3. AME SŒUR
Viens à moi, bel esprit, tu es mon rêve fou,
Depuis la nuit des temps, mon cœur t'a modelé,
Dans la fière odalisque, la princesse hindoue...
Chacune avait le charme, aucune ta clarté !
J'ai parcouru les mers et d’innombrables vies,
Brûlé sous le soleil de mon désert intime,
Nommé bonheur ou joie ce qui était survie,
Cherché tes yeux d'opale au creux des noirs abîmes.
J'avais perdu l'espoir d'un jour croiser ta route,
La fatigue noyait mon âme endolorie,
La confiance absolue cédait devant le doute.
Nous serions à jamais deux entités meurtries !
Ma précieuse âme sœur, mon image fidèle,
Ne reconnais-tu pas l’unique et pure essence,
Qui, jadis, endossa deux écorces mortelles,
Pour vivre intensément de multiples errances ?
Dérisoires fétus tourbillonnant sans fin,
Dans la folle spirale des incarnations,
Mille fois nous avons maudit le noir destin,
Qu’un Dieu impitoyable étendait sur ses pions.
La colère a gagné nos âmes assombries,
Le tissu des passions voila notre mémoire.
La lumière ancestrale est devenue bougie,
Habillant nos décors de formes illusoires.
J’ai volé, massacré, ceux qui étaient mes frères.
Peut-être était-ce toi, ce corps ensanglanté,
Sur lequel s’acharnait mon épée mortifère,
Lessivant dans ton sang ma culpabilité…
Pourtant, tu dormais là, invisible moi-même,
Dans l’atome mémoire inaltérable et pur,
Attendant sans frémir au milieu des blasphèmes,
Que l’illumination lyse la pourriture.
Je t’en prie, ne pars pas pour un nouveau voyage !
Je suis las d’écumer la mer des confusions !
N’es-tu pas, comme moi, saturée de mirages,
Usée par tant de vies et de désillusions ?
Profitons de la chance qui nous est donnée,
Unique et bienveillante, fragile, éphémère.
Elle est l’astre qui brille sur cet hyménée,
Que mon âme blessée, à chaque mort espère.
Ton image se voile et devient filigrane.
Tu t’éloignes de nous, de la félicité !
Je pleure sur le sort auquel tu nous condamnes :
Retrouver la froidure et la captivité !
Je croiserai peut-être ton regard de flamme,
Au détour d’un chemin, dans un être inconnu.
Mes pas s’éloigneront, mais je sais qu’en mon âme,
Vibrera d’amour fou une corde ténue…
12/07/2004