AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9791096415267
230 pages
éditions Tinbad, 2019 (21/11/2019)
3/5   3 notes
Résumé :
J'ai été près de toi, proximité pour laquelle il n'y a pas de mots, depuis trois jours l'abeille vient butiner les pâles fleurs du sempervirens sur ma table, toujours la même abeille, fidèle & insatiable, le pot de la plante se trouve à côté des fardes, si jamais j'essayais des mots pour cette proximité, ce serait la plus pure obscénité et la plus pure métaphysique, pendant des années Torganov a rempli ses feuillets, obstinément, avec son encre sépia, les trois cypr... >Voir plus
Que lire après Je n’irai plus jamais à FeodossiaVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
La parenthèse crochue comme arme au service de la puissance poétique et intime du langage.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2020/02/23/note-de-lecture-je-nirai-plus-jamais-a-feodossia-lambert-schlechter/
Lien : https://charybde2.wordpress...
Commenter  J’apprécie          10

Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
14.
À l’intérieur, dans la tête, c’est un peu comme sur la table, c’est souvent encombré, il y a des choses qui traînent, c’est, comme disent les érudits : hétéroclite, je n’ai jamais eu la prétention d’être érudit, et d’ailleurs je ne le suis pas, on dira de quelqu’un qui a écrit 333 apostilles sur la cosmologie de saint Thomas que c’est un érudit, ou de quelqu’un qui lors d’un colloque à Toronto en 1931 a présenté une conférence comparative sur les tempéraments & les complexions des commentateurs montaigniens du dix-septième siècle tardif, j’aime bien les érudits, ils m’émeuvent, souvent ils m’instruisent, je n’ai jamais utilisé le terme d’érudit comme injure, et ça me plaît de dire que ma table est encombrée de choses hétéroclites, puis je dis pareil pour ma tête, au lieu de dire qu’il y a là tout un fouillis, un indescriptible capharnaüm, je dis concernant ma tête que dans ma tête c’est hétéroclite, et avant de me lancer dans une nouvelle étude que je considère comme indispensable, je dois d’abord désencombrer, ma table autant que ma tête, il y a là un strict parallélisme d’image et de souci, ce sera une étude historico-paléontologique, dont je présenterai un résumé au colloque « Pour en finir avec la Grosse Baliverne » à Vancouver (du 19 au 23 septembre 2018) et où j’exposerai pour quelles multiples & irréfutables raisons les éléphants étaient sur terre longtemps, très longtemps, avant Dieu.
Commenter  J’apprécie          10
75.


Je suis dans une lenteur si lente que je me dis que ce n'est
plus une lenteur, c'est une lenteur au-dessous de la len-
teur, et cela affecte la mécanique des gestes autant que la
connexion des neurones, et je pense même, et c'est cela
qui est si alarmant, que cela affecte aussi les molécules infi-
niment fines de l'âme, molécules si fines qu'elles sont, en
fait, presque immatérielles, mais pour être presque imma
térielles, elles n'en sont pas moins en mouvement, le climat
de l'âme, en fait, est régi par le mouvement des molécules
de l'âme, mouvement certes presque imperceptible mais
permanent & crucial, l'âme par le mouvement de ses molé-
cules génère le très complexe et composite sentiment de
l'existence, dans lequel oscillent sans cesse les ingrédients
fondamentaux que sont la joie et la tristesse, or, quand la
tristesse prend trop de place et même risque de prendre
toute la place, les molécules de l'âme risquent de s'immo-
biliser et de ne plus vibrer comme elles devraient le faire,
et cela suscite une lenteur généralisée qui se propage aux
neurones ainsi qu'aux gestes, quand tu essayes d'ouvrir
les yeux, c'est si lent que tu continues à ne plus rien voir.
Commenter  J’apprécie          10
15.
La carotide, évidemment, peut lâcher à tout moment, pourquoi le dire spécialement, explicitement, la sournoise permanente panique de sentir d’un moment à l’autre que la carotide va lâcher, on aurait juste le temps, peut-être une fraction de fraction de seconde pour sentir que la carotide va lâcher, puis quand elle lâche pour de bon, on n’est même plus là pour le sentir, et encore moins pour le dire, personne ne t’entendra dire putain ma carotide a lâché, on n’aura même pas le temps de le dire, je trouve ça rassurant de n’avoir pas à dire ces mots-là, de n’avoir pas à m’entendre dire ces mots-là, ce sont quand même des mots malsains et en quelque sorte néfastes, là, pour le moment je n’en suis qu’à la permanente sournoise panique d’avoir à dire ces mots-là, alors qu’en réalité tout va pour le mieux, quelques grappes de sauvignon se dandinent dans la brise, le serpent de l’autre jour n’est pas revenu, une invisible tourterelle quelque part dans les bougainvilliers fait sa mijaurée, et je me prélasse dans un vain & vaniteux mais légitime contentement parce que contre toute attente j’ai réussi ma quinzième page, et la carotide pompe, pompe, comme elle a toujours pompé.
Commenter  J’apprécie          10
40.
Attitudes & postures qu’on a pu voir chez Blake et qu’on reverra plus tard, revues, corrigées & virulentées dans l’atelier de Bacon, rageuses hachures de mauve et de gris, fantasmes amniotiques, mimer l’obscurité, pasticher la noirceur, comploter contre l’asphyxie, les murs bougent, les fenêtres tressaillent et les portes clapotent, retourner dans l’œuf, régresser dans l’ovaire, échapper à tout prix aux emprises, ne pas se faire prendre dans les nasses, et le songe démesuré de passer inaperçu, égarer sa casquette, oublier l’imperméable, abandonner les godasses, à ça je pense quand me recroqueville fœtal sous mes trois couvertures, vienne la nuit me dissoudre, vienne la pénombre me gommer, je me suis administré avec tant de sollicitude, les préposés du cadastre me concèdent mon lopin, le marchand de légumes m’approvisionne en cerfeuil & oseille, la maréchaussée royale me laisse filer sur ma sente, j’ai arrêté de revendiquer quoi que ce soit, et quand s’affole autour de mon abat-jour la mite de minuit, je ravale l’inutile soupir, l’espace autour de moi est ponctué par des milliards de points plus ou moins nommables, et parmi la démente multiplicité, j’extrais un prénom, juste ce prénom-là, et je le dis & récite jusqu’au vertige, et je me recroqueville, swing low sweet chariot, m’abîmant dans mon murmure.
Commenter  J’apprécie          00
5.
Sur les pentes bien pentues des collines qui entourent Walker Bay, j’ai envoyé à ton assaut quelque mille messagers, il y aura d’abord les collines, puis les montagnes, puis les plaines, puis de nouveau les collines et les montagnes, ils vont mettre des jours, des mois, peut-être des années, peut-être des siècles, mille scarabées en route vers ton pays, ils portent le message, plié en quatre, sous leurs ailes, je leur ai interdit de voler, ils marcheront, c’est pour ça qu’ils mettront si longtemps, à mi-chemin vers le nord, ils auront tout le Sahara à traverser, ils portent tous le même message, il est plausible, même évident, entomologiquement, qu’ils vont mourir par centaines, ils vont mourir presque tous d’ici quelques jours, quelques semaines, il est probable, très probable qu’aucun d’eux n’atteindra le bord du Sahara, et s’il y en a deux ou trois qui atteindront le bord du Sahara, ils ne vont sûrement pas le traverser, j’aurais peut-être dû leur permettre de voler, mais c’est trop tard, ils ne m’entendent plus, ils sont trop loin, ou morts, je commence peu à peu à me résigner à ce que tu ne recevras pas mon message, c’était juste une petite page, à peine mille signes, comme on dit, pour te dire que… comment dire, dire que…
Commenter  J’apprécie          00

Videos de Lambert Schlechter (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Lambert Schlechter
Lambert Schlechter. Punaise.
autres livres classés : poésieVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (3) Voir plus



Quiz Voir plus

Testez vos connaissances en poésie ! (niveau difficile)

Dans quelle ville Verlaine tira-t-il sur Rimbaud, le blessant légèrement au poignet ?

Paris
Marseille
Bruxelles
Londres

10 questions
1226 lecteurs ont répondu
Thèmes : poésie , poèmes , poètesCréer un quiz sur ce livre

{* *}