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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'aime lire les articles de Laurent Sagalovitsch dans Slate. Il était temps d'ouvrir un de ses romans. Autant commencer par celui qui se déroule durant la seconde guerre mondiale, et qui s'inspire de la vie de Stella Goldschlag, alias « le Grappin », une juive allemande qui collabora avec la Gestapo pour traquer les juifs cachés dans la ville de Berlin. On estime qu'elle provoqua l'arrestation d'environ 600 à 3 000 personnes .Capturée par les Russes en 1945, Stella Goldschlag passa dix années dans les camps soviétiques.

Laurent Sagalovitsch imagine ce que furent ses pensées et ses sentiments à travers des lettres et un journal intime, une sorte de testament qui n'est plus vraiment celui de Stella Goldschlag -ce n'est pas une biographie- mais celui d'un double qui devient Vera Kaplan.
Portrait dérangeant d'une femme dépeinte dans toute son ambivalence, le roman questionne aussi le lecteur. Que sommes-nous prêts à faire pour survivre et sauver les gens que l'on aime? Vera Kaplan n'est pas une femme prête à tout par cupidité, mue par l'appât du gain, comme les membres du Groupe 13 par exemple. Elle accepte de trahir pour éviter la déportation à ses parents, puis pour sauver sa vie. Sagalovitsch illustre bien ses atermoiements, la peur, les scrupules, le cynisme, l'indifférence, les remords et les doutes, qui s'emparent d'elle de manière cyclique. Peu lui importe si elle eut la vie sauve en servant d'appât pour une partie de chasse géante dans les rues de Berlin. Vera Kaplan possèdait une fureur de vivre exacerbée par l'époque, pour laquelle elle paya le prix fort, puisque les siens connurent le même sort que les autres.
Laurent Sagalovitsch montre aussi à quel point elle ne fut pour la Gestapo qu'un instrument destiné à faire grossir les listes de prisonniers lors des grandes déportations de juifs berlinois vers les camps d'extermination. « Les destins extraordinaires sont le fait d'époques extraordinaires. Si celui de ma grand-mère l'a été, c'est qu'elle a vécu à une époque extraordinaire. (…) Née à une autre époque, à une toute autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale- mais elle est née à Berlin en 1922. »
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On connait la plume de Laurent Sagalovitsch, notamment parce qu'il a été critique littéraire à Libération, aux Inrockuptibles, à L'Évènement du jeudi. et anime depuis juillet 2011 un blog mordant et percutant sur l'actualité, plutôt politique et qu'on peut trouver sur slate.fr : You will never hate alone.

Mais Sagalovitsch est aussi un romancier réputé, dont les romans sont souvent traversés par la question de la judaicité, ce que son dernier roman, Vera Kaplan, paru dans le cadre de la rentrée littéraire de 2016 illustre de façon édifiante.

En effet, dans ce récit inspiré du destin de Stella Goldschlag, Laurent Sagalovitsch s'empare sans complaisance du destin d'une réprouvée pour faire le portrait d'une victime devenue monstre, chez qui la pulsion de vie s'est montrée plus forte que la conscience.

Un roman dur et terrible qui décortique comment on peu devenir un monstre..en 150 pages. et un éclairage sur une partie de l'histoire assez peu connue avec ces juifs qui ont collaboré avec les nazis pendant la 2ème guerre. mondiale pour sauver leurs peaux..

Une lecture assez éprouvant qui fait un peu penser au dilemme “du choix de Sophie” même si le destin est différente.

L'histoire : elle est simple et cruelle en même temps :un jeune homme de trente ans, dont la mère est morte depuis peu, reçoit un colis en provenance d'Allemagne. Des cahiers d'écolier remplis d'une écriture fines et la lettre d'un notaire. .Il est l'héritier de sa grand-mère dont il n'a jamais connu l'existence. le jeune homme va se plonger dans son histoire familiale et rentrer dans la peau d'un monstre.

Un livre coup de poing, un témoignage terrible sur la condition des juifs qui se terrent à Berlin pendant la deuxième guerre mondiale. Toute l'horreur des hommes et des femmes devenus bourreaux et victimes dans ce journal écrit à la première personne. Un témoignage librement inspiré par le destin véritable de Stella Goldschlag qui pour sauver ses parents et sa propre vie dénonça d'autres Juifs par centaines.

Vera Kaplan a eu un destin extraordinaire parce qu'elle a traversé une époque extraordinaire, l'auteur explique mais n'excuse pas.

La plume de Laurent Sagalovisch est sèche et terriblement efficace, impossible de lâcher ce court récit.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Des morts contre sa vie, Vera Kaplan (Stella Goldschlag) a fait son choix, celui de survivre, mais à quel prix justement ? Ce roman est dérangeant, troublant, terrifiant certes, et à la fois très beau. Il fait partie de ces livres importants, qu'il faut lire ...
Le style d'écriture est fluide, accessible, ce qui allège un tant soit peu l'âpreté de cette histoire.
Victime ou bourreau ? La situation était tellement hors norme, alors comment peut-on se permettre de la juger ? Elle a dû faire des choix pour sauver ses parents dans un premier temps, puis elle-même. D'ailleurs, Laurent Sagalovitsch ne porte pas de jugement, il décortique, détaille les faits qui ont poussé Vera Kaplan à la trahison, explique sobrement le processus qui l'a conduite à passer du côté obscure, du côté de l'impensable, à vendre son âme au diable et à être finalement broyée par l'histoire.
C'est une histoire poignante, difficile à entendre parfois, car elle touche à la morale, elle ébranle l'histoire de l'humanité. Qu'aurions-nous fait à sa place ? J'aime beaucoup la conclusion du narrateur, le petit-fils de Vera, qui intervient en début et en fin du roman et qui conclut par ces mots :

" Née à une autre époque, à une tout autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale - mais elle est née à Berlin en 1922. Dès le départ, elle n'avait aucune chance pour que son histoire se termine bien."

La présence de ce petit-fils amène d'autres réflexions : comment transmettre sa propre histoire à son enfant ? Lui transmettre ou garder le secret ? le poids de ce secret n'est-il pas trop lourd à porter ? Nous apprenons que Vera Kaplan a été séparée de sa fille alors qu'elle n'était encore qu'un bébé et qu'elle ne l'a jamais revue. Sa fille a vraisemblablement refusé tout contact avec elle; elle a vécu dans le déni absolu de l'origine de son existence.
Seules quelques pages nous confrontent à ces thèmes, elles suffisent pourtant à nous déranger, à nous interpeller.
C'est toute la force de ce court récit, écrit sans complaisance aucune : nous pousser à la réflexion, à nous faire notre propre jugement, si tant est qu'il nous faut en faire un, nous rappeler aussi, que, sans avoir vécu une période aussi horrible, nous ne pouvons pas certifier de ce que nous aurions fait...
Bravo Laurent Sagalovitsch !
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Dès que j'ai tenu ce roman entre mes mains, j'ai su que j'allais l'aimer. D'ailleurs, je n'ai pas réussi à le lâcher avant la fin. Il y a de la poésie dans sa mise en page, sa couverture, c'est pur, sobre, délicat.
Le récit, inspiré d'une histoire vraie, est celle d'une femme qui n'a jamais voulu baisser la tête. Qui a toujours marché avec tenue et résistance. Qui n'a jamais accepté qu'on la brise absolument.
Le roman est vif, dynamique : on passe d'un narrateur à un autre, d'une lettre à un journal intime. Aucun mot ne déborde ; la plume est légère, douce, à la fois simple et raffinée.
On écoute Vera Kaplan et on est fasciné. Fasciné et horrifié, tout en étant incapable de la juger. Parce que son histoire est celle d'une femme animée d'une pulsion de vie si ancrée, si puissante, si acharnée, qu'elle en devient presque belle. Vera a voulu vivre. Et elle s'est donné les moyens pour ça.
Et à chaque page on se demande, tremblant : et moi, qu'aurais-je fait à sa place ? C'est indiscutable, il ne sert à rien d'essayer de se dérober, l'horreur tourne en boucle dans le cerveau : qu'aurais-je fait qu'aurais-je fait.
J'ai ressenti un vrai malaise à lire ce livre, mais un malaise intelligent, un malaise qui fait ressortir ce que l'on porte de plus bienveillant mais aussi de plus sombre en soi.
C'est également un livre sur la transmission et sur les dégâts que causent les plus grands secrets. Ce poids qu'on porte en soi et qu'on se transmet de générations en générations.
J'ai eu l'impression d'assister vraiment à la confession de Vera, d'être là, dans son appartement aux rideaux clos, assise dans un vieux fauteuil à écouter sa voix usée. Les jambes serrées, les mains crispées, le ventre démoli, je l'ai écoutée dans son insupportable désir de vivre, envers et contre tout, je l'ai écoutée dans son « non », ce « non » brut et magnifiquement atroce qu'elle a brandi avec défi. Non, vous ne m'aurez pas. Vous ne me briserez pas. Ils vivront. Je vivrai.
Alors Vera est-elle victime ou bourreau ? Marionnette ou monstre ? Est-ce vraiment le vrai but de ce roman ? Je ne crois pas. Et j'aurais presque envie de poser ma main sur l'épaule de Vera sans prononcer un seul mot parce qu'ils seraient tous tordus et bancals, simplement poser ma main sur son épaule et quitter la pièce avant de refermer doucement la porte de l'appartement.
C'est un véritable « choix de Sophie » qu'on lui a imposée, et il est alors impossible de s'offusquer ou d'être écœuré. Seules les victimes de Vera pourraient se permettre de l'être. Ce livre m'a rappelé « Les fleurs de soleil » de Simon Wiesenthal ou « le choix de Sophie » de William Styron comme je l'ai mentionné plus haut. Alors il m'a peut-être manqué quelques pages de plus pour me bouleverser autant que ces deux autres chefs-d’œuvre et me poursuivre encore des années après ma lecture. Mais j'ai aimé la finesse d'écriture de Laurent Sagalovitsch, l'audace du thème et cette pudeur avec laquelle il a gravé sur papier le destin « exceptionnel » de cette femme. Par la construction du texte, l'auteur n'émet aucun jugement et cette impartialité est pour moi la grande puissance de ce roman.
Après, c'est vraiment le plan psychologique du texte qui m'apparaît comme le plus essentiel : au départ, Vera hésite, imagine tous les moyens possibles pour se dérober à son dilemme. Et puis, une fois le choix fait, elle ne se supporte plus, elle se méprise, elle se dégoûte. Nous sommes malgré tout témoins de quelques actes d'une grande beauté . Mais au fur et à mesure, Vera se transforme, se glace, se blinde. Elle semble accepter ce qu'elle est devenue. Mais n'est-ce pas une admirable défense de son esprit pour supporter le pire ? Pour ne pas se supprimer instantanément ?
On sent beaucoup de souillure chez cette femme, malgré son désir de n'en rien laisser paraître, malgré son orgueil désarmant, on la sent profondément abîmée, salie, brisée. D'ailleurs, serait-elle allée jusqu'au suicide si elle s'était vraiment pardonnée ? Ce jugement qu'il nous est impossible de faire, elle s'en charge très bien elle-même.
J'avoue, j'ai éprouvé de la compassion pour cette femme. Pas de la sympathie mais une certaine forme de compréhension. Bien sûr qu'on ne la comprend pas absolument, c'est infaisable, mais on s'approche de ce qu'elle a pu ressentir, subir et supporter le reste de sa vie. Et on tourne les pages en se demandant sans cesse ce qu'on aurait fait si on avait eu la possibilité de sauver les personnes que l'on aime le plus au monde, à n'importe quel prix, tout en sachant que la réponse, au final, n'est – et ne sera – jamais la bonne.
Je ne sais pas si c'est un roman lumineux mais c'est un roman qui déséquilibre, qui embarrasse, et qui rend plus humble aussi.
Pour moi, les actes de Vera sont condensés dans les dernières lignes du livre, stupéfiantes de justesse : « Les destins extraordinaires sont le fait d'époques extraordinaires. Si celui de ma grand-mère l'a été, c'est qu'elle a vécu à une époque extraordinaire. Elle n'a pas agi comme elle l'entendait, mais comme l'époque réclamait qu'elle agisse. Née à une autre époque, à une tout autre époque, son existence se serait écoulée dans la banalité d'une vie normale – mais elle est née à Berlin en 1922. Dès le départ, elle n'avait aucune chance pour que son histoire se termine bien. »
Bien sûr, ces propos n'absolvent rien mais ils éclairent, dénoncent et éveillent.
Et si j'étais née à Berlin en 1922 ? Je ne veux même pas y penser. Je crois que ce n'est pas le cœur qui soudain révèle sa qualité de criminel, mais que c'est l'Histoire qui façonne, sculpte et dresse les tortionnaires. Personne ne naît bourreau, mais les différentes époques de l'Histoire sont douées pour les créer.
Nous ne pouvons ni l'innocenter ni la condamner. Vera est née à Berlin en 1922 : il n'y a pour moi rien d'autre à dire.
Merci à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel pour cette saisissante lecture et l'une des critiques les plus difficiles que j'ai jamais eu à faire.
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Librement inspiré de faits réels, ce roman aborde la seconde guerre mondiale sous un angle rarement mis en lumière, celui des juifs collaborateurs, des juifs "chasseurs de juifs". Un sujet délicat et douloureux car il fait voler en éclat l'image que nous avons de cette période, l'image d'un peuple juif opprimé mais uni devant la folie nazie.


Vera Kaplan est une jeune fille juive dans le Berlin de 1943. Comme nombre de ses semblables, ses parents et elle seront arrêtés puis emprisonnés dans l'attente de leur déportation. Un officier de la Gestapo va alors lui offrir la possibilité de retarder au maximum leur départ pour les camps. En échange elle devra collaborer: chercher les juifs cachés dans la ville, obtenir leur confiance pour finalement les dénoncer.


Le roman se divise globalement en deux parties. la première est une lettre, écrite cinquante ans plus tard, dans laquelle Vera Kaplan explique entre autre les raisons pour lesquelles elle a collaboré. Malgré quelques longueurs et un léger sentiment de redite, ce chapitre nous imprègne de l'atmosphère du roman. J'ai d'ailleurs ressenti un certain malais à le lire, principalement parce que les arguments de Vera Kaplan sont discutables, décrivant les autres juifs comme étant des lâches responsables de leur mort ("ce furent eux, les véritables complices, ce furent eux qui par leur passivité criminelle collaborèrent avec leurs assassins"). Mais je pense que cette gêne est voulue par l'auteur, pour brusquer le lecteur, l'amener à réfléchir sur ce qu'il aurait fait en pareil cas. Peut-on juger Vera Kaplan comme les tribunaux l'ont fait ? de ce point de vue, c'est une lecture qui fait du bien.


La seconde partie est le journal de Vera Kaplan, constitué au fil de ces terribles journées. On assiste à son arrivée en prison puis à son embrigadement forcé. D'abord répugnée par ses actes et par elle-même, elle reprendra peu à peu le dessus pour faire disparaitre tout sentiment dans le seul but de sauver ses proches. Cette seconde partie est très intéressante et bien construite. On voit bien l'évolution du personnage au fil du temps, sa rage de vivre qui ne faiblit pas, l'espoir toujours vivant malgré l'horreur de la situation.


A travers les écrits du personnage éponyme, l'auteur lui laisse la parole. Il ne prend pas partie, il ne juge pas, il laisse Vera Kaplan se justifier elle-même. Cette objectivité permet d'éviter le jugement ou la compassion et invite le lecteur à la réflexion. Qu'aurions-nous fait à sa place? Peut-on dire avec certitude : « mon honneur serait passé avant ma famille » ? Nous serions-nous sacrifiés pour retarder quelques morts somme toute inéluctables ? Difficile d'en être pleinement certain.


Un livre au sujet fort et bien écrit. Je remercie Babelio et les éditions Buchet-Chastel pour m'avoir permis de le découvrir.
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Vera Kaplan
En cette période caniculaire, un grand merci aux Editions Buchet Castel, à Babelio et à
Laurent Sagalovisch qui me permettent de rester au frais à lire un bon roman reçu dans le cadre de Masse critique.
Véra Kaplan est la doublure romanesque de Stella Goldschlag, cette juive allemande qui collabora avec les Nazis et la Gestapo entraînant, ainsi, grand nombre de ses compatriotes vers la mort.
Ici, l'écrivain a su influer au personnage une certaine humanité, celle que l'on pressent plus que celle que l'on ressent à travers ses explications confiées à ses cahier- testament, journal et millier de lettres adressées à sa fille, jamais lues. Ces épanchements ne permettent pas, cependant, d'éprouver pour elle compassion, et d'accorder le pardon, juste, une pitié froide pour celle qui par son écriture logorrhéique tente de trouver sinon une excuse, au moins un sens à son acte. Jamais le mot solidarité ne vient heurter son esprit, son âme, une solidarité qui exista pourtant au sein du peuple juif pour tenter d'échapper à la horde tueuse, solidarité aussi par le combat et les armes (je pense au soulèvement du Ghetto de Varsovie, aux juifs qui s'engagèrent dans la Résistance…) Elle, elle se justifie en tentant d'admettre que son acte allait servir à différer la disparition de ses parents et de sauver, au moins, la peau d'un juif, la sienne. « Se battre, mourir debout", oui certains choisirent de le faire en n'acceptant pas « cette passivité » qu'elle dénonce souvent. « Décantation du temps » qui lui permet de voir, de ressentir qu'elle s'est « peut-être » trompée, « en échafaudant des théories fantasques ». Pourtant, ne pas la juger, et relire encore le réquisitoire de l'avocat général lors de son procès. Qu'aurions-nous fait, en pareille circonstance ?
Par la suite, elle apprendra l'hébreu, langue qui lui permet de se réapproprier son judaïsme. Ce savoir sera source de ses revenus en traduisant de nombreux textes, apprentissage surtout pour tenter de retrouver sa fille vivant désormais en terre israélienne , qu'elle ne retrouvera jamais.
Nombreuses analepses pour raconter cette histoire qui commence par la lecture des documents adressés par l'exécuteur testamentaire de Véra à sa fille, récemment décédée et qui seront effectivement lus par son petit-fils, revenu à Tel Aviv à l'occasion d'Hanoucca,( Référence très symbolique ici puisque cette fête célèbre le triomphe de la lumière sur l'obscurité, de la pureté sur l'altération, de la spiritualité sur le matérialisme). Un récit sur de longues années plus de cinquante-deux ans en comptant le temps passé à retrouver les traces de la fille de Véra.
Laurent Sagalovisch s'attache moins ici à pasticher la biographie de Stella Goldschlag, il met en vie, anime une femme différente , et c'est , d'après moi, l'analyse psychologique du personnage de roman qu'il faut retenir et qui fait l'intérêt de cette lecture.
Coïncidence, mes lectures actuelles sont axées sur la Seconde guerre mondiale ( Résistance, Collaboration, déportations.) Un grand merci donc à Laurent Sagalovisch qui participe ainsi à enrichir ma bibliographie.

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Je suis époustouflé, abasourdi, admiratif devant ce court roman qui se dit « librement inspiré du destin véritable de Stella Goldschlag », chasseuse de Juifs à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et où le narrateur complètement ignare entre en possession de documents de sa grand-mère qui se confesse à titre posthume. La raison de mon admiration tient à la tension éthique constante qui empêche le lecteur à tout moment d'émettre un jugement définitif sur les agissements de la protagoniste, voire même sur son personnage tout entier. Compte tenu de la nature des faits, cette suspension du jugement relève du prodige. Il me semble que l'auteur y parvient par quatre moyens :
- sur le plan de la structure du récit, les interventions du narrateur sont minimes, et la plus grande partie du roman se compose de deux textes de la protagoniste : son adresse ultime à sa fille, désignée héritière universelle et destinataire de tous les documents autobiographiques de Vera, et son journal de guerre qui relate sans fard son basculement vers la délation et la traîtrise ;
- par conséquent, le point de focalisation du lecteur se porte insensiblement sur sa sympathie ou antipathie à l'égard de l'héroïne, et l'auteur a tout loisir de multiplier les ressorts pour susciter alternativement l'une ou l'autre, par-delà le récit des faits ;
- le passage d'un sentiment à son contraire est facilité par un usage abondant du paradoxe, dans les arguments des personnages – à commencer par celui du procureur (cf. cit. infra) – qui facilite la création d'une personnalité contradictoire chez la protagoniste, notamment au fil du temps, entre les deux textes présentés en ordre anti-chronologique ;
- d'autant plus que certaines autres subtilités psychologiques sont utilisées, comme la répétition intergénérationnelle de l'enfantement en l'absence d'une figure paternelle, ou l'interruption brusque du journal à un moment qui suggère la grossesse : le roman devient donc résolument matrilinéaire.

Spécifiquement, l'aspect contradictoire se manifeste entre une sorte d'arrogance teintée de feinte sérénité de la fin de vie de Vera – pourtant démentie par cette même fin de vie – où un sophisme de mauvaise foi est assumé sans le moindre questionnement, ainsi que son ambiguïté par rapport à ses démarches pour nouer un contact avec sa fille (cf. aussi l'apprentissage de l'hébreu et son activité professionnelle de traductrice), vis-à-vis du déchirement désespéré dont elle fait preuve dans sa jeunesse, lors de ses méfaits. Ces contradictions étoffent le personnage, lui rendent un caractère plus réaliste, plus incarné, et naturellement évitent que le lecteur tombe dans une relation univoque avec lui/elle.
Un deuxième aspect qui illustre les contradictions dans le parcours même de Vera Kaplan, auquel m'ont rendu sensible mes dernières lectures de Frédéric Gros et Pierre Bayard, c'est l'importance des rencontres dans les conflits éthiques : les actes ainsi que les pensées du personnage apparaissent fortement influencés, voire même déterminés par le personnage de Karl. Sur le plan psychanalytique, on peut émettre l'hypothèse que le narrateur transforme le questionnement éthique du jugement des actes de Vera sur celui de « l'infamie » ou de la « bénédiction divine » de son union avec Karl.
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Laurent Sagalovitsch interroge sur la trahison, à travers le journal de Vera Kaplan, une juive qui dénonçât d'autres juifs pour sauver sa vie et celle de ses parents.
Qui peut juger de la trahison? Vera a été condamnée lors de son procès, sans chercher ni à se défendre ni à se faire pardonner. Sa fille, puis son petit-fils refuseront de la juger, parti-pris que je prendrai finalement, après avoir longuement hésité et été souvent dérangée par les propos de Vera.
Car force est de constater qu'elle est animée par une pulsion de vie plus forte que tout, un besoin de résistance qui transpire tout au long du livre. Cette soif de vivre a été nécessaire dans sa décision de devenir chasseuse de juifs. Elle est également perceptible dans la relation qu'elle entretient avec Karl, un autre chasseur de juifs, et lui permet de passer outre le dégout que lui inspire parfois sa mission.
Mais quel est le prix de la trahison? Les parents de Vera Kaplan seront finalement envoyés en camp de concentration. Vera sera condamnée, devra abandonner sa fille, et finira par se suicider. le secret attaché à cette trahison accompagnera également les générations suivantes : la fille de Vera se murera dans le silence, et son fils tentera toute sa vie de vivre une vie normale, tourmenté par la recherche du passé.
Enfin, jusqu'où peut-on aller pour vivre? Vera Kaplan a-t-elle le droit de condamner ces juifs qui selon elles acceptent avec soumission de se laisser envoyer dans les camps de concentration?
La grande qualité du livre réside dans la capacité de Laurent Sagalovitsch, à travers un style sobre, à aborder des questions déroutantes tout en parvenant à ne jamais juger. Il n'apporte pas de réponses : à chaque lecteur de fournir les siennes tant les points de vue peuvent être personnels
Une lecture qui interpelle, et dont on ne sort pas indemne.
https://accrochelivres.wordpress.com/2016/08/31/vera-kaplan-laurent-sagalovitsch/
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Ce roman raconte une histoire assez déroutante, voire dérangeante, puisque Vera Kaplan, jeune allemande de confession juive, pour continuer à vivre, et tenter de sauver la vie de ses parents, va dénoncer d'autres juifs aux nazis, les envoyant ainsi à la mort. On découvre cette femme et son histoire, par le biais de son petit-fils, puis par elle-même, au travers d'une lettre et de son journal intime.

Il est assez difficile de s'imaginer qu'une juive ait pu livrer ses semblables pour vivre, ou plutôt pour survivre. Ce qui est intéressant ici, c'est que l'auteur ne porte pas de jugement, du moins je n'en ai pas l'impression. Il nous rapporte les faits, rien que les faits, comme un historien aurait pu le faire. Vera explique lucidement comment elle en est arrivée à cette extrémité, pourquoi elle a fait ce choix. Alors, même si elle peut sembler être un monstre, une personne sans âme, ses choix, son comportement, peuvent être tout à fait compréhensibles, même si on ne les approuve pas. On ne peut pas s'imaginer dans sa situation, mais on ne peut s'empêcher de se demander: Et moi, qu'aurais-je fait à sa place? Difficile, voire impossible de répondre à cette question. Même avec beaucoup d'imagination, on serait encore trop loin de la réalité, trop loin du contexte. Vera Kaplan peut être vue comme une mauvaise personne, mais d'un autre côté, on peut la percevoir comme une battante, une combattante de la vie, puisqu'elle est prête à tout pour survivre, y compris faire des choses et des choix abjects.

Vera Kaplan est un roman très court (152 pages) qui se lit aisément. Il n'est pas construit chapitre par chapitre comme le sont en général les romans, mais plutôt ici par narrateur, à savoir Vera Kaplan elle-même et son petit-fils. Leurs deux histoires se mêlant l'une dans l'autre. J'ai plutôt aimé ce roman, même si je suis un peu restée sur ma faim. Je trouve que la fin de la partie consacrée à Vera s'achève trop abruptement. Pour moi, des questions sont restées sans réponses, mais peut-être était-ce une volonté de l'auteur? J'aurai aimé en découvrir un peu plus sur ce personnage hors du commun. Néanmoins, c'est un roman dont je vous recommande la lecture.
Lien : https://elbooksmovies.wordpr..
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Grâce à Babelio et aux éditions Buchet-Chastel, j'ai pu découvrir « Vera Kaplan » un roman sur lequel je ne me serais probablement pas attardée en librairie. Sensible comme je suis, j'essaie d'éviter les romans sur les guerres, génocides et autres atrocité propre à l'espèce humaine, ça me hante beaucoup trop longtemps. Merci donc de m'avoir un peu « forcé la main ».
Ce roman s'inspire librement de la vie de Stella Goldschlag Juive allemande contrainte par les Nazis de collaborer à la recherche des Juifs cachés à Berlin, et ce dans le but d'éviter la déportation de ses proches vers un camp de concentration. Ici Stella est renommée Vera, Vera Kaplan, une jolie jeune Juive populaire de Berlin, elle connait beaucoup de mondes, et son cercle de connaissance est malheureusement bien utile pour la Gestapo.
Il est très difficile de faire un résumé de ce court roman tant le rythme est soutenu, mais il est aussi difficile de sortir indemne de cette histoire surtout lorsqu'on sait qu'il y a là une part de vérité. C'est un roman qui se lit avec le coeur au bord du vide, et je ne peux que me retrouver dans les propos que tiens le petit fils dans la dernière partie du roman.
Au final j'ai aimé ce roman, comme on peut apprécier un roman traitant d'un sujet aussi difficile, probablement parce que Laurent Sagalovitsch a réussis avec finesse à transposer les sentiments de cette jeune femme tourmentée, et surtout paumée. Il m'a peut être manqué quelques pages pour que j'arrive à trouver les mots juste pour écrire cette critique, il me semble qu'il manque un petit quelque chose mais je ne parviens pas à mettre le doigt dessus. Ce ne fut pas une belle surprise, car on ne peut pas dire que c'est une belle histoire, c'est une histoire dur, écrite avec une très belle plume qui elle m'a fort agréablement surprise.
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