Un livre si intime que j'ai eu l'impression qu'
Eric-Emmanuel Schmitt en personne m'en faisait la lecture !
À 28 ans,
Eric-Emmanuel part avec Gérard, réalisateur, en voyage de reconnaissance sur les traces de Charles de Foucauld, ce mystique converti qui avait tout abandonné pour vivre avec les touaregs au Sahara. Il s'agit à priori de dix jours d'expédition saharienne au sein d'un groupe qui permettront à
Eric-Emmanuel de s'imprégner des lieux et du sage universel afin d'écrire un scénario.
Mais l'auteur, philosophe athée et rationnel, solitaire et plutôt habitué au confort va vivre ce qu'il nomme sa deuxième naissance.
D'abord c'est un « coup de foudre humain » pour Abayghur – le guide touareg aussi pudique que drôle, rêveur, accueillant, pieu et si patient – qui frappe
Eric-Emmanuel en plein coeur.
Chacun des membres du groupe s'interroge sur le changement que le désert peut apporter chez quelqu'un. Les discussions vont s'animer, les failles des uns et des autres font surface. Mais une phrase va jaillir dans l'esprit d'
Eric-Emmanuel, une phrase obsédante : « quelque part mon vrai visage m'attend ».
Comme les autres, il a ses propres attentes, ses questionnements sur son avenir professionnel, son but de vie.
L'auteur nous livre avec sincérité des secrets de son enfance, certains de ses questionnements, ses fragilités.
Il invite même le lecteur à passer les nuits avec lui, quand la perte de tous les repères familiers et le harassement de la journée de marche ont laissé la place à une angoisse diffuse ravivant même les insomnies contre lesquelles il s'est battu si longtemps. « Comment pourrais-je apprivoiser l'inconnu ? le ramener au banal ? »
Seul au milieu du Hoggar… Seul ? Non, Abayghur est là, figure rassurante et fascinante.
Des journées brulantes, des nuits glaciales, des interrogations sur le divin, ses difficultés à méditer, la disparition de ses rituels font-elles partie de cette remise en question sensée avoir lieu dans le désert ? Rapidement il sent en lui la présence de son père, pas sous forme de souvenir mais de vécu de l'instant présent : « Je m'appelle
Eric-Emmanuel Schmitt, je suis le fils de Paul Schmitt et j'existe ». La conscience de l'ici et maintenant est en route. Un cadeau du désert ? du silence ? de l'exil ? du ciel ? de l'univers ? de Dieu ?
Mais arrivé au sommet du Mont Tahat, il prend l'initiative de jouer les chefs de file pour la descente… Il exulte, il vient de découvrir « l'étonnement joyeux » : « Sur terre ce ne sont pas les occasions de s'émerveiller qui manquent, mais les émerveillés ». L'improbable prend alors forme. Il vient de perdre son groupe. Il est seul. « Monsieur le philosophe » se retrouve livré à lui-même.
Eric-Emmanuel nous bouleverse alors en nous partageant le ressenti de sa nuit de feu, cette terrifiante et divine nuit où abandonné, il abandonnera les résistances jusqu'à s'abandonner intégralement.
Avec des mots il tente de retranscrire les émotions, les ressentis, et l'illumination. Il partage comme un frère l'état de béatitude dans lequel il se trouve désormais, cet état qu'il explique avoir vu grandir depuis, encore et encore.
Un livre sur la magie de la venue au monde, la véritable !
Un livre court plus riche qu'une biographie.
Un livre généreux, sensuel et renversant.
Un incontournable de la littérature française et du développement personnel (peu compatibles d'habitude !)