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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Vous vous souvenez de « Games of Thrones » ? Oui, sans doute... encore que… un pan du public babéliote pourrait bien faire partie de la minorité à laquelle ce nom ne dit rien… un autre pan ne se référant qu'à la saga romanesque « A Song of Ice and Fire » d'où elle est tirée…
Mais pourquoi vous parler d'une série télévisée, autre que pour souligner son effondrement spectaculaire ? Qu'en reste-t-il, à part quelques parodies cochonnes (dont un livre de cuisine…) ?
Je vous laisse répondre… et en profite pour vous proposer de lire une histoire au moins aussi palpitante, armé de ces quelques lignes et de mon t-shirt Pecosa.

Les guerres que se mènent, en ce début 18ème, les couronnes européennes, n'ont rien à envier aux scénarios de fantasy… Bourbon ? Lannister ? Habsbourg ? Stark ? Tout le sang de leurs sujets sur leurs mains brodées d'hermine…

Cette référence à la pop-culture mondiale est surtout là pour situer les côtés « accessible » et addictif de ce livre. Un nain ne serait pas de trop pour vous tourner les pages, avant de finir par le lancer, frustré que cette histoire ne s'arrête en si bon chemin… Et pourtant, on était prévenu !

Mêlant diaboliquement bien le récit historique et le roman d'apprentissage, à partir d'un avant-propos nous certifiant la véracité de l'extraordinaire, fleurissant les espaces laissés libres par la mémoire de l'Histoire, Sànchez Piñol s'inspire de l'art de Vauban pour nous bâtir un roman sans faille.

Il s'apprécie d'autant plus que le sujet est toujours d'actualité, et que notre auteur est catalan, mais préférant l'espagnol-castillan (rayer la mention inutile) pour l'écrire. Quelque soit notre opinion sur cette longue histoire, que l'on soit favorable aux langues régionales, ou bien digne d'un jacobin centralisateur, on ressortira de cette lecture plus intelligent.
Avec habileté, l'auteur nous rappelle les spécificités de cette vénérable république de Catalogne, sans tomber dans l'hagiographie fantasmée pour indépendantiste, renvoyant au final chaque « camp » dans les cordes de ses contradictions.

Alors, plutôt que d'entamer une autre série, partez en quête (aisée) de ce livre chez votre bouquiniste, et privilégiez si possible sa version brochée pour profiter au mieux des nombreuses illustrations et schémas qui le ponctuent. J'ai commis l'erreur de l'acquérir en « poche », et la loupe n'était pas fournie avec ( même remarque que pour « Les Fusils » de Vollmann )…

P.S : et pour ceux qui ne sont pas encore convaincus, voyez avec Pecosa et sa critique nettement plus détaillée… et hypnotique !
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"Pugna magna victi sumus" auraient pu s'écrier les Catalans en ce jour funeste de septembre 1714. Après avoir tenu le siège de la ville depuis le mois de juillet 1713 face aux troupes de Berwick, ils assistent impuissants à la chute de la cité et aux massacres qui s'ensuivent.
Quelques décennies plus tard, Marti Zuvinia, fils d'un marchand barcelonais, ancien élève de Sebastien le Preste de Vauban, ingénieur militaire, engagé successivement auprès des Bourbons puis des Habsbourg écrit ses mémoires depuis son exil autrichien, bien décidé à donner un récit très personnel du siège de Barcelone.

Ceux qui ont lu La Peau froide et Pandore au Congo se doutent qu'Albert Sánchez Piñol ne s'attelle pas à l'élaboration d'un roman historique classique. Trempant sa plume dans du poil à gratter, il dynamite le genre et nous offre une oeuvre magnifique, magistrale, mémorable.
Scindé en trois parties, "Veni", "Vidi", "Victus", Victus. Barcelone, 1714 est un roman à tiroirs, dans lequel le héros, qui est aussi le narrateur, s'arroge le droit d'interrompre la linéarité du récit en y greffant des réflexions et des anecdotes.
Roman d'apprentissage, récit initiatique, roman picaresque, Victus est l'autobiographie d'un homme qui n'est vertueux, ni héroïque, aucunement prédestiné à accomplir des actes illustres, mais un personnage dont le parcours, tributaire des rencontres et des aléas de l'histoire, se construit au hasard d'évènements souvent tragiques. Il y a du Gil Blas de Santillane dans Victus, du Quichotte et du Simplicius Simplicissimus: on y trouve des aventures extravagantes, des tableaux de moeurs, de la satire, une représentation de toutes les couches de la société (la plus noble n'étant pas toujours celle qu'on croit), de la grandeur et de la bassesse ....

Délicieusement irrévérencieux, drôle, lyrique, poétique, épique, burlesque, ce roman fait oublier tout ce que l'on a pu lire sur la guerre de Succession d'Espagne. Albert Sánchez Piñol, qui écrit pour la première fois en espagnol, ne ménage ni la chèvre ni le chou, au point de penser qu'il risque de recevoir quelques "bofetadas de todos los lados". Ici l'Espagne n'est pas un pays mais "un vieux moribond" "couvert de pustules". Charles Quint est "le Taré", Louis XIV, "le Monstre". La Castille? "Prenez une contrée, installez-y une tyrannie, et vous aurez la Castille." Les conseillers de la Généralitat? "Des pantins en astrakan qui se croyaient très importants car ils n'avaient pas l'obligation de se découvrir devant un roi et portaient un bonnet et une tenue de velours rouge."
On l'aura compris, Sánchez Piñol rase gratis. Son sens de la formule et son ton incisif et mordant chatouilleront les peaux les plus sensibles. Les héros des chroniques passent à la trappe, les personnages de second plan occupent le devant de la scène et le peuple de Barcelone est le héros de cette geste. Quant au Castillan Antonio de Villarroel qui fut commandant de Barcelone, il occupe enfin la place que le romancier estime lui être due. Absence de manichéisme et trivialité à chaque page, nul doute que le roman a dû susciter le débat dans un contexte politique particulièrement tendu.

Heureusement, l'amour, l'amour malgré soi, malgré la raison, malgré le détachement et une certaine forme d'égoïsme, s'empare de Zuvi "Longues-Jambes" et permet à Sánchez Piñol de nous offrir quelques lignes magnifiques (ah, cette mystérieuse boîte à musique et la robe violette d'Amelis...) dans un style très personnel: "Ils allaient me tuer. Non, pire; coudes et genoux me transportaient vers une noirceur plus malheureuse que la mort. Et tout ça pour un vieux voûté, un nain difforme, un enfant cruel et une catin brune. Puisque les poètes n'osent pas, je vais le dire. L'amour, c'est de la merde."
Lorsque notre héros, Zuvinia dévore "un gros roman" (Le Quichotte?) et s'esclaffe, son compagnon de route lui reproche son inclination pour une oeuvre qui ridiculise la geste épique au lieu de l'exalter. Et Marti de lui répondre: "Voilà la grande vérité que referme cette histoire: la raison se trouve dans la déraison". La vérité de Victus. Barcelone, 1714, c'est que folie, lucidité et humour font ici bon ménage.

Je m'incline donc très respectueusement et tente une hypnose collective, "Lisez Albert Sánchez Piñol", "Lisez Albert Sánchez Piñol"; "Lisez Albert Sánchez Piñol".....
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Fougueux, drôle et puissamment subtil, un grand roman historique du magicien Sánchez Piñol.

Publié en 2012 (pour première fois écrit en castillan et non en catalan), traduit en français en 2013 chez Actes Sud par Marianne Millon, le troisième roman d'Albert Sánchez Piñol se démarque des deux précédents, à la fois en abordant de nouveaux codes et genres pour servir de réjouissant terrain de jeu, et en inscrivant au coeur de l'ouvrage l'un des plus dramatiques moments historiques de l'histoire catalane, à savoir le siège de Barcelone en 1714.

Ayant joliment chahuté le roman verno-lovecraftien dans « La peau froide » (2002) et le récit dickenso-burroughsien dans « Pandore au Congo » (2005), Albert Sánchez Piñol s'attaque donc ici au roman historique dans toute sa splendeur, nous proposant de nous plonger dans la guerre de Succession d'Espagne (1701-1715) en général, et dans l'art militaire des sièges, appliqué à celui de Barcelone (1714), en particulier.

De sa paisible retraite viennoise après une vie entière de guerre et d'aventure, à la veille de la Révolution française, Martí Zuviría, le narrateur catalan, âgé de 98 ans, nous livre, en les dictant à son assistante Waltraud, les souvenirs de sa jeunesse d'étudiant – bientôt maître – en poliorcétique (l'art de la guerre de siège), élève de l'immense Vauban lui-même, devenu, après la mort de celui-ci en 1707, ingénieur d'assaut et de défense d'abord au service de la coalition française (soutenant le prétendant Philippe V), puis au service de la coalition autrichienne (soutenant le prétendant Charles III), au service de laquelle il organise la défense de Barcelone, la poursuivant même lorsque la « grande politique » de la coalition la conduit à abandonner la Catalogne à son sort…

Haut en couleurs et en anecdotes croustillantes, grâce à la verve toute picaresque de ce vieillard cynique revivant ainsi ses jeunes années, le récit nous éclaire aussi subtilement, au-delà des péripéties historiques, sur la mentalité et le statut des mercenaires au cours de ces guerres « professionnelles », soixante-dix ans avant l'invention des levées en masse et des armées nationales qui contribueront à révolutionner la guerre à partir de 1789, mais aussi sur cette étrange confrérie transnationale des « ingénieurs » et « techniciens militaires », d'une froide neutralité, pour lesquels leur art, leur science et leur succès « mathématique » a le plus souvent infiniment plus d'importance que toute considération sociale, politique, ou même humaine et personnelle.

Beaucoup plus que dans ses deux premiers romans, et d'une manière qui évoque nettement cette fois le travail effectué en Italie par Valerio Evangelisti ou par le collectif Wu Ming sur le roman historique et le « nouvel « épique » , le récit d' Albert Sánchez Piñol se fait aussi violemment politique, mettant en scène notamment avec une toute particulière attention et une belle réussite les palinodies d'une grande bourgeoisie catalane férocement nationaliste en apparence, mais bien décidée à défendre avant tout ses intérêts de classe, quel qu'en soit le prix, en réalité. Rare pour l'époque dans les extrêmes atteints, la cruauté développée, lors de la conclusion de ce siège de Barcelone, demeure un traumatisme historique pour la Catalogne, même s'il est toujours tenté de l'enfouir, que viendra seule relativiser la terrible entrée des franquistes dans la ville trahie en janvier 1939.

Enfin, sous les apparences primesautières du récit d'apprentissage (fût-il « à la dure ») et de l'exactitude historique, Albert Sánchez Piñol réussit aussi, au fil de ces 600 pages, une bien subtile parabole sur les ambiguïtés de la mémoire, sur les omissions et les réécritures, conscientes et inconscientes, que subit le « réel » lorsque ses gardiens ont de véritables intérêts à défendre, bien après les faits eux-mêmes.

Avec toute la fougue, la verve et le rire auxquels Albert Sánchez Piñol nous avait déjà habitués, un roman historique qui contribue nettement, aux côtés de quelques autres peu nombreux, à redonner du sens à ce genre parfois bien galvaudé.
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Ça c'est du roman historique! 700 pages pour que Martí Zuviría, Zuvi longues jambes, vous raconte son adolescence, son apprentissage à Bazoches auprès du célébrissime Vauban et puis la terrible guerre de succession en Espagne qui mena à la reddition de Barcelone en 1714.
Jusque-là, rien de bien particulier, sauf que Martí se retrouve à Bazoches pour être monté saoul sur un corbillard occupé, qu'il fait preuve d'une couardise aussi grande que son intelligence et surtout qu'il a un oeil acerbe et critique sur son époque et les protagonistes (réels ou fictifs) de cette histoire. Avec ce roman furieusement drôle, Albert Sánchez Piñol raconte avec intelligence non seulement un événement historique plutôt inconnu en francophonie mais aussi les sources de la volonté indépendantiste catalane. L'auteur dresse aussi des portraits riches à la fois tendres et cruels.
Un roman passionnant qui mérite que l'on s'y plonge sans la moindre hésitation. Et n'ayez pas peur de l'épaisseur, cette lecture est passée bien trop vite...
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Albert Sánchez Piñol est incontestablement l'un des auteurs de fiction les plus talentueux de ce début de XXIe siècle. La Peau froide et Pandore au Congo, respectivement publiés en 2004 et 2007, m'avaient déjà enchanté par leur style d'écriture et la qualité des univers dépeints, oscillant entre fantastique, mystérieux, aventures et burlesque. C'est donc rempli d'attentes que je me suis lancé dans le récit de la vie mouvementée de Marti Zuvirìa, dit Zuvi, jeune Espagnol débarquant en France en 1705. Et j'ai été loin d'être déçu.

L'histoire débute au moment où, par un concours de circonstances plutôt heureux, Zuvi se fait recruter par le célèbre ingénieur militaire Vauban, dans l'ombre duquel il apprend les bases de la fortification militaire et de l'art du siège. Étrange pari que celui de l'auteur d'articuler son long roman – plus de 700 pages – autour de la poliorcétique, d'autant plus que cette thématique est loin de servir uniquement à caractériser la personnalité de notre héros. Victus déploie en effet sa narration tout au long de la Guerre de succession d'Espagne (1701-1714), une chronologie du conflit étant même disponible en annexe. Et Zuvi, emporté par le flot d'événements plus improbables les unes que les autres, de voguer de sièges en combats, de combats en sièges, pour finalement atterrir en 1713 dans sa Barcelone natale, assiégée par les troupes françaises et castillanes. Ce siège mettra Zuvi face à ses propres contradictions. Sans compter qu'il durera plus d'un an, mais pour quelle issue ?

Sous-titrée Barcelone 1714, cette fiction historique se démarque de la production littéraire ambiante par les envolées désopilantes et parfois salaces de son ton. Empreint d'un profond humanisme, le récit met en perspective les trajectoires d'individus brisés et balayés par les affres de la guerre. le paradoxe est d'observer Zuvi, aux forts penchants antimilitaristes, de débattre face à l'héritage que lui a légué Vauban et la mystique poliorcétique qui l'anime désormais envers et contre tous. Car dans Victus les ingénieurs militaires ne sont pas de simples soldats, ils sont (...)
Lien : http://leslecturesdares.over..
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C'est après avoir fini ma lecture que je me suis souvenu que j'avais lu les autres romans de Albert Sánchez Piñol. Et que je les avais bien appréciés. Là je regrette juste que la suite de "Victus", "Vae Victis" ne soit pas traduite en français. Car je me serais jeté dessus avec gourmandise. En effet, ce récit sous forme d'autobiographie est un véritable délice. C'est Marti Zuviria en personne qui nous narre ses aventures avec ironie et tendresse à la fois. Tout cela au milieu d'une foule de détails historiques et politiques complètement subjectifs et partiaux. Les dirigeants de ce début de XVIII° siècle sont mis plus bas que terre , mais pas tous, et les gens du peuple placés sur un piédestal, pas tous non plus. Et ce n'est que justice, enfin.
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