Willnot, c'est un peu l'antithèse du trou perdu peuplé de citoyens obtus et méchants que la littérature américaine a coutume de nous dépeindre…
Cette bourgade où la bizarrerie est norme ne compte ni église ni panneaux publicitaires ; les chaînes de supermarchés et les magasins discount y sont de même interdits… Comme resté figée sur la tentative d'une concrétisation de l'utopie hippie des années 70, sa population vit hors des clous, insensibles aux sirènes des modes et des consensus.
Ce n'est pas pour autant que la vie y est un long fleuve tranquille…
Au moment où débute le récit, une enquête est en cours suite à l'exhumation de cadavres trouvés enterrés dans une ancienne carrière. En parallèle, Bobby Lowndes réapparaît en ville après plusieurs années d'absence, ayant servi sous les drapeaux -notamment en Irak-, et se fait tirer dessus par un mystérieux sniper.
C'est Lamar, le médecin de
Willnot, également chirurgien voire vétérinaire en cas d'urgence, qui nous relate ces événements. Mais ils ne sont évoqués que comme les épisodes parmi d'autres d'un quotidien qui voit défiler les maux éphémères et les pathologies graves, les détresses, les espoirs et les troubles psychologiques (curieusement en très nette progression) d'une humanité sur laquelle le narrateur pose un regard lucide mais tendre et optimiste, persuadé de la capacité de l'homme à faire des efforts surhumains pour dépasser ses instincts violents…
Hors de son cabinet ou de la salle d'opération du petit hôpital de
Willnot, Lamar mène une vie de couple sereine et équilibrée avec son compagnon Richard, professeur de collège passionné par son métier.
Si j'ai choisi cette lecture pour la thématique du jour Mois Américain, c'est parce que
Willnot se trouve au rayon polars des librairies. Mais malgré une entame laissant entrevoir la possibilité d'une enquête, on comprend rapidement que ce n'est pas dans cette direction que nous mène
James Sallis, et il est sans doute préférable d'être averti qu'aucune des énigmes posées par l'auteur ne sera résolue... Constitué d'une succession d'événements dont le seul point commun est finalement que Lamar en est l'acteur ou le spectateur,
Willnot est, plus qu'un roman policier, la chronique d'une petite communauté que la profonde empathie et l'humble curiosité du narrateur vis-à-vis de la diversité du monde nous rend irrémédiablement sympathique.
Le trait est vif, tendre, et souvent drôle, notamment grâce aux dialogues enlevés, souvent facétieux, et malgré les tragédies qui ne manquent pas, ici comme ailleurs, de s'inviter dans le cours des existences, on referme ce livre pris d'un soudain accès de bonne humeur, et avec la furieuse envie de prendre le premier vol en partance pour
Willnot !
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