Un certain nombre d’individus croient qu’ils ont évolué, et de toutes leurs qualités seule la vanité coïncide avec ce qu’ils imaginent.
(p. 109)
Dans l’existence on est sans arrêt confronté à ce choix : se simplifier la vie et compliquer celle des autres – ou inversement. Mais a-t-on vraiment le choix ?
(p. 109)
Ce sont les questions adressées à la divinité qui nous rendent plus riches et non les pauvres réponses qui nous parviennent. C’est l’aspiration qui nourrit notre âme et non la satisfaction ; et le sens de notre vie c’est le chemin et non le but. Car toute réponse est trompeuse, toute satisfaction nous glisse entre les doigts et le but n’en est plus un dès qu’il est atteint.
(p. 106)
L’examen psychanalytique flatte dangereusement la vanité. Toute une kyrielle de futilités se trouvent entourées d’une fausse auréole d’importance. Un individu absolument insignifiant se trouve intéressant, l’importance que l’on accorde même à ses rêves le ravit.
(p. 145)
Certains vivent comme on vide une coupe de champagne ; d’autres comme on mange de la soupe – une cuiller après l’autre, indifférents ; mais beaucoup doivent chercher leur peu de vie comme des gouttes d’eau sur la terre sale : toujours courbés, toujours assoiffés.
(p. 118-119)
Une idée nouvelle – c’est la plupart du temps une banalité vieille comme le monde dont nous éprouvons soudain personnellement la vérité.
(p. 115)
Tout rapport affectif à Dieu est absurde, la révolte autant que la soumission, car l’autel devant lequel nous gisons dans la poussière, tout comme celui que nous voulons mettre à bas – c’est toujours nous qui l’avons édifié.
(p. 84)
Les vertus les plus hautement prisées sont celles dont l’exercice ne requiert ni travail intellectuel, ni dépense d’énergie, ni dépassement de soi, et surtout deux parmi elles : le patriotisme et la crainte de Dieu. Ne serait-on pas justifié à penser qu’elles ne sont en rien des vertus mais ne sont désignées comme telles que par les instances qui retirent de cette conception l’avantage le plus évident : l’État et l’Église ?
(p. 69-70)
Une femme avisée me disait un jour : les hommes savent toujours très bien ce à quoi ils sont parvenus avec nous ; mais ils n’ont généralement aucune idée de tout ce à quoi ils ne sont "pas" parvenus.
(p. 32)
Souvent nous croyons haïr un individu et nous ne haïssons pourtant que l’idée qu’il incarne. Et si nous rencontrons ce personnage en chair et en os qui, à distance, nous apparaissait insupportable et même dangereux, nous nous rendons compte tout d’un coup qu’il s’agit seulement d’une pauvre créature condamnée de par sa naissance au péché, à la souffrance et à la mort ; et notre haine se tourne en émotion, en pitié et peut-être même en amour.
(p. 23)