Voilà un livre dont j'ai longtemps remis la lecture à plus tard. Par ignorance de qui était l'auteur, le titre me faisait craindre un coupage de cheveux en quatre de type germano-pratin - galligrasseuil que j'ai souvent lu dans les années 90 : dois-je consacrer ma vie à l'écriture ou ne vaut-il pas mieux vivre pleinement (mes cocktails et mes parties de jambes en l'air) ?
En réalité, rien à voir, et je l'ai compris ces dernières années en en étudiant un extrait, et il aura fallu que j'apprenne la mort de l'auteur ce mois-ci pour me décider à lire l'oeuvre en question.
Jorge Semprun, un jeune espagnol Khâgneux, scolarisé en France au Lycée Henri-IV et engagé dans la Résistance est déporté à Buchenwald, non loin de Weimar, la ville de
Goethe. Cette proximité a un sens. Dans cette période où la vie était celle de la mort, où l'on vivait pleinement sa mort, où l'on mourait de manière si vive, les lettres, la pensée, la beauté de la langue étaient prégnantes. C'est sans doute ce qui surprend le plus quand on lit ce roman. Beaucoup de films sur les camps montraient les hommes et femmes installés dans la survie matérielle, ce témoignage montre que le quotidien était également fait du souvenir de la culture littéraire, philosophique, musicale, cinématographique ; il y avait une bibliothèque, dans ce camp ! Et c'est choquant.
(...)
Semprun évoque essentiellement les derniers instants du camp, l'agonie des derniers morts (Halbwachs auquel il récite du
Baudelaire, O mort, vieux Capitaine ! sur son lit de mort), un Juif hongrois chantant le Kadish oublié dans un baraquement rempli de cadavres, et une quantité d'images qui, en fait, reviendront comme des couplets, des refrains, tout le long du récit, une sorte de retour obsessionnel au cours de l'après-guerre, à ces moments, ces morts, ces moments de grâce, ces musiques, au cours de tentatives avortées pour écrire ce qui s'est passé. le choix est celui-ci : oublier pour pouvoir vivre, écrire pour se souvenir ou se souvenir en écrivant. La question se pose dès la libération des camps :
(...)
Après de longues années à tenter d'oublier (la métaphore de la neige !), après la mort de
Primo Levi, dont les récits lui furent une révélation sur ce qu'il ressentait lui-même,
Semprun nous livre ce témoignage unique de ce qu'apporte un écrivain au souvenir.
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