HoOou c'est pas bien, j'ai beaucoup de retard sur ce post ! J'ai lu un
Beigbeder après ce livre mais j'ai fait le post correspondant avant celui-ci, bref, tout part en sucette ! Heureusement, ce n'est pas vraiment grave (du tout) et surtout, ça n'enlève rien à la qualité de ce roman de
Laurent Seksik. de lui, j'avais déjà lu Les derniers jours de
Stefan Zweig, et je peux dire déjà que j'apprécie cet auteur. Je fais le parallèle entre les deux ouvrages car tous les deux se déroulent dans le même contexte, la seconde guerre mondiale, tous les deux évoquent les histoires de personnes réelles, et tous les deux traitent sans chichi de situations plutôt dramatiques (l'exil dans les deux cas, puis le suicide ou la folie). Derrière la plume on sent que
Seksik est médecin car ces descriptions des souffrances (états d'âme ou malaise physique) sonnent justes et sont pleines d'humanité. Il a le bon goût de ne pas traiter ses sujets comme « des cas », quoiqu'en dise le titre de ce roman.
Pour parler plus précisément de ce livre donc, j'ai découvert avec étonnement qu'
Albert Einstein avait un fils (même deux fils pour être précise). En même temps je ne suis pas une spécialiste de monsieur E = mc2 donc je n'ai pas été aussi étonnée que ça. C'est une façon de parler. Bref, Einstein avait un fils fou, et il s'agit là de son histoire. Eduard est psychotique, probablement schizophrène, et en ces temps-là les maladies mentales se traitaient à grand renfort d'électrochocs, camisole, enfermement et autres méthodes tout aussi brutales. le voyage dans la folie commence au début du livre lorsque sa mère le dépose au fond d'un asile de Zurich, il y restera le restant de ses jours. L'histoire se déroule alors sous trois angles différents : les hallucinations d'Eduard, la grande force de Mileva (la mère) qui entrevoit avec lucidité et désespoir ce que sera l'avenir de son fils et enfin le regard amer et résigné d'Einstein, le père lointain et impuissant.
Ce qui est remarquable dans ce livre, c'est que - malgré ses connaissances médicales - l'auteur n'a pas fait de ce livre un documentaire sur l'univers carcéral des années 30 et 40. Non, il lève simplement le voile sur ce drame familial et nous fait partager sa connaissance et son amour pour ses personnages. Oui, c'est bien l'amour que l'on croise au fil de ces pages : l'amour donné, absent, raté, maladroit ou encore destructeur, mais l'amour quand même. J'ai apprécié également l'impartialité du récit, il ne s'agit pas là de faire le procès du physicien qu'on pourrait juger coupable d'avoir divorcé d'une femme admirable qui lui avait sacrifié sa propre carrière, coupable d'avoir abandonné ses enfants et laissé son fils cadet végéter plusieurs décennies dans un établissement psychiatrique… Non, là n'est pas le propos, ce livre parle de la douleur intime qui touche même les grands de ce monde, de la pesanteur des filiations et de la complexité de l'âme humaine. Un très beau livre assurément.