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«  Chacun de nous est une architecture d'amour » .
«  On marche , on marche et la terre s'ouvre devant soi, comme tranchée par un couteau . Car les vagues de souffrance , invisibles , acérées , puissantes , laminent les terres , se multipliant sur le chemin, rendant difficile l'excursion » ..

Deux extraits de ce roman sensuel , initiatique, d'une jeune fille confrontée à la passion, aux emballements et aux désordres de l'amour .

C'est l'histoire vibrante d'amour charnel, de découverte , d'espérance et de déchirement , un festin de jeunesse, d'amour et d'eau fraîche : «  Amours , vos mets âcres et salés , bien bête qui les boude car le temps file , file » …pour Corinne , vingt ans , orpheline de père , il était chirurgien, elle se consacre à ses études de mathématiques dans une université parisienne .

Nous allons la suivre entre passions et désillusions , de celles qui transforment en «  épaves » sauf le bonheur de réussir ses examens .

La dernière année des «  Seventies » une année charnière en 1979, du printemps à l'hiver , on va la suivre , elle a pour amant Baptiste , amoureux de Jean, son colocataire …

En se rendant à un concert Corinne rencontre un musicien de jazz, Toni , âgé de quarante - quatre ans , il a déjà été marié . Il se produit au Riberbop du Saint - André des Arts , Baptiste et Corinne s'y rendent : en ignorants …

C'est un musicien établi, il réalise des musiques et des films , il exprime toute sorte de nuances avec sa musique .
Il est perturbé , sombre, passionné , un peu ténébreux , ambigu, mufle, tourmenté , jaloux de la liberté supposée de Corinne, la possède debout avec violence , «  Les mains de Toni soulèvent, ouvrent , cherchent » ..puis petit à petit l'assigne à une espèce de prison mentale , en elle il sème l'expérience vaine, la douleur vraie …
«  Toni m'a prise pour son vide - ordures . Il désire détruire , Toni » tel un sadique .
Leur relation se délite ,il la harcèle de questions , ne désire pas vivre à deux, l'humilie et l'étire au téléphone , il fait ce qu'il veut d'elle , un jouet, une fille en filigrane .
Il entend sa tristesse , lui dit qu'il n'a jamais rien compris aux femmes.
Ils n'ont été amants qu'une brève saison.
Corinne , elle , si rieuse , si chatte, à la nature simple , affectueuse , démonstrative , juvénile , riche, aux côtés de Baptiste, si curieuse des hommes, , communiquera avec Toni , uniquement par téléphone .

Il croit , suspicieux et mufle , qu'elle fait l'amour avec tout le monde.

Elle part en Italie : l'eau du lac majeur n'est autre que ses larmes .
Elle revoit Baptiste , son ami, frappé par l'amour pour Jean.

Puis évoque avec Jean, sa souffrance pour Toni , son ancien amant musicien qui l'avait invitée à ses concerts .

L'hiver 1979 va s'achever : quelque chose d'effrayant , mortel, arrive , qui va faire des ravages chez les amoureux , les amants et les amantes .

Les années 70 prennent fin, un cycle où tout était permis , on pouvait changer d'amant ou d'amante si on le désirait , le sida paraissait très loin.

«  Au début, on va loin, va très loin, puis vers vingt ans , on va jusqu'à la fin de l'amour et on n'en revient pas » …
Le roman ne fait pas dans l'eau de rose : c'est cru, charnel , coquin , visuel et imagé ,pétri de poésie , d'entrain charnel et de rage , de bonheur scintillant , d'attention mutuelle , malgré la peine accompagné deux poèmes de Gérard de-Nerval.

«  Amours , vos mets âcres et salés, bien bête qui les boude car le temps file , file » …..
Plaisirs , désirs, mélancolie, initiation , désenchantement, incompréhension , silences lourds , derrière l'amour charnel s'expriment les regrets d'une époque bénie, insouciante , qui se meurt ..

Un très beau livre agréable à découvrir , à l'écriture fulgurante , tout en nostalgie …
Je remercie chaleureusement Masse critique et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage première de couverture : «  le Minotaure caressant du mufle la main d'une dormeuse »Pablo-Picasso .
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Il y a certains livres, je dirais la majorité d'entre eux, où vous savez d'emblée, sans aucune hésitation ni doute, si vous avez affaire à une oeuvre d'importance, de qualité ou tout simplement un bon ou honnête bouquin, et évidence des évidences... celui que vous n'auriez jamais dû commencer et que vous vous empressez de refermer à peine ouvert et de remiser dans la malle étiquetée : "tri sélectif"...
Celui dont je vais essayer de vous dire quelques mots appartient à la catégorie des casse-tête, ceux qui suscitent l'interrogation, font naître la perplexité, vont jusqu'à remettre en cause votre longue expérience de lecteur.
- Camarillo, adios les seventies - est CE bouquin qui ronge ce qui vous reste de neurones littéraires après tant d'années passées à tourner des dizaines de milliers de pages, bien empoigné au gouvernail de vos certitudes de bibliophile ayant fait dix mille fois le tour du monde en moins de quatre-vingts ans mais en plus de soixante...

À quel OVNI ( Oeuvre à Valeur Notablement Imprécisable ) ai-je été confronté en suivant les aventures de jeunesse de Dominique Sels alias Corinne ?
C'est ce que je vais tâcher de vous expliquer.

Nous sommes à la fin des seventies, comme le titre l'indique, et plus précisément dans les trois derniers trimestres de l'année 79.
Vous dire que je m'y sens à mon aise, c'est le moindre ; j'ai 26 ans lorsque l'histoire débute.
Corinne, elle, en a 20.
Elle vient de quitter un amant de passage pour renouer avec Baptiste, un intellectuel oisif, "de mon âge", qui partage son appart' avec Jean, un beau gosse dont il est amoureux.
Donc, en entrée, le décor ( je fais comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre, car dans ce roman, l'auteur, comme des discalies, donne par instants dans des parenthèses ce qui pourrait être interprété comme des indications de jeu ), c'est Corinne, 20 ans en licence de maths ( terme générique ) à Paris, partageant son temps amoureux rue Buffon entre Baptiste, en rupture d'études, et Jean... plus ou moins artiste, plus ou moins parolier, bohême à temps complet.
Un triangle amoureux... Corinne a déjà eu l'occasion de faire connaissance du corps de Jean... et versa dans le vice...(mauvaise blague ), qui vit une vie "libre", héritage de Mai 68, des hippies, de la beat generation, des communautés, du partage, du libre-échange globalisé mais non mercantile, de la pilule, des trips vertigineux avec descente où le Soleil ne Domine pas toujours, où l'on se doit de toucher à tout et où il est surtout interdit d'interdire.
La relation entre Corinne et Baptiste n'est pas chaude brûlant(e).
Elle vient à prendre un coup de surgelé lorsque Corinne apprend l'amour de Baptiste pour Jean.
Elle qui avait refusé à son ex-amant, celui qui avait précédé Baptiste, d'aller un soir écouter du jazz, accepte cette fois l'invitation de se rendre au "Riverbop", une boîte où se produit un trompettiste de free jazz de renommée, un certain Toni Camarillo.
À la vue de l'homme et à l'écoute du musicien, c'est le coup de foudre en accords majeurs.
Lui a quarante-quatre ans, elle vingt.
La passion est violente, inégale, déséquilibrée et déséquilibrante.
Entre eux, c'est je t'aime moi non plus, c'est le jeu du chat et de la souris, c'est jouir sans entrave, c'est le feu follet où celle qui se brûle les ailes est naturellement Corinne la luciole, c'est l'amour à mort, c'est l'oralité polysémique et la transmission.
Comme à mon habitude, je vous laisse découvrir le reste...

Je me suis retrouvé dans cette année 79 qui sent le vécu et ne magnifie ni ne trahit ce que fut cette fin de décennie.
Ce quatuor, ce quartet m'en a rappelé d'autres, et l'expérience de Corinne fait écho à mon ou à des vécus de ces années-là.
Là où j'ai buté, c'est sur les qualités de plume de Dominique Sels.
À trop vouloir briller, l'alchimiste qu'elle est finit parfois par transformer l'or en pacotille et à payer le lecteur en monnaie de singe.
De même qu'à trop cérébraliser, trop intellectualiser son propos, on finit par le banaliser, voire le caricaturer ; le mécaniser au point de l'exsanguer et de le vider de ses émotions les plus essentielles.
Et pourtant, Dieu sait si cette plume est capable de fulgurances.
"Bien sûr, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, la chambre de Baptiste n'avait rien de formidable. Pourtant elle offrait le premier luxe auquel on aspire à deux : le sentiment qu'un îlot de tranquillité brille davantage que le reste du monde. Quelque chose nappe le monde d'une brume qui le rend léger, poudroyant, riche de victoires prochaines. Dans la vision de deux êtres enlacés, le monde recule pour mieux renaître."
Plutôt "chouette", non ?
Mais il y a nettement mieux. Ça, j'aime +++
"Qui n'est pas allé, jambes tremblantes, à celui qui l'attire quand le moment s'offrait, mérite-t-il seulement la pitié ? Cet être-là passera sa vie à sa fenêtre, insecte vitrifié, inventant une légende où il se fût levé et où il eût parlé, guettant pour l'éternité un visiteur tardif - son propre courage."
Belle lucidité, constat fort... qui m'a rappelé un peu celui d'Antoine Pol et de ses - Passantes -...
Et puis, comme le mentionne la quatrième de couverture, il y a dans cette histoire et dans cette plume une scabrosité indéniable, dont l'apogée se présente sous cette forme :
"-Je voudrais le faire à trois...
-Encore elle ?
- Elle nous regarde, assise...
- Non, ce n'est pas la peine, je ne suis pas si compliquée.
- Ou alors un chien. Tu n'as jamais vu les chiens ? Un chien avec toi. Tu n'as jamais vu deux chiens ? Ils vont si vite, c'est incroyable.
- Et tu trouves que c'est bien ?
- Ou alors un cheval.
- Non...
- Sais-tu comment ils font pour voir si une jument est en chaleur ? Avant d'amener l'étalon, ils font passer devant elle un percheron. Si la jument mouille, alors seulement on fait venir l'étalon.
- Et comment les hommes voient que la jument mouille ?
- Eh bien, le percheron bande énormément. Et la croupe de la jument se couvre d'écume..."
Ça me rappelle, de loin, le roman de Christiane Rochefort - le repos du guerrier - adapté pour le cinéma par Vadim et dans lequel Hossein se plaît à se faire mal et à faire mal à une Bardot qui continue envers et contre tout et tous, comme Corinne, à aimer son guerrier qui (s')l'humilie...
Vous me direz que c'est là une vieille antienne amoureuse, un vieux ressort romanesque et vous aurez raison. Mais ces antiennes et ces ressorts sont à l'image de la vie et de la comédie humaine dont on ne cesse de répéter l'avant-première, oubliant au passage que la générale est passée depuis longtemps et qu'on en est désormais déjà à la 700ème...
Ce roman autofictionnel est donc fait de ces hauts et de ces bas, de ces fulgurances et de ces clichés estampillés parchemins d'origine, de réflexions nourries et de commodités confortables, d'inventivité inspirée et de banalité quincriarde, de talent et de quête de "génie"... ou d'art...
D'où ma perplexité initiale.

Je remercie néanmoins Babelio et Masse critique de m'avoir permis de découvrir ce livre et son auteure.
Un merci également aux Éditions de la Chambe au Loup, laquelle ( maison ) a eu la délicatesse d'accompagner son envoi d'un petit billet plein de courtoisie.
Le lecteur ingrat que je suis va cependant s'autoriser deux critiques. Pas pour le plaisir de critiquer... mais dans une perspective de contribuer à "mieux faire"...
Que de coquilles dans cet ouvrage, que de coquilles dans une mise en page digne de l'autoédité que je suis... en particulier, les espaces, les intervalles entre les mots... et la ponctuation...!
Je suis désolé mais ma lecture s'est heurtée à ces "imperfections".
Je ne saurais vous dire si je recommande cette lecture ou pas. Elle a partiellement titillé ma nostalgie et je n'ai globalement pas été insensible à la virtuosité irrégulière de Dominique Sels. Pour le reste je demeure dans l'indéterminé...
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Je commencerai par remercier Babelio et les éditions de la Chambre au Loup pour m'avoir confié ce roman dans le cadre d'une opération Masse Critique.

Corinne, vingt ans en mille neuf cent septante-neuf (soixante-dix-neuf pur mes amis Outre-Quiévrain) est une jeune femme disciplinée. Orpheline de père, elle se consacre à ses études de mathématique dans une université parisienne. Passionnée, elle surfe encore sur la fin de vague de mille neuf cent soixante-huit, cette vague qui mourut contre l'écueil du SIDA quelques années plus tard, celle de la liberté sexuelle, celle de l'espoir de l'égalité homme-femme. Elle a pour amant Baptiste mais celui-ci est amoureux de Jean, son colocataire. En se rendant à un concert de jazz, Corinne à un coup de foudre pour Tony, un musicien de jazz de quarante-quatre ans. Celui-ci est ténébreux, passionné et perturbé, surtout par la différence d'âge entre lui et Corinne. Corinne existe dans sa vie après la musique et ce dernier l'enferme dans une sorte de prison sentimentale…

Le style est poétique, enrobé de belles phrases, riche en vocabulaire. Mais ce style rend la lecture fastidieuse. Nous nous promenons sur les états d'âme de la jeune Corinne, qui est sans doute l'avatar de l'autrice. le récit semble autobiographique, surtout qu'il colle assez fort à la biographie de l'écrivaine. Ce style, riche, peut-être un peu trop, empêche une lecture limpide de l'ouvrage. Je me suis souvent égaré, ne sachant plus si j'était dans la tête de Corinne ou de Tony, ou de Jean ou encore celle de Baptiste. Si le style est magnifique, le fond de l'histoire ne nous mène nulle part. Je me suis relativement ennuyé pendant cette lecture qu'à certains moments, je trouvais interminable. Corinne semble être l'axe d'un trio d'homme enfant, en recherche de l'amour ou du simple plaisir. Corinne aussi se cherche mais s'égare plus qu'elle ne se trouve. Orpheline de père, ne souffre-t'elle pas du complexe d'Electre et qu'elle serait à La recherche d'un père perdu trop tôt. Hélas pour elle, les hommes qu'elle fréquente semblent aussi à la recherche d'une amante qui serait à la fois maternelle. On pourrait penser aussi qu'à la lecture, la femme est à la recherche de l'amour absolu, qui serait le seul à lui faire atteindre l'extase alors qu'il serait si futile aux hommes qui pourraient l'atteindre sans s'encombrer d'amour. En cette fin de cette décennie de toutes les libertés, de cette décennie où la jeunesse voudrait enfin pouvoir vraiment en finir avec l'héritage de De Gaulle, celle juste avant « le changement », qu'elle est réellement la place d'une jeune femme dans cette société encore trop patriarcale. Est-ce qu'en cherchant la liberté, les jeunes femmes de cette période ne se rendaient pas d'avantage prisonnières du joug des mâles ? Bref, pour le style poétique, c'est un merveilleux roman, pour le récit, je trouve que soit je suis passé à côté, soit je ne me suis jamais emballé ni rentré dedans. Enfin, j'en ai juste une option partagée et côté nostalgie, de ces années là, je n'avais que dix-sept ans en mille neuf cent-quatre-vingts et je ne peux affirmer en garder un souvenir impérissable.
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Dans la postface de ce roman attachant, plein de nostalgies tendres, l'auteur écrit : « Plus de vingt-cinq ans ont passé sans que je m'en aperçoive, ou plutôt quand je relis ce roman, c'est pour moi si vivant que l'intervalle s'efface. »

En 1979, Rue de Buffon, Baptiste et Jean partagent une chambre. Corinne « est assez attaché à Baptiste et prendrait goût à la fidélité, quand lui a la liberté pour première maîtresse. »
Ils vivent à la façon d'un Douanier Rousseau au jardin des Plantes, « Là dans ces allées sages il voyait trois feuillages et peignait une jungle. »
« Ce sont des gens assez bénins en fin de compte. (…) ils s'inclinent devant leur propre sensualité. »

Toni Camarillo est trompettiste de jazz. Il se produit au Riverbop rue Saint André des Arts et, au Riverbop, ni Corinne ni Baptiste « (…) n'y vont en amateurs, ils y vont en ignorants. »
De retour rue de Buffon avec Baptiste, Corinne est ailleurs, « Demain c'est lundi, demain sera à Toni Camarillo, à Toni Camarillo (…) elle ne veut pas rêver mais le voir. »

Avec des mots enchanteurs souvent symboliques, parfois crûs, Dominique Sels raconte l'histoire de ces deux personnages « La rencontre charnelle est un geste d'approche ou bien qui se propose d'oublier les situations ennuyeuses »

Entre Toni, le musicien établi, la quarantaine, qui fréquente d'autres personnes établies, qui réalise des musiques de films, côtoient des gens célèbres, dîne dans des restaurants où l'on donne aux femmes une carte sans les prix, et Corinne, l'étudiante en mathématiques dont la vie est toute entière dédiée à ses études, que peut-il se passer ?
Elle découvre une vie sans contraintes, « Du raisin en mai ! du saumon fumé ! Dit-elle la mise gourmande. »
Le sexe ? «Toni aime bien avoir métamorphosé Corinne en animal qui râle. »
L'amour ? « La ville est une aube qu'elle traverse, c'est près de lui qu'il fait grand jour.»
Le mariage ? « Assez vite Toni a invité des mots que les hommes ignorent ces temps-ci : le mariage, l'enfant. »

Corinne veut à tout prix revivre ce que Toni a déjà vécu, comme si cela était une assurance pour le futur. Elle décide de passer quelques jours à Sienne en Italie, là où Toni autrefois a suivi les cours d'une académie de musique.
Sont-ce des retrouvailles réelles ? En ces lieux hantés par Toni, elle fuit la réalité, se réfugie dans le rêve « Corinne arrive à la gare. Une voiture s'arrête, elle connaît cette voiture, Toni a la même, c'est lui, elle court vers lui, elle pensait justement à lui. »
Elle imagine choses et les gens vibrer à l'unisson de son bonheur, les perçoit au travers du filtre de sa joie, telle cette femme de charge qu'elle voit comme une fée : « Quand elle parle on entend des clochettes, des barcarolles et l'on voit des rubis, des cascades. 

Le retour à Paris, dans la réalité, n'est pas simple. Toni semble la fuir. Homme établi, il jalouse la liberté supposée de Corinne la harcèle de questions sur des amants qu'elle n'a pas. Ils communiquent par téléphone. Il se dédie entièrement à sa musique. Parle de leur relation du printemps, crée de l'espoir chez Corinne. Mais leur relation se délite. Elle, tente de se raccrocher à lui, puis de guerre lasse, revoit ses anciens amis, Baptiste et Jean. Elle n'a plus que ses études pour survivre.
« Mais Toni, Toni pour Corinne est beaucoup plus difficile à comprendre qu'un cours. Elle n'est plus qu'une souffrance dans une cage de mots. »
Commencée au printemps, leur relation atteint difficilement l'hiver. L'année 1979 va s'achever. Un monstre tapi dans l'ombre guette les amants du monde entier et ne leur permettra plus jamais de s'aimer en liberté.
« Amours vos mets âcres et salés , bien bête qui les boude car le temps file, file. »
Merci aux éditions de la Chambre au Loup et à Babelio pour ce roman offert lors de la dernière masse critique.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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Corinne, 20 ans. le lecteur va suivre son itinéraire du printemps à l'hiver d'une année charnière. La dernière d'une décennie d'importance, celle des seventies. L'ultime des trente glorieuses. Davantage que la simple bascule d'un an sur le calendrier. Tant années se referment sur un bilan riche et fécond, ouvrent des espoirs en aval. Pénétrer dans les 80's à cet age là c'est pourtant dire adieu à tout ce qui précède en raison de ce qui peu à peu menace ... Alors, si en plus, le destin personnel s'en mêle, la rencontre de trop par exemple ...

Corinne va clore ses seventies de bien triste manière et aborder les 80's le bleu à l'âme, cabossée et meurtrie … Et pourtant, pour elle, tout avait si bien commencé.

Dans « Camarillo », jeune étudiante parisienne au coeur des seventies, elle rencontre, aborde et séduit un trompettiste de jazz de renommée internationale, Toni Camarillo, alors qu'il se produit dans une des caves étroites et sombres, enfumées et fébriles de la capitale, là où s'agite le genre du crépuscule à l'aube.

Lui, la quarantaine éblouissante sous les feux de la rampe ; elle, dans sa propre vie, encore un peu étonnée de ce qui l'entoure, rapidement subjuguée, aimantée, irrésistiblement attirée … déjà prisonnière de ses sentiments et de l'ambiguïté de ceux que lui propose le jazzman. L'amour est, entre eux, bientôt passionnel d'un côté et indéfini de l'autre ; en demande utopique d'exclusivité pour elle, d'amusement ponctuel violemment épidermique pour lui (le bénéfice du doute lui profitant néanmoins quand me concernant c'est une ordure). Il lui cache mal son sens des priorités : sa carrière d'abord, ses concerts, ses enregistrements, le monde à ses pieds. Corinne est en devenir social ; Toni, plus âgé, est déjà établi, sans autre avenir que celui qu'il s'est déjà créé et qu'il veut conduire à son apogée. Il l'emmène dans des restaurants où la carte des menus donnée aux femmes n'affiche pas les prix. L'itinérance du trompettiste de par le monde, contractuelle et inévitable, n'arrange rien. Corinne y suspecte des liaisons discrètes avec d'autres femmes comme celles qu'entretiennent les marins dans tous les ports du monde. Leurs rencontres sont de raccroc, toujours à l'initiative de l'homme. le téléphone, longue distance ou pas, ne remplace pas la chair et ses étreintes. Corinne traine rapidement son blues le long des rues parisiennes d'une longue nuit d'été, s'offre des vacances en solitaire à Sienne, en fallacieux pèlerinage d'un autre qu'elle-même, là où son jazzman fit son école de musique avant qu'ils ne se connaissent. Rien d'autre ne compte à ses yeux que cet amour qui marque le pas, vit de longues absences et de brèves rencontres, de mensonges … la suite appartient au récit.

« Camarillo » est le roman initiatique d'une jeune fille confrontée aux masques de l'amour derrière les mots habiles et les actes trompeurs ; c'est un roman boomerang alors que se frottant à la désillusion elle rebrousse chemin, forcée et contrainte, pour retrouver une stabilité sentimentale plus rassurante mais aussi plus terne. Quatre amants successifs. La normalité trop routinière et envahissante d'un premier, la bisexualité qu'elle admet mal d'un second, la distanciation hédonique et nombriliste d'un troisième (Toni se met en scène avant l'acte de la même manière qu'il se présente à son public), l'homosexualité distancée mais salvatrice d'un dernier.

Au coeur des seventies libérées du poids de la morale ciblant la sexualité, détachées de la crainte de certaines maladies, rayonnait la naïveté de celles et ceux qui pensaient que l'on pouvait impunément mêler la chair et le coeur. Il est si difficile de trouver un équilibre entre l'apaisement des sens et l'emballement des sentiments. L'air du temps n'y fait quelques fois rien.

Dominique Sels ne fait pas dans la bluette eau de rose mais cible souvent crûment les accrocs de la passion, la miscibilité souvent imparfaite du coeur et de la chair. C'est coquin, c'est poète, c'est imagé et cru, symbolique, onirique et réaliste. Il faut du temps pour s'imprégner de la prose embarquée, en comprendre les mécanismes ; mais au final, peu à peu s'habituant à la manière d'écrire, pointe une héroïne attachante et vraie, pudique et sans fard.

« Camarillo » est l'histoire d'un instant suspendu entre un présent moisi et un futur espéré qui ne viendra pas, d'une parenthèse temporelle en impasse, empreint d'un blues profond et amer, entre attente et résignation, entre espoir et désillusion, entre auto-culpabilité et mise en procès de l'autre.

A mi-lecture, au coeur des pages qui défilaient, au sein des images et impressions qui peu à peu s'installaient, m'est revenu en mémoire une scène mythique d'« Ascenseur pour l'échafaud » de Louis Malle (1958), pour des raisons qui n'appartiennent ni à son intrigue policière ni à Miles Davis qui en interpréta la bande-son, si ce n'est qu'il le fit à la trompette jazz. Scène durant laquelle le spectateur suit, peiné et incapable d'aider, la mélancolie et l'errance au hasard des rues de Jeanne Moreau (comme le fait Corinne dans le roman, y compris en entrevoyant sa voiture au loin) à la recherche de son amant évaporé dans le grand nocturne parisien. On la trouve, sur le net, couplée à cette autre (issu du making-of) où pour peindre la scène de notes destinées à la bande-son le trompettiste y va d'une impro inspirée qui fera le tour du monde. Les deux héroïnes, celle de Dominique Sels et celle de Malle sont, à cet instant précis, si proches l'une de l'autre, dans leurs solitudes, dans leurs incapacités à réagir, à trouver solutions sinon en confiant les réponses au hasard. L'avant, de l'une et de l'autre, est bien différent, certes, mais le contrecoup est identique. L'actrice, sous l'oeil du réalisateur, fige son malaise sur son visage et dans son regard sous les lumières de la ville et le chahut des rues. Dominique Sels le fera de mots sous les notes plaintives, là aussi, du jazz de Toni. La situation est différente, des images de l'un aux phrases de l'autre, mais pas tant que çà. Il y va de la même ambiance feutrée, de la même intimité de femmes amoureuses et déstabilisées. J'y ai trouvé les mêmes échos d'un jazz en clair-obscur, comme en noir et blanc des images vers les mots. le monde de Corinne devient triste, sans espoir, étranger et si lointain sous le poids d'un drôle d'amour qui mord et ronge.
Lien : https://laconvergenceparalle..
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Tout d'abord un grand merci à Babelio et aux éditions de la Chambre au Loup pour m'avoir permis la lecture de ce roman dans le cadre d'une opération Masse Critique.
"Camarillo : Adios les seventies" est roman initiatique dans lequel une jeune fille découvre la passion amoureuse ainsi que les joies et les peines qui l'accompagnent. L'action du roman se situe dans la dernière année de ces mythiques 70' où tout ou presque tout était permis.
Une jeune fille quelque peu romantique et un goujat de la pire espèce qui ferait les délices de metoo de nos jours , le tout dans une écriture poétique coupée de moments qui se veulent crus et osés et qui paraissent bien sages aujourd'hui.
Je n'ai pas réellement accroché à l'histoire , n'ayant ressenti aucune empathie pour les personnages . Je trouve Corinne quelque peu niaise pour l'époque et Toni à la limite de la caricature. Ceci dit la lecture est agréable mais c'est un roman qui ne me laissera pas de grands souvenirs.
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Nous sommes façonnés par les rencontres que la vie met sur notre chemin. Pour le meilleur comme pour le pire…

Nous sommes à l'aube des années quatre-vingt. C'est le printemps à Paris. Corinne est orpheline, poursuit des études à la fac financées par une bourse et vit dans une chambre dont elle a hérité sur la rive gauche.

Elle fréquente Baptiste, qui ne refuse aucune étreinte sauf celle des sentiments. Il n'est pas très à l'aise avec l'idée de montrer son affection. Il semble pourtant épris de son colocataire, Jean, un bel adolescent impertinent. L'air du temps est à l'amour libre et détaché.

Puis vient la rencontre bouleversante, le feu dévastateur, Camarillo, trompettiste de jazz d'au moins deux fois son âge.
L'atmosphère va rapidement devenir étouffante et la nonchalance du début va céder la place aux tourments les plus cruels. Il joue avec elle comme un chat avec une souris. Il s'amuse, il l'abuse. Elle n'y comprend pas grand chose. le printemps aura été bien éphémère et les saisons suivantes, que nous suivons jusqu'à atteindre la dernière nuit de 1979, capiteuses de soufre, resteront à jamais gravées en elle.

La plume de Dominique Sels est poétique et sa façon d'écrire m'a fait penser à un appareil Polaroïd. Une série de flashs décrivant son environnement et ses pensées intimes. J'ai beaucoup aimé.
Par contre, j'ai développé une hostilité envers ce personnage qui prend sans aucun égard, qui tourmente et maintient une emprise violente même à distance. C'était difficile d'être le témoin de ce saccage humiliant qui s'éternisait au fur et à mesure des mois qui passaient. Je cherchais la porte de sortie mais je ne voyais pas la lumière.
Un livre qui ne m'a donc pas laissée insensible.

Mes remerciements à Babelio et son opération Masse Critique ainsi qu'aux Éditions de la Chambre au Loup pour m'avoir offert cette lecture.
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Autant j'avais trouvé "La petite maîtresse"un peu trop cérébral et m'étais quelque peu ennuyée, autant il aurait été dommage que je passe à coté de Camarillo. Ce roman (récit autobiographique) m'a littéralement happée, transportée dans son sillage de chair, d'amour, de sensualité, de sincérité, que ce soit le fond ou la forme. le verbe est puissant, imaginatif, voire baroque, même si certains passages sembleraient mériter un peu plus de sobriété, ce qui ne nuirait en rien à l'ensemble. Une jeune étudiante en mathématiques vit à la fin des Seventies comme à peu prés toutes les filles de son âge, plus ou moins avec des amants-amis. Corinne aime Baptiste, du moins ils s'entendent bien, puis arrive une tierce personne, Jean colocataire de Baptiste qui en tombe amoureux. le décor est planté. C'est alors que Corinne découvre la passion amoureuse absolue pour un musicien de Jazz, de 20 ans son aîné. Pour ainsi dire elle se jette dans se bras, de crainte qu'il ne passe à coté d'elle , d'un amour , de l'amour avec un grand A. Qui n'a pas connu le coup de foudre ne sait pas ces choses-là. On pourrait voir dans cette affaire l'initiation d'une jeune fille par un homme plus âgé. Je me trompe peut-être, mais je crois qu'il s'agit de la rencontre entre deux êtres faits pour s'aimer, qu'elle l'initie autant que lui le fait. Toutefois le musicien Toni, est marié, marié sous serment avec la musique, il ne peut assumer 2 passions. Ce n'est pas pour défendre sa muflerie, mais cela explique à mon sens ses éloignements, ses retours, sa jalousie, ses coups de téléphone pour rester malgré tout en contact avec Corinne. Les descriptions de la douleur amoureuse sont des phrases coup de poing dans le coeur ou l'estomac, fulgurantes. Corinne finit par retrouver Baptiste et Jean avec lesquels elle peut parler de tout. Une happy end entre guillemets , Corinne et Jean se consolent tous deux fin 1979, dans la tendresse et le respect mutuel, non sans avoir philosophé auparavant sur les relations amoureuses. La jeune fille part pour l'aventure de sa vie de femme. Je termine ma critique me disant qu'elle est un peu fade par rapport au ressenti à la lecture de Camarillo.J'en suis encore toute imprégnée. A découvrir ou à redécouvrir absolument.
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Livre reçu par une opération masse critique de Babelio.

Ce roman n'est clairement pas fait pour moi.

J'en suis à presque 90% de lecture.
Je vais la terminer par respect pour l'autrice et le roman.
Si mon ressenti évolue d'ici la fin, je reviendrai sur cet avis.

Je n'arrive pas à comprendre les pensées de l'héroïne Corinne, qui s'auto-enferme dans une relation sans avenir (Complexe de Pygmalion ? Non cela ne correspond pas.).
Même les acteurs de 2nd plan (Jean par exemple) reproche à l'héroïne de "romantiser" sa pensée.

D'après la 4ème de couverture, le récit devait devenir "scabreux".
Nous en sommes bien loin !

J'ai vécu (même pré-ado/ado) la libération sexuelle post 68'arde, de la contraception et de l'amour libre.
Avant la "génération SIDA", bien sûr.

Elle ose les mots "banane" pour son sexe en érection, de pseudo priapisme, de fontaine pour le désir féminin, de chatte, de fourrure...
Oui elle a une relation sexuelle (à son insu) avec un Baptiste bi-sexuel avec une préférence de coeur pour l'homosexualité

Elle parle de mono-amour, de fidélité, or la période était au polyamour et aux expériences sexuelles.

Bref, je n'ai pas (pas encore ?) lu un roman conforme à ses prétentions.

Trop de conservatisme et une description des sentiments de l'héroïne à laquelle je n'adhère pas.
Peut être que ma féminité (je suis un homme) n'est pas suffisamment développée.

Je ne vous déconseille donc pas cette lecture, je constate juste qu'elle n'est pas faite pour moi.

Quant au style il est fluide (voire poétique) mais l'histoire boucle (enfin c'est juste mon ressenti).

Livresquement votre.
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Dominique Sels a écrit ce roman pour la première fois en 1979 , probablement après avoir vécu cette histoire d'amour torride avec un génial trompettiste de jazz , Toni Camarillo ( qui n'est pas son nom véritable , on s'en doute un peu) .
En définitive , le roman a été publié pour la première fois en 2007 , puis à nouveau maintenant .
Corinne vit en colocation avec Baptiste et Jean , rue de Buffon . Elle a une liaison avec Baptiste , puis c'est Baptiste qui tombe amoureux de Jean .
Autant dire que la liberté sexuelle règne ! Un soir , ils vont au Riverbop , une boîte de jazz , et , là , c'est une révélation pour Corinne , elle flashe complètement sur ce trompettiste qui a pourtant la quarantaine bien sonnée (elle n'a que 20 ans ) . C'est aussi une rencontre musicale , jamais elle n'a été auparavant autant emportée par cette musique qui se renouvelle sans cesse .
Le musicien cède très rapidement au charme de cette jeune femme , on a l'impression qu'il l'aime , mais c'est avant tout une relation charnelle , surtout une recherche crue du plaisir .
En réalité , Camarillo a un peu peur de cette relation , il craint qu'elle ne prenne le pas sur son travail de création , son art est ce qui le motive avant toute chose . Il ne veut pas s'engager .
"Il n'est content que lorqu'il jouit ou qu'on l'applaudit" .
Pourtant , Corinne fait tout son possible pour gagner son coeur . "Corinne est une braise qui brûle d'amour . Toni a paru et le monde n'était plus que la ligne droite allant à lui ". Mais Toni fait corps avec son art , voilà tout .
Adios les seventies est un merveilleux roman d'apprentissage , avec un délicat parfum de nostalgie et d'inaboutissement . On aurait aimé (le lecteur) que cette belle histoire ne s'arrêtât jamais , mais les histoires d'amour finissent mal en général (je paraphrase ! )
On peut surtout parler de mélancolie pour ce roman : derrière ces histoires d"amour charnel , il y a le regret de cette époque où tout était permis , on pouvait changer d'amant ou d'amante comme on voulait , le Sida paraissait encore bien loin . Il y a évidemment une grosse part de désenchantement , c'est du moins ce que j'ai ressenti , un peu comme une vilaine gueule de bois après une fête bien débridée et ... réussie .
Un grand merci à Babelio et aux Editions de la Chambre au Loup pour ce roman .
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