres juifs pour survivre lors de la 2nde guerre mondiale. le récit de vie de Vera, inspiré de celui de Stella Goldschlag, est poignant et déchirant à la fois. J'en profite pour saluer le style d'écriture, certes concis mais très fluide, efficace et haletant.
Le roman s'ouvre à Tel-Aviv où un homme reçoit une lettre lui apprenant le décès de sa grand-mère allemande dont il ignorait l'existence. Cette missive s'avérera un élément de réponse quant aux questions qu'il se pose sur son passé. Questions auxquelles sa mère n'a jamais apporté de réponse, restant mutique à chaque fois. A ce courrier, sont joints un vieux carnet d'écriture ainsi qu'un cahier d'écolier, tous deux rédigés par sa grand-mère mais à une époque différente.
Débute alors la partie qui retranscrit les notes du cahier d'écolier où
Vera Kaplan explique les raisons de son suicide mais surtout des actes qu'elle a pu commettre pendant la guerre pour, dans un premier temps, permettre à ses parents de survivre et de ne pas être envoyés en camp de concentration, et pour, dans un second temps, rester en vie elle-même. Là,
Vera Kaplan nous offre son point de vue avec du recul, de nombreuses années après la guerre. Et j'ai été relativement surprise par certains aspects, notamment la justification de son acte de dénonciation : "Et si oui, je les aidés en pleine conscience à remplir leurs wagons d'autres Juifs, c'est que je savais que ces Juifs-là avaient renoncé depuis bien longtemps à se comporter comme de véritables Juifs. La plupart d'entre eux, à l'image de mes parents, de mes amis, de mes fréquentations, se cachaient juste pour retarder le moment où ils épouseraient la mort. Cette mort, ils l'abritaient en eux. Elle logeait dans les racines de leur coeur."
Après un bref retour à Tel-Aviv avec les considérations du petit-fils qui découvre un pan de son histoire familiale, une nouvelle partie s'ouvre avec le vieux carnet, qui n'est autre qu'un journal où Vera consigne ses impressions sur une période précise allant de son arrestation et de ses parents à la raison qui l'a amenée à collaborer et à dénoncer ses pairs et à la libération .
Dans ces pages, poussée au chantage, elle éprouve un peu plus de remords et de honte : "Je me dégoûte" ; "Je ne tiendrai pas, c'est au-dessus de mes forces". Mais la justification particulière de ses actes - la soumission du peuple Juif qui s'est résigné et a accepté ce massacre - était déjà présente en filigrane à l'époque.
Pour conclure, retour à Tel-Aviv et à cet homme qui aura découvert une partie de son histoire familiale, certes peu glorieuse mais si importante dans sa construction personnelle.
Enfin, je remercie vivement l'opération spéciale Masse critique Babelio et les éditions Buchet Chastel pour cette découverte, une pépite selon moi pour ce genre de livre dont je suis friande.