Je connaissais quelqu’un qui s’envoyait toujours une lettre le soir, à seule fin de ne pas être déçu le lendemain à l’heure du courrier. Mais je n’ai jamais bien réussi à savoir si c’était un fou ou un sage.
(p. 122)
On n’a jamais vraiment fait la guerre pour une idée ; qu’elle soit nationale ou religieuse. (La preuve ne nous en est pas seulement donnée par cette guerre*.) Mais les idées sont toujours mises en avant, brandies comme des bannières, des étendards de l’âme pour ainsi dire. On peut naturellement ériger en idée n’importe quelle formule creuse. C’est l’une des principales tâches de l’homme politique qui rétablit aussi l’équilibre en faisant de chaque idée une forme vide.
*la Première Guerre mondiale
(p. 75)
Tu ne soupçonnes pas à quel point tu es parfois entouré, même lorsque tu te crois seul avec ta bien-aimée. Il y a là avec vous beaucoup de gens dont tu ne sais rien : ses anciens amants – et beaucoup d’autres dont elle-même ne sait rien : ses futurs.
(p. 36)
Si tu t'avances jusqu'à l'autel de la vérité, tu trouveras beaucoup de monde agenouillé devant. Mais sur le chemin qui y mène tu auras toujours été seul.
Aucune laideur dans un visage dont les traits expriment la possibilité d’une vraie passion et l’impossibilité d’un mensonge.
(p. 124)
L’enthousiaste ne se sent jamais absolument sûr de son fait, d’où son désir insatiable de s’adjoindre des compagnons d’enthousiasme. Le sceptique au contraire a toujours besoin d’un certain état de solitude, car le simple fait de trouver un compagnon à son doute est capable de l’en faire douter.
(p. 119)
Un jeune homme pieux fait une sortie à bicyclette. En passant devant une église, il lâche son guidon d’une main et fait le signe de croix. À cet instant il perd l’équilibre et se casse le bras.
(p. 117)
Quand quelqu’un dit qu’il aime les hommes, cela ne va presque jamais sans quelque émotion sur sa bonté d’âme ; qu’un autre prétende les mépriser, et sa déclaration va rarement sans la fierté d’être un sage. Quel que soit le point de vue porté sur les hommes, ce sera parfois au désavantage des hommes mais jamais à celui de la vanité personnelle.
(p. 114-115)
Il est mal fait ce monde, où même les plus grands artistes ne disposent que par moments de tout leur génie, mais où même les plus petites canailles se trouvent sans discontinuer en pleine possession de leur caractère.
(p. 111-112)
Il y a trois sortes d’hommes politiques : ceux qui troublent l’eau ; ceux qui pêchent en eau trouble ; et ceux – les plus doués – qui troublent l’eau pour pêcher en eau trouble.
(p. 63)