Dans un second temps, l’analyse se centrera sur la commission Stasi,son travail mais aussi l’évolution des positions de ses membres. Sur les vingt personnalités qui composaient cette commission, seule une poignée était a priori favorable à l’interdiction du port de signes ostensibles à l’école, avant que celle-ci entame ses travaux.
Tout le nœud de la compréhension de la loi de 2004 se trouve ainsi dans cette évolution : comment l’expliquer ? Quels témoignages, arguments, quelles réflexions leur ont fait prendre conscience de la nécessité d’interdire le port de signes religieux ostensibles à l’école ?
Paul Bert, laïque de la gauche radicale et futur ministre de l’Instruction publique, pose déjà en 1880 une critique acerbe de la division identitaire : « C’est une chose fâcheuse que de diviser les enfants dès leur plus bas âge sur les bancs mêmes de l’école et de leur apprendre d’abord,non pas qu’ils soient français, mais qu’ils sont catholiques, protestants ou juifs. »
Grâce à l’accumulation de savoirs (l’instruction), les enfants développent leurs propres opinions et leur esprit critique (l’éducation). L’école doit favoriser le « droit d’être différent de sa différence », pour reprendre l’expression des auteurs de la tribune de 1989 déjà citée.
En novembre 1989, cinq intellectuels de gauche lancent dans "Le Nouvel Observateur" un appel retentissant à la défense de l’école et des principes républicains, dans lequel ils intiment auministre Lionel Jospin de faire preuve de fermeté : « La laïcité est et demeure par principe une bataille, commele sont l’école publique, la République et la liberté elle-même. Leur survie nous impose à tous une discipline,des sacrifices et un peu de courage. Personne, nullepart, ne défend la citoyenneté en baissant les bras avecbienveillance. »
Les témoignages recueillis par la commission Stasi laissent une profonde empreinte sur ses membres. Tous attestent une poussée de l'islamisme et du communautarisme dans différentes couches de la société. Les sages sont confrontés à des preuves tangibles de l'ampleur croissante de ces phénomènes et de leurs implications pour la France.
Contourner le "trop politique" (la mission Debré) et le "trop juridique" (la jurisprudence du Conseil d'Etat) dans une commission non exempte d'élus et de conseillers d'Etat, voilà le tour de génie de Jacques Chirac.