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EAN : 9782952845106
296 pages
Chambre au Loup (30/05/2007)
3.38/5   12 notes
Résumé :
Une jeune femme libre, un homme moqueur, un roman brutal et sensible. Camarillo, Adios les Seventies est notable par sa prose poétique, puis scabreuse, peignant la cruauté des années 1970.
Dominique Sels écrit ce premier roman en 1979 à l'âge de dix-neuf ans, alors qu'elle vient d'obtenir une licence en mathématiques. Les mœurs étaient très libres, le langage cru, les personnages n'avaient de compte à rendre à personne. Tout cela en fait non seulement un rom... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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«  Chacun de nous est une architecture d'amour » .
«  On marche , on marche et la terre s'ouvre devant soi, comme tranchée par un couteau . Car les vagues de souffrance , invisibles , acérées , puissantes , laminent les terres , se multipliant sur le chemin, rendant difficile l'excursion » ..

Deux extraits de ce roman sensuel , initiatique, d'une jeune fille confrontée à la passion, aux emballements et aux désordres de l'amour .

C'est l'histoire vibrante d'amour charnel, de découverte , d'espérance et de déchirement , un festin de jeunesse, d'amour et d'eau fraîche : «  Amours , vos mets âcres et salés , bien bête qui les boude car le temps file , file » …pour Corinne , vingt ans , orpheline de père , il était chirurgien, elle se consacre à ses études de mathématiques dans une université parisienne .

Nous allons la suivre entre passions et désillusions , de celles qui transforment en «  épaves » sauf le bonheur de réussir ses examens .

La dernière année des «  Seventies » une année charnière en 1979, du printemps à l'hiver , on va la suivre , elle a pour amant Baptiste , amoureux de Jean, son colocataire …

En se rendant à un concert Corinne rencontre un musicien de jazz, Toni , âgé de quarante - quatre ans , il a déjà été marié . Il se produit au Riberbop du Saint - André des Arts , Baptiste et Corinne s'y rendent : en ignorants …

C'est un musicien établi, il réalise des musiques et des films , il exprime toute sorte de nuances avec sa musique .
Il est perturbé , sombre, passionné , un peu ténébreux , ambigu, mufle, tourmenté , jaloux de la liberté supposée de Corinne, la possède debout avec violence , «  Les mains de Toni soulèvent, ouvrent , cherchent » ..puis petit à petit l'assigne à une espèce de prison mentale , en elle il sème l'expérience vaine, la douleur vraie …
«  Toni m'a prise pour son vide - ordures . Il désire détruire , Toni » tel un sadique .
Leur relation se délite ,il la harcèle de questions , ne désire pas vivre à deux, l'humilie et l'étire au téléphone , il fait ce qu'il veut d'elle , un jouet, une fille en filigrane .
Il entend sa tristesse , lui dit qu'il n'a jamais rien compris aux femmes.
Ils n'ont été amants qu'une brève saison.
Corinne , elle , si rieuse , si chatte, à la nature simple , affectueuse , démonstrative , juvénile , riche, aux côtés de Baptiste, si curieuse des hommes, , communiquera avec Toni , uniquement par téléphone .

Il croit , suspicieux et mufle , qu'elle fait l'amour avec tout le monde.

Elle part en Italie : l'eau du lac majeur n'est autre que ses larmes .
Elle revoit Baptiste , son ami, frappé par l'amour pour Jean.

Puis évoque avec Jean, sa souffrance pour Toni , son ancien amant musicien qui l'avait invitée à ses concerts .

L'hiver 1979 va s'achever : quelque chose d'effrayant , mortel, arrive , qui va faire des ravages chez les amoureux , les amants et les amantes .

Les années 70 prennent fin, un cycle où tout était permis , on pouvait changer d'amant ou d'amante si on le désirait , le sida paraissait très loin.

«  Au début, on va loin, va très loin, puis vers vingt ans , on va jusqu'à la fin de l'amour et on n'en revient pas » …
Le roman ne fait pas dans l'eau de rose : c'est cru, charnel , coquin , visuel et imagé ,pétri de poésie , d'entrain charnel et de rage , de bonheur scintillant , d'attention mutuelle , malgré la peine accompagné deux poèmes de Gérard de-Nerval.

«  Amours , vos mets âcres et salés, bien bête qui les boude car le temps file , file » …..
Plaisirs , désirs, mélancolie, initiation , désenchantement, incompréhension , silences lourds , derrière l'amour charnel s'expriment les regrets d'une époque bénie, insouciante , qui se meurt ..

Un très beau livre agréable à découvrir , à l'écriture fulgurante , tout en nostalgie …
Je remercie chaleureusement Masse critique et Babelio pour l'envoi de cet ouvrage première de couverture : «  le Minotaure caressant du mufle la main d'une dormeuse »Pablo-Picasso .
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Il y a certains livres, je dirais la majorité d'entre eux, où vous savez d'emblée, sans aucune hésitation ni doute, si vous avez affaire à une oeuvre d'importance, de qualité ou tout simplement un bon ou honnête bouquin, et évidence des évidences... celui que vous n'auriez jamais dû commencer et que vous vous empressez de refermer à peine ouvert et de remiser dans la malle étiquetée : "tri sélectif"...
Celui dont je vais essayer de vous dire quelques mots appartient à la catégorie des casse-tête, ceux qui suscitent l'interrogation, font naître la perplexité, vont jusqu'à remettre en cause votre longue expérience de lecteur.
- Camarillo, adios les seventies - est CE bouquin qui ronge ce qui vous reste de neurones littéraires après tant d'années passées à tourner des dizaines de milliers de pages, bien empoigné au gouvernail de vos certitudes de bibliophile ayant fait dix mille fois le tour du monde en moins de quatre-vingts ans mais en plus de soixante...

À quel OVNI ( Oeuvre à Valeur Notablement Imprécisable ) ai-je été confronté en suivant les aventures de jeunesse de Dominique Sels alias Corinne ?
C'est ce que je vais tâcher de vous expliquer.

Nous sommes à la fin des seventies, comme le titre l'indique, et plus précisément dans les trois derniers trimestres de l'année 79.
Vous dire que je m'y sens à mon aise, c'est le moindre ; j'ai 26 ans lorsque l'histoire débute.
Corinne, elle, en a 20.
Elle vient de quitter un amant de passage pour renouer avec Baptiste, un intellectuel oisif, "de mon âge", qui partage son appart' avec Jean, un beau gosse dont il est amoureux.
Donc, en entrée, le décor ( je fais comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre, car dans ce roman, l'auteur, comme des discalies, donne par instants dans des parenthèses ce qui pourrait être interprété comme des indications de jeu ), c'est Corinne, 20 ans en licence de maths ( terme générique ) à Paris, partageant son temps amoureux rue Buffon entre Baptiste, en rupture d'études, et Jean... plus ou moins artiste, plus ou moins parolier, bohême à temps complet.
Un triangle amoureux... Corinne a déjà eu l'occasion de faire connaissance du corps de Jean... et versa dans le vice...(mauvaise blague ), qui vit une vie "libre", héritage de Mai 68, des hippies, de la beat generation, des communautés, du partage, du libre-échange globalisé mais non mercantile, de la pilule, des trips vertigineux avec descente où le Soleil ne Domine pas toujours, où l'on se doit de toucher à tout et où il est surtout interdit d'interdire.
La relation entre Corinne et Baptiste n'est pas chaude brûlant(e).
Elle vient à prendre un coup de surgelé lorsque Corinne apprend l'amour de Baptiste pour Jean.
Elle qui avait refusé à son ex-amant, celui qui avait précédé Baptiste, d'aller un soir écouter du jazz, accepte cette fois l'invitation de se rendre au "Riverbop", une boîte où se produit un trompettiste de free jazz de renommée, un certain Toni Camarillo.
À la vue de l'homme et à l'écoute du musicien, c'est le coup de foudre en accords majeurs.
Lui a quarante-quatre ans, elle vingt.
La passion est violente, inégale, déséquilibrée et déséquilibrante.
Entre eux, c'est je t'aime moi non plus, c'est le jeu du chat et de la souris, c'est jouir sans entrave, c'est le feu follet où celle qui se brûle les ailes est naturellement Corinne la luciole, c'est l'amour à mort, c'est l'oralité polysémique et la transmission.
Comme à mon habitude, je vous laisse découvrir le reste...

Je me suis retrouvé dans cette année 79 qui sent le vécu et ne magnifie ni ne trahit ce que fut cette fin de décennie.
Ce quatuor, ce quartet m'en a rappelé d'autres, et l'expérience de Corinne fait écho à mon ou à des vécus de ces années-là.
Là où j'ai buté, c'est sur les qualités de plume de Dominique Sels.
À trop vouloir briller, l'alchimiste qu'elle est finit parfois par transformer l'or en pacotille et à payer le lecteur en monnaie de singe.
De même qu'à trop cérébraliser, trop intellectualiser son propos, on finit par le banaliser, voire le caricaturer ; le mécaniser au point de l'exsanguer et de le vider de ses émotions les plus essentielles.
Et pourtant, Dieu sait si cette plume est capable de fulgurances.
"Bien sûr, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, la chambre de Baptiste n'avait rien de formidable. Pourtant elle offrait le premier luxe auquel on aspire à deux : le sentiment qu'un îlot de tranquillité brille davantage que le reste du monde. Quelque chose nappe le monde d'une brume qui le rend léger, poudroyant, riche de victoires prochaines. Dans la vision de deux êtres enlacés, le monde recule pour mieux renaître."
Plutôt "chouette", non ?
Mais il y a nettement mieux. Ça, j'aime +++
"Qui n'est pas allé, jambes tremblantes, à celui qui l'attire quand le moment s'offrait, mérite-t-il seulement la pitié ? Cet être-là passera sa vie à sa fenêtre, insecte vitrifié, inventant une légende où il se fût levé et où il eût parlé, guettant pour l'éternité un visiteur tardif - son propre courage."
Belle lucidité, constat fort... qui m'a rappelé un peu celui d'Antoine Pol et de ses - Passantes -...
Et puis, comme le mentionne la quatrième de couverture, il y a dans cette histoire et dans cette plume une scabrosité indéniable, dont l'apogée se présente sous cette forme :
"-Je voudrais le faire à trois...
-Encore elle ?
- Elle nous regarde, assise...
- Non, ce n'est pas la peine, je ne suis pas si compliquée.
- Ou alors un chien. Tu n'as jamais vu les chiens ? Un chien avec toi. Tu n'as jamais vu deux chiens ? Ils vont si vite, c'est incroyable.
- Et tu trouves que c'est bien ?
- Ou alors un cheval.
- Non...
- Sais-tu comment ils font pour voir si une jument est en chaleur ? Avant d'amener l'étalon, ils font passer devant elle un percheron. Si la jument mouille, alors seulement on fait venir l'étalon.
- Et comment les hommes voient que la jument mouille ?
- Eh bien, le percheron bande énormément. Et la croupe de la jument se couvre d'écume..."
Ça me rappelle, de loin, le roman de Christiane Rochefort - le repos du guerrier - adapté pour le cinéma par Vadim et dans lequel Hossein se plaît à se faire mal et à faire mal à une Bardot qui continue envers et contre tout et tous, comme Corinne, à aimer son guerrier qui (s')l'humilie...
Vous me direz que c'est là une vieille antienne amoureuse, un vieux ressort romanesque et vous aurez raison. Mais ces antiennes et ces ressorts sont à l'image de la vie et de la comédie humaine dont on ne cesse de répéter l'avant-première, oubliant au passage que la générale est passée depuis longtemps et qu'on en est désormais déjà à la 700ème...
Ce roman autofictionnel est donc fait de ces hauts et de ces bas, de ces fulgurances et de ces clichés estampillés parchemins d'origine, de réflexions nourries et de commodités confortables, d'inventivité inspirée et de banalité quincriarde, de talent et de quête de "génie"... ou d'art...
D'où ma perplexité initiale.

Je remercie néanmoins Babelio et Masse critique de m'avoir permis de découvrir ce livre et son auteure.
Un merci également aux Éditions de la Chambe au Loup, laquelle ( maison ) a eu la délicatesse d'accompagner son envoi d'un petit billet plein de courtoisie.
Le lecteur ingrat que je suis va cependant s'autoriser deux critiques. Pas pour le plaisir de critiquer... mais dans une perspective de contribuer à "mieux faire"...
Que de coquilles dans cet ouvrage, que de coquilles dans une mise en page digne de l'autoédité que je suis... en particulier, les espaces, les intervalles entre les mots... et la ponctuation...!
Je suis désolé mais ma lecture s'est heurtée à ces "imperfections".
Je ne saurais vous dire si je recommande cette lecture ou pas. Elle a partiellement titillé ma nostalgie et je n'ai globalement pas été insensible à la virtuosité irrégulière de Dominique Sels. Pour le reste je demeure dans l'indéterminé...
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Je commencerai par remercier Babelio et les éditions de la Chambre au Loup pour m'avoir confié ce roman dans le cadre d'une opération Masse Critique.

Corinne, vingt ans en mille neuf cent septante-neuf (soixante-dix-neuf pur mes amis Outre-Quiévrain) est une jeune femme disciplinée. Orpheline de père, elle se consacre à ses études de mathématique dans une université parisienne. Passionnée, elle surfe encore sur la fin de vague de mille neuf cent soixante-huit, cette vague qui mourut contre l'écueil du SIDA quelques années plus tard, celle de la liberté sexuelle, celle de l'espoir de l'égalité homme-femme. Elle a pour amant Baptiste mais celui-ci est amoureux de Jean, son colocataire. En se rendant à un concert de jazz, Corinne à un coup de foudre pour Tony, un musicien de jazz de quarante-quatre ans. Celui-ci est ténébreux, passionné et perturbé, surtout par la différence d'âge entre lui et Corinne. Corinne existe dans sa vie après la musique et ce dernier l'enferme dans une sorte de prison sentimentale…

Le style est poétique, enrobé de belles phrases, riche en vocabulaire. Mais ce style rend la lecture fastidieuse. Nous nous promenons sur les états d'âme de la jeune Corinne, qui est sans doute l'avatar de l'autrice. le récit semble autobiographique, surtout qu'il colle assez fort à la biographie de l'écrivaine. Ce style, riche, peut-être un peu trop, empêche une lecture limpide de l'ouvrage. Je me suis souvent égaré, ne sachant plus si j'était dans la tête de Corinne ou de Tony, ou de Jean ou encore celle de Baptiste. Si le style est magnifique, le fond de l'histoire ne nous mène nulle part. Je me suis relativement ennuyé pendant cette lecture qu'à certains moments, je trouvais interminable. Corinne semble être l'axe d'un trio d'homme enfant, en recherche de l'amour ou du simple plaisir. Corinne aussi se cherche mais s'égare plus qu'elle ne se trouve. Orpheline de père, ne souffre-t'elle pas du complexe d'Electre et qu'elle serait à La recherche d'un père perdu trop tôt. Hélas pour elle, les hommes qu'elle fréquente semblent aussi à la recherche d'une amante qui serait à la fois maternelle. On pourrait penser aussi qu'à la lecture, la femme est à la recherche de l'amour absolu, qui serait le seul à lui faire atteindre l'extase alors qu'il serait si futile aux hommes qui pourraient l'atteindre sans s'encombrer d'amour. En cette fin de cette décennie de toutes les libertés, de cette décennie où la jeunesse voudrait enfin pouvoir vraiment en finir avec l'héritage de De Gaulle, celle juste avant « le changement », qu'elle est réellement la place d'une jeune femme dans cette société encore trop patriarcale. Est-ce qu'en cherchant la liberté, les jeunes femmes de cette période ne se rendaient pas d'avantage prisonnières du joug des mâles ? Bref, pour le style poétique, c'est un merveilleux roman, pour le récit, je trouve que soit je suis passé à côté, soit je ne me suis jamais emballé ni rentré dedans. Enfin, j'en ai juste une option partagée et côté nostalgie, de ces années là, je n'avais que dix-sept ans en mille neuf cent-quatre-vingts et je ne peux affirmer en garder un souvenir impérissable.
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Dans la postface de ce roman attachant, plein de nostalgies tendres, l'auteur écrit : « Plus de vingt-cinq ans ont passé sans que je m'en aperçoive, ou plutôt quand je relis ce roman, c'est pour moi si vivant que l'intervalle s'efface. »

En 1979, Rue de Buffon, Baptiste et Jean partagent une chambre. Corinne « est assez attaché à Baptiste et prendrait goût à la fidélité, quand lui a la liberté pour première maîtresse. »
Ils vivent à la façon d'un Douanier Rousseau au jardin des Plantes, « Là dans ces allées sages il voyait trois feuillages et peignait une jungle. »
« Ce sont des gens assez bénins en fin de compte. (…) ils s'inclinent devant leur propre sensualité. »

Toni Camarillo est trompettiste de jazz. Il se produit au Riverbop rue Saint André des Arts et, au Riverbop, ni Corinne ni Baptiste « (…) n'y vont en amateurs, ils y vont en ignorants. »
De retour rue de Buffon avec Baptiste, Corinne est ailleurs, « Demain c'est lundi, demain sera à Toni Camarillo, à Toni Camarillo (…) elle ne veut pas rêver mais le voir. »

Avec des mots enchanteurs souvent symboliques, parfois crûs, Dominique Sels raconte l'histoire de ces deux personnages « La rencontre charnelle est un geste d'approche ou bien qui se propose d'oublier les situations ennuyeuses »

Entre Toni, le musicien établi, la quarantaine, qui fréquente d'autres personnes établies, qui réalise des musiques de films, côtoient des gens célèbres, dîne dans des restaurants où l'on donne aux femmes une carte sans les prix, et Corinne, l'étudiante en mathématiques dont la vie est toute entière dédiée à ses études, que peut-il se passer ?
Elle découvre une vie sans contraintes, « Du raisin en mai ! du saumon fumé ! Dit-elle la mise gourmande. »
Le sexe ? «Toni aime bien avoir métamorphosé Corinne en animal qui râle. »
L'amour ? « La ville est une aube qu'elle traverse, c'est près de lui qu'il fait grand jour.»
Le mariage ? « Assez vite Toni a invité des mots que les hommes ignorent ces temps-ci : le mariage, l'enfant. »

Corinne veut à tout prix revivre ce que Toni a déjà vécu, comme si cela était une assurance pour le futur. Elle décide de passer quelques jours à Sienne en Italie, là où Toni autrefois a suivi les cours d'une académie de musique.
Sont-ce des retrouvailles réelles ? En ces lieux hantés par Toni, elle fuit la réalité, se réfugie dans le rêve « Corinne arrive à la gare. Une voiture s'arrête, elle connaît cette voiture, Toni a la même, c'est lui, elle court vers lui, elle pensait justement à lui. »
Elle imagine choses et les gens vibrer à l'unisson de son bonheur, les perçoit au travers du filtre de sa joie, telle cette femme de charge qu'elle voit comme une fée : « Quand elle parle on entend des clochettes, des barcarolles et l'on voit des rubis, des cascades. 

Le retour à Paris, dans la réalité, n'est pas simple. Toni semble la fuir. Homme établi, il jalouse la liberté supposée de Corinne la harcèle de questions sur des amants qu'elle n'a pas. Ils communiquent par téléphone. Il se dédie entièrement à sa musique. Parle de leur relation du printemps, crée de l'espoir chez Corinne. Mais leur relation se délite. Elle, tente de se raccrocher à lui, puis de guerre lasse, revoit ses anciens amis, Baptiste et Jean. Elle n'a plus que ses études pour survivre.
« Mais Toni, Toni pour Corinne est beaucoup plus difficile à comprendre qu'un cours. Elle n'est plus qu'une souffrance dans une cage de mots. »
Commencée au printemps, leur relation atteint difficilement l'hiver. L'année 1979 va s'achever. Un monstre tapi dans l'ombre guette les amants du monde entier et ne leur permettra plus jamais de s'aimer en liberté.
« Amours vos mets âcres et salés , bien bête qui les boude car le temps file, file. »
Merci aux éditions de la Chambre au Loup et à Babelio pour ce roman offert lors de la dernière masse critique.
Lien : https://camalonga.wordpress...
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Corinne, 20 ans. le lecteur va suivre son itinéraire du printemps à l'hiver d'une année charnière. La dernière d'une décennie d'importance, celle des seventies. L'ultime des trente glorieuses. Davantage que la simple bascule d'un an sur le calendrier. Tant années se referment sur un bilan riche et fécond, ouvrent des espoirs en aval. Pénétrer dans les 80's à cet age là c'est pourtant dire adieu à tout ce qui précède en raison de ce qui peu à peu menace ... Alors, si en plus, le destin personnel s'en mêle, la rencontre de trop par exemple ...

Corinne va clore ses seventies de bien triste manière et aborder les 80's le bleu à l'âme, cabossée et meurtrie … Et pourtant, pour elle, tout avait si bien commencé.

Dans « Camarillo », jeune étudiante parisienne au coeur des seventies, elle rencontre, aborde et séduit un trompettiste de jazz de renommée internationale, Toni Camarillo, alors qu'il se produit dans une des caves étroites et sombres, enfumées et fébriles de la capitale, là où s'agite le genre du crépuscule à l'aube.

Lui, la quarantaine éblouissante sous les feux de la rampe ; elle, dans sa propre vie, encore un peu étonnée de ce qui l'entoure, rapidement subjuguée, aimantée, irrésistiblement attirée … déjà prisonnière de ses sentiments et de l'ambiguïté de ceux que lui propose le jazzman. L'amour est, entre eux, bientôt passionnel d'un côté et indéfini de l'autre ; en demande utopique d'exclusivité pour elle, d'amusement ponctuel violemment épidermique pour lui (le bénéfice du doute lui profitant néanmoins quand me concernant c'est une ordure). Il lui cache mal son sens des priorités : sa carrière d'abord, ses concerts, ses enregistrements, le monde à ses pieds. Corinne est en devenir social ; Toni, plus âgé, est déjà établi, sans autre avenir que celui qu'il s'est déjà créé et qu'il veut conduire à son apogée. Il l'emmène dans des restaurants où la carte des menus donnée aux femmes n'affiche pas les prix. L'itinérance du trompettiste de par le monde, contractuelle et inévitable, n'arrange rien. Corinne y suspecte des liaisons discrètes avec d'autres femmes comme celles qu'entretiennent les marins dans tous les ports du monde. Leurs rencontres sont de raccroc, toujours à l'initiative de l'homme. le téléphone, longue distance ou pas, ne remplace pas la chair et ses étreintes. Corinne traine rapidement son blues le long des rues parisiennes d'une longue nuit d'été, s'offre des vacances en solitaire à Sienne, en fallacieux pèlerinage d'un autre qu'elle-même, là où son jazzman fit son école de musique avant qu'ils ne se connaissent. Rien d'autre ne compte à ses yeux que cet amour qui marque le pas, vit de longues absences et de brèves rencontres, de mensonges … la suite appartient au récit.

« Camarillo » est le roman initiatique d'une jeune fille confrontée aux masques de l'amour derrière les mots habiles et les actes trompeurs ; c'est un roman boomerang alors que se frottant à la désillusion elle rebrousse chemin, forcée et contrainte, pour retrouver une stabilité sentimentale plus rassurante mais aussi plus terne. Quatre amants successifs. La normalité trop routinière et envahissante d'un premier, la bisexualité qu'elle admet mal d'un second, la distanciation hédonique et nombriliste d'un troisième (Toni se met en scène avant l'acte de la même manière qu'il se présente à son public), l'homosexualité distancée mais salvatrice d'un dernier.

Au coeur des seventies libérées du poids de la morale ciblant la sexualité, détachées de la crainte de certaines maladies, rayonnait la naïveté de celles et ceux qui pensaient que l'on pouvait impunément mêler la chair et le coeur. Il est si difficile de trouver un équilibre entre l'apaisement des sens et l'emballement des sentiments. L'air du temps n'y fait quelques fois rien.

Dominique Sels ne fait pas dans la bluette eau de rose mais cible souvent crûment les accrocs de la passion, la miscibilité souvent imparfaite du coeur et de la chair. C'est coquin, c'est poète, c'est imagé et cru, symbolique, onirique et réaliste. Il faut du temps pour s'imprégner de la prose embarquée, en comprendre les mécanismes ; mais au final, peu à peu s'habituant à la manière d'écrire, pointe une héroïne attachante et vraie, pudique et sans fard.

« Camarillo » est l'histoire d'un instant suspendu entre un présent moisi et un futur espéré qui ne viendra pas, d'une parenthèse temporelle en impasse, empreint d'un blues profond et amer, entre attente et résignation, entre espoir et désillusion, entre auto-culpabilité et mise en procès de l'autre.

A mi-lecture, au coeur des pages qui défilaient, au sein des images et impressions qui peu à peu s'installaient, m'est revenu en mémoire une scène mythique d'« Ascenseur pour l'échafaud » de Louis Malle (1958), pour des raisons qui n'appartiennent ni à son intrigue policière ni à Miles Davis qui en interpréta la bande-son, si ce n'est qu'il le fit à la trompette jazz. Scène durant laquelle le spectateur suit, peiné et incapable d'aider, la mélancolie et l'errance au hasard des rues de Jeanne Moreau (comme le fait Corinne dans le roman, y compris en entrevoyant sa voiture au loin) à la recherche de son amant évaporé dans le grand nocturne parisien. On la trouve, sur le net, couplée à cette autre (issu du making-of) où pour peindre la scène de notes destinées à la bande-son le trompettiste y va d'une impro inspirée qui fera le tour du monde. Les deux héroïnes, celle de Dominique Sels et celle de Malle sont, à cet instant précis, si proches l'une de l'autre, dans leurs solitudes, dans leurs incapacités à réagir, à trouver solutions sinon en confiant les réponses au hasard. L'avant, de l'une et de l'autre, est bien différent, certes, mais le contrecoup est identique. L'actrice, sous l'oeil du réalisateur, fige son malaise sur son visage et dans son regard sous les lumières de la ville et le chahut des rues. Dominique Sels le fera de mots sous les notes plaintives, là aussi, du jazz de Toni. La situation est différente, des images de l'un aux phrases de l'autre, mais pas tant que çà. Il y va de la même ambiance feutrée, de la même intimité de femmes amoureuses et déstabilisées. J'y ai trouvé les mêmes échos d'un jazz en clair-obscur, comme en noir et blanc des images vers les mots. le monde de Corinne devient triste, sans espoir, étranger et si lointain sous le poids d'un drôle d'amour qui mord et ronge.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
«  Ce regard examine déjà le néant de la volupté . Il se creuse par intelligence du moment , il invite à s’absenter de soi- même .
À ce regard arrêté l’âme et l’esprit obéissent : quand on déboutonne les vêtements , la conscience , la pensée, tels des prisonniers bondissants, s’échappent du corps et disparaissent.
Seule la chair est accueillie , d’abord . » p18.
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- Je ne suis pas fermé à la passion, reprend Jean après cette longue pause. J’ai eu cette histoire, avec Cathy… Puis un jour, il fait calme, horrible et calme, on ne souffre plus, c’est lorsqu’on ne souffre plus pour un être que l’on souffre le plus, parce qu’on se retrouve seul… On reste sombre… (Jean se met à réciter :)

Et le souffle de l’espérance
Avait pénétré dans mon cœur
Mais le temps qu’en vain je prolonge
M’a découvert la vérité
L’espérance a fui comme un songe…
Et mon amour seul m’est resté !

Il est resté comme un abîme
Entre ma vie et le bonheur,
Comme un mal dont je suis victime,
Comme un poids jeté sur mon cœur !
Dans le chagrin qui me dévore
Je vois mes beaux jours s’envoler…


* Toni fait corps avec son art, voilà tout. Cette richesse-là, elle ne l’avait pas rencontrée encore.


* - Le musicien, en public, ne voit pas le public, observe-t-il encore. Le public est une femme jamais prise et toujours éprise, ajoute-t-il. Quand je joue, je jouis comme une femme. Ça ne s’arrête pas.
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Le festin de jeunesse est d'amours et d'eau fraîche. Amours, vos mets âcres et salés, bien bête qui les boude, car le temps file, file.

Pourquoi un jour a-t-on, auprès d'un être nouveau, cette impression que le monde vient de naître.
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Elle l'aime, elle a pris le pli, elle se déplie devant lui, elle se replie sans lui, il l'a prise pour une cocotte en papier.

La séparation d'avec Toni broie la conscience comme un accident broie le corps.
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Le plaisir, dans les premières années, on le manque. On le recherche avidement, il est rare, fugitif, fruit du hasard, semblable à ces balafres de couleur dans le ciel couchant. Des couleurs arrivent on ne sait d'où, voici du rose, du jaune éblouissant, ça part comme c'est venu, il n'y a nul chemin.
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