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EAN : 9791096415120
148 pages
Tinbad, 2018 (05/05/2018)
4.17/5   3 notes
Résumé :
Cette mite couchée sur le dos, aplatie, blanchâtre, bien visible à cause de la couleur brique du carrelage, probablement déjà desséchée à l’intérieur, tout le psychisme qui était sans doute dans son ventre mou s’est évaporé, impossible de savoir comment elle est finalement morte, impossible de savoir si elle a vécu la plénitude de sa vie de mite, son psychisme s’est infinitésimalement dilué dans l’espace, alourdissant de son poids éthéré la pesanteur de l’univers, c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La patiente proserie de Lambert Schlechter, se déployant toujours dans les directions les plus inattendues, entre vie matérielle et érudition, entre rêve, nostalgie, mémoire et construction.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/01/04/note-de-lecture-une-mite-sous-la-semelle-du-titien-lambert-schlechter/

Depuis 2006, le Luxembourgeois Lambert Schlechter murmure le monde. En 2018, il le murmurait pour la septième fois, remplissant comme toujours apparemment imperturbable son cahier de proseries – dont Claro proposait notamment une saisissante analogie dans son Clavier Cannibale, ici – (il y en a 108 dans ce « Une mite sous la semelle du Titien », il y en aura 79 dans la huitième étape du parcours, « Les parasols de Jaurès », quelques mois plus tard, et 198 dans la neuvième, « Je n'irai plus jamais à Feodossia », en 2019). Oeuvre nettement tissée dans le temps long (j'évoquais ailleurs sa parenté, dans la tâche entreprise si ce n'est dans le type de moyens consacrés, avec le formidable « Tout l'univers » de P.N.A. Handschin), cette patiente succession de pages, relevant de l'artisanat d'art, celui des jours qui s'enfuient, façonnés et bien remplis d'heureuses rapines glanées partout où nous porte une curiosité, organisée ou non (Lambert Schlechter est certainement l'un des plus extraordinaires brigands de grand chemin littéraire que je connaisse), constitue pour la lectrice ou le lecteur un foisonnant journal de marche, celui d'une quête jamais rassasiée d'émerveillement, de découverte, de ressassement innocemment productif et de juste mémoire orientée – malgré les obligatoires impondérables avec lesquels il s'agit de trouver comment ne pas composer.

Affectant volontiers, fort malicieusement, un mépris certain pour l'érudition pédante, Lambert Schlechter mobilise, pour notre plus grand bonheur, la sienne, à l'opposé du pédantisme justement, immense et toujours savamment orientée à la manière de quelque couteau en ivoire des âges farouches : avec Jim Harrison, John Coltrane, Annie Saumont, Blaise Cendrars, Walt Whitman, Claude Louis-Combet, Anton Tchekhov, William Gaddis (qui devient bientôt l'une des douces obsessions de ce volume – avec l'angoisse latente de ne plus parvenir à écrire), Elias Canetti, Sei Shōnagon, Donald Hall, Henri Michaux, Eugène Savitzkaya, ou encore Petr Král, entre autres, quelque chose de très spécifique se tisse sous nos yeux, par lequel les remarques s'échangent dans un continuum créant au fur et à mesure sa propre cohérence.

Sous le regard bienveillant de Leonid Torganov (1841-1916), écrivain russe au statut incertain de réalité (comme dirait Léo Henry à propos d'Adorée Floupette), qui sera le véritable héros, sans doute, de « Je n'irai plus jamais à Feodossia », une langue étonnante se déploie entre compte-rendus de rêves, réactions à un texte, une peinture ou une musique, songes et récapitulatifs érotiques, bribes mémorielles remises en situation, échappées spéculatives et tentatives de deuil, paisible ou rageur, d'une bibliothèque personnelle largement partie en fumée dans un incendie, une langue qui questionne inlassablement ce qui se joue en permanence dans les interstices entre littérature et vie matérielle, entre pensée et rêve, entre exploration et achèvement. Et c'est ainsi que Lambert Schlechter s'affirme grand pour nous, à chaque étape de ce parcours apparemment si insensé.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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critiques presse (1)
LeMonde
04 mai 2018
Claro est séduit par l’intelligence des « proseries » de Lambert Schlechter.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
SANS AGRAFE NI TROMBONE…


Sans agrafe ni trombone, comme pour dire l’abolition de l’univers, pour dire l’impensabilité de l’amoncellement des choses, plus on enlève de choses plus il y en a, les choses et les noms des choses, parmi tout ce qui est montrable, désignable, puis nommable, on nomme tour à tour l’agrafe et le trombone, puis par un acte de la pensée on les abolit en produisant brillamment le syntagme ‘sans agrafe ni trombone’, c’est une sorte de revanche contre l’impensabilité de l’amoncellement des choses, parce que c’est désespérant, c’était une erreur si fatale de décréter qu’on pouvait tout énumérer, commençant avec le galet et le trèfle et l’astéroïde et le criquet et l’Himalaya et le parchemin et le cumulus et le « Washington Post » et la ciboulette, puis on achoppe sur l’agrafe et le trombone, il n’y a plus d’issue, il n’y a plus qu’à vociférer et on vocifère : sans agrafe ni trombone !, parmi toutes les tâches qui incombent il incombe d’abolir l’univers, parce que l’univers ne doit pas, ne peut pas être le déversoir de toutes les choses et de tous les noms de choses, il faut maintenant se calmer, recommencer à respirer, élémentaire parmi les éléments, à l’écart des choses, ne s’attachant à rien, sans agrafe ni trombone.
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Cette mite couchée sur le dos, aplatie, blanchâtre, bien visible à cause de la couleur brique du carrelage, probablement déjà desséchée à l’intérieur, tout le psychisme qui était sans doute dans son ventre mou s’est évaporé, impossible de savoir comment elle est finalement morte, impossible de savoir si elle a vécu la plénitude de sa vie de mite, son psychisme s’est infinitésimalement dilué dans l’espace, alourdissant de son poids éthéré la pesanteur de l’univers, cette mite sur le dallage, le Titien ne l’a pas vue, cette petite macule, inoffensive saleté, c’est peut-être lui qui a marché dessus, l’aplatissant alors que le petit ventre palpitait encore avec un dernier reste de vivacité, la fidèle servante pour le moment, à l’autre bout de la pièce, se penche sur le bahut où elle range les robes et le linge de sa belle maîtresse, le peintre a gardé son large chapeau en feutre noir, il est prêt pour la séance les trente pinceaux sont rangés soigneusement sur la planche, puis il explique à la jeune femme qui est venue s’étendre nue sur la couche comment elle doit placer son bras, et comment elle doit enfoncer le bout de ses doigts, légèrement, dans la moiteur de la fente.
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Extrait


Parfois, en plein traçage d’un mot, au milieu du mot, avant
de passer d’une lettre à l’autre, j’hésite, m’interromps, pen-
dant une infime fraction d’instant, moins sans doute qu’un
dixième de seconde, dans l’homogène flux du geste de tracer,
je marque un arrêt, un imperceptible indécelable arrêt, de
l’extérieur un observateur ne s’en rendrait pas compte, sauf
peut-être le Créateur qui sait & voit tout, et encore, pas sûr,
tellement c’est infime, je ne sais pas à quel point et jusqu’où
lui il est capable de scinder le temps, jusqu’aux plus infimes
atomes du temps, jusqu’au cœur le plus nano du nano…
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Si tu veux écrire un livre…
  
  
  
  

Si tu veux écrire un livre sur la mort, comme Jankélévitch, ou contre la mort, comme Canetti, ou autour de la mort, comme Voghera, commence déjà par écrire une page. une seule page, dix-neuf lignes dans un cahier ligné, puis on verra, on examinera, on évaluera, sur l'élémentaire échelle des trois étoiles, une étoile c'est nul, deux c'est bof peut faire mieux, deux et demie ça commence à être pas mal, trois c'est la perfection, trois c'est presque jamais, pour s’exercer à écrire des livres, il est utile & salutaire de commencer à s'exercer en écrivant une page, si tu arrives à écrire une page, c'est déjà pas mal, si tu ne cales pas à la 9e ou 10e ligne, si tu arrives en bas de ta page, à la 19e ligne, et que tu la remplis, c'est déjà pas mal, ça veut dire que commences à avoir de l'exercice, que tu as une certaine créativité, si sur la mort, sans tomber dans la trappe, tu arrives à écrire une page, nous dirons : il a écrit une page sur la mort, et on va l'examiner, l'évaluer, et si jamais c'est une page à trois étoiles, nous dirons : il a écrit sa page sur la mort, et nous mettrons un point d'exclamation, parmi tous ceux qui sont morts sans jamais avoir écrit une page sur la mort, qui n'ont jamais écrit la page sur la mort, tu seras celui qui aura écrit sa page.
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Que ce soit en janvier…



Que ce soit en janvier, ou en novembre, ou en avril, surtout en avril, je pige pas la croyance des croyants, ils m’énervent, en avril surtout, ils m’horripilent, c’est mon problème, je sais bien, c’est pas la faute des croyants s’ils croient, ça a l’air de leur faire du bien, quand le croyant me dit : je crois, j’entends croa-croa, je dis : tu me fais penser à un corbeau, je suis plein de mauvaise foi, je sais, un tout noir corbeau, j’aime pas les corbeaux, ils m’énervent, quand ils disent croa-croa, j’entends crois et même croix, c’est repoussant, et en avril, surtout en avril, ça m’horripile, je fais un rejet, parce que je pige pas, et ça m’énerve de ne pas piger, je dis : tu y crois à la résurrection, je veux dire la tienne, pas la mienne, tu vas sortir de ta tombe, tout nu, tu vas les retrouver comment, tes fringues et tes godasses, ou reviendras-tu peut-être corbeau, tout noir corbeau, avec des plumes noires, bec noir, pattes noires, tu feras ton croa-croa, ne compte pas sur moi pour faire mon croa-croa, puisque contrairement à toi, je ne vais pas, sûrement pas ressusciter, c’est des pensées qui me viennent, des questions qui me titillent en avril, surtout en avril, quand il y a cette tendre verdeur dans les arbustes et que le magnolia ressuscite.
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Lambert Schlechter. Punaise.
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