Non, les Sémites ne sont point arrivés par leurs propres forces à la notion du Dieu unique; cette notion n'est point chez eux le fruit d'une constitution sui generis, le résultat d'une certaine disposition de race. A voir l'empressement, je dirai la fureur avec laquelle tous les peuples sémitiques, sans distinction aucune, se sont rués clans le polythéisme, il serait plus juste de dire que c'est l'idolâtrie qui était la religion la plus conforme à leur nature. Non, le polythéisme n'est point chez les races indo-européennes ni chez aucune autre le fond même et l'origine de toute la religion; la notion du Dieu unique n'est pas plus chez ces races que chez les Sémites le fruit de la raison et de la réflexion philosophique.
On voit que les documents bibliques ne nous seraient pas d'un médiocre secours si nous voulions en faire usage, pour trancher la question dont il s'agit, car ils contiennent encore bien d'autres témoignages en faveur de notre thèse. Mais je les laisse pour invoquer l'autorité des monuments indigènes, la doctrine même des Égyptiens. Jamblique, qui connaissait probablement cette doctrine, dit expressément qu'elle se rapportait à un Dieu un et suprême, et M. de Rougé a remarqué que le signe de ce même Dieu apparaît sur les monuments de toutes les parties de l'Egypte.
Maintenant, expliquera-t-on un culte aussi contraire à ce que la nature humaine a de plus sacré et de plus invincible, l'amour maternel, par des raisons naturelles comme celles, par exemple, qu'on peut alléguer pour expliquer le culte des phénomènes sidéraux ou atmosphériques?
Nous l'avons dit déjà : le culte du mal absolu, qui est logiquement la fin du polythéisme, ne parvint jamais, chez aucun peuple, à une manifestation publique et avouée.
Pourquoi ne pas voir les choses comme elles sont et comme nous les montrent les enseignements les plus positifs de l'histoire ?