JE DISSONE…
Extrait 1/2
Je dissone. Vous ignorez qu’outre mesure un chant
bat.
Je me délivre de l’étreinte nauséeuse du logos.
Le rouge est ma couleur, celle du règne animal, celle
de la vie par dévoration et par abomination. Je
tranche ma gorge sans revendiquer l’oiseau car
empoisonnée je le fus dès ma naissance par naître.
Que la langue des poètes protège encore un temps le
rouge-gorge. Je suis le clou dans l’être. Je suis
immunisée contre les sirènes, l’intelligence et autres
poisons. Rendez-moi la lune.
Je suis crapaud.
piurie* de bouche ils ont pensé
Je suis le lieu sauvage où la femme a fui l’apocalypse.
Le dragon vomit le fleuve mais je m’ouvre et
l’engloutit. Alors le dragon s’attaque à sa
descendance et c’est vous….
* PYURIE : Présence de pus dans les urines. Caroline Sagot Duvauroux a bien écrit piurie.
Je peux tirer quelques phrases heureuses, quelques trouvailles, les recueillir. Mais la lame de fond ! qui démantèle tout ce qui se présente avant même que le corps se dépouille de l'annonce, corps du récit, corps du pamphlet, corps du poème, corps, corps, corps, jusqu'au corps du Christ ! Mais la lame de fond, l'étrange broussaille de sensations, analogies, qui afflue Devant. D'où la pensée lèvera peut-être, non préalable. Le minotaure invisible, le déferlement souterrain des apories qui fend les jarrets du grand récit, la lame de fond, si je ne sais la dire je ne peux la dédire. Et je ne sais la dire, alors je laisse flotter au bord du néant des friches de langues ou d'histoires qui s'entêtent comme du chiendent .
JE DISSONE…
Extrait 2/2
Je vous ai empêché d’inventer une idée de
vous-mêmes qui permette d’être paisible et heureux.
Vous êtes tourmentés et malheureux ? Vous
vous êtes laissé chasser par intérêt de la libre
puissance, comment pourriez-vous désirer un roi
qui soit plus qu’un objet ridicule et pathétique ?
Vous vous êtes retournés contre l’attrait héroïque
de la bonté avec venin. Vous guignez le pouvoir
de la médiocrité insensible et brutale. Baisez les
mains des vilains que vous consacrez.
C’est moi, médiocre, infernale, que vous possédez.
Une esclave !
ici ciel bas
On est recouvert d’oiseaux. Du blanc coule. La lune ? On dit bleu.
Tout est désert tout est en paix tout est blanc. On dit bleu.
tu bleuchambras mourir maman
Restent la neige dans mes yeux la mer bleue
Un évohé tout seul dans le blanc de l’hiver. Je suis ça. Je dis : bleu.
on est attiré
on peut faire à l'infini entre les choses et les mots
on est l'usine d'assemblage
tout a une place
exacte
on déplace des choses
et de l'exactitude
on dit des mots
Veronique Vasiliou & Caroline Sagot Duvauroux avec Sophie Joubert.