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On dit communément que notre vie défile en accéléré au moment du décès, dans cet entre-deux-mondes où le corps cède mais où l'esprit s'accroche en derniers flashs électriques.

Tequila Leila est morte, son corps martyrisé jeté dans une poubelle d'Istanbul.

L'astucieux montage narratif d'Elif Shafak la ressuscite par ces petites minutes où son enfance et sa destinée de femme devenue travailleuse du sexe nous sont racontées. Des réminiscences qui font apparaître peu à peu un personnage solaire, une belle âme subissant la cruauté de la société turque, l'obscurantisme et le patriarcat dans les familles, la brutalité des hommes. Une femme déterminée et courageuse qui a su s'entourer d'une nouvelle famille aimante, recomposée d'individus ostracisés: transsexuel, prostituée, chanteuse de bastringue...
Des indésirables qui vont braver les interdits pour donner sépulture respectable à une amie très chère et très regrettée.

Ce roman accroche l'intérêt et le coeur dès les premières pages. La narration est soutenue par une belle force romanesque, une histoire de vie implacable et désespérante éclaircie par les rencontres. Au travers des parcours, dans la peine et la douleur, d'individus attachants et décalés résonnent une bienveillance et une compassion envers autrui, mais aussi une dénonciation d'un système social écrasant.

Carton rouge pour les autorités turques qui ont décidé d'enquêter sur Elif Shafak pour obscénité, alors que son dernier roman pétri d'humanité est en passe d'être un succès d'édition*. La romancière avait déjà été dans le collimateur de l'Etat pour avoir reconnu le génocide arménien dans son roman La batarde d'Istanbul (2006)

*(sources: theguardian.com)
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J'ai été ravie de découvrir Elf Shafak car en ce qui concerne la littérature turque je ne connaissais vraiment qu'Orhan Pamuk dont j'adore le style et les romans.
J'ai apprécié cet ouvrage qui donne la parole aux laissées pour compte et qui le fait dans une langue intéressante, originale et colorée parfois. Cet ouvrage est multigenre et c'est toujours un bonheur de lire ce type de livres, qui sont difficiles à classer.
Un roman qui célèbre la femme, qui nous fait voyager en Turquie et revoir Istanbul dans d'autres circonstances, une mise en abyme particulièrement réussie.
Une intrigue fine et passionnante, une protagoniste, Leila, des plus attachantes, un ouvrage à la couverture sublime, que demander de plus ?
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J'ai été happée par ce livre que j'ai dévoré !! Des scientifiques auraient découvert que lorsque quelqu'un meurt, son cerveau reste en activité un certain moment, parfois même pendant plus de 10 minutes. Elif Shafak est parti de cette information pour en faire le thème principal de son roman.
Leila est morte. C'était une prostituée d'Istanbul et elle s'est fait tuer, c'est la quatrième qu'on retrouve morte, toutes tuées de la même façon...
Qu'est ce qui se passe dans le cerveau de Leila quand son corps meurt et que son âme quitte celui-ci. Pendant plus de la moitié du livre, on passe les minutes avec elle, plongée dans ses souvenirs, de sa naissance à son dernier souffle. Son enfance parfois douce et parfois très dure, sa vie pleine d'amour et de misère...
Elif Shafak nous plonge dans la Turquie entre les années 50 et 70, avec une touche de faits historiques et réels. L'écriture est superbe (traducteur : Dominique Goy-Blanquet) et l'histoire est captivante, bien que très difficile pour les protagonistes, malgré un soupçon d'humour ici et là .
J'ai adoré ce livre, j'ai aimé apprendre tout en lisant une histoire fictive. C'est une livre sur la misère et parfois la violence, mais c'est aussi et surtout un livre sur l'amour et l'amitié, à quel point il est important d'aimer !
Un gros coup de coeur !
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Istanbul, cité entre deux continents, bercée de lumière et baignée par la mer.

Tequila Leila y exerce le plus vieux métier du monde. Jusqu'à une tragique soirée où elle finira assassinée.

10 minutes et 38 secondes, c'est le temps qui lui reste entre le moment de sa mort biologique et la mort de son esprit.

Ce sera le moment pour elle de se souvenir. Des moments heureux, des mensonges, des cicatrices au corps et à l'âme. de cette vie brisée, illuminée néanmoins par l'amour et l'amitié.

Véritable plongée dans la cité d'Istanbul que nous propose Elif Shafak, oubliez cependant la ville touristique et venez découvrir plutôt ses bas-fonds.

La vie des reclus, des pestiférés de la ville : prostitués, travestis, réfugiés…

Difficile pour eux d'être accepté dans une société turque marquée par le patriarcat. D'une société dans laquelle l'honneur doit être sauvegardé avant tout, avant même la protection des victimes d'abus.

Pour autant, c'est une véritable famille de coeur qui s'agglomère autour de Tequila Leila. Une famille qui fera tout pour assurer sa dignité jusqu'à la fin.

Récit qui m'a fait passer du rire aux larmes au fil des pages et des histoires de ces laissés pour compte d'une dignité à toute épreuve.

En résumé, une très bonne lecture !
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Depuis qu'Elif Shafak écrit directement en anglais, ses lecteurs fidèles ont noté un léger changement de style, peut-être également lié aux traductions, mais rien de rédhibitoire ni susceptible de diminuer l'intérêt pour une romancière aujourd'hui considérée comme persona non grata en Turquie. Sa nostalgie d'Istanbul, de sa cuisine de rue par exemple, est palpable dans 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange, récit éclaté de la vie et la mort d'une fille d'Anatolie devenue prostituée sur les rives du Bosphore. Ombres et lumière sur la ville ottomane, le livre est avant tout un hommage à tous les déclassés de cette ville "liquide et féminine", ces parias qui finissent dans le cimetière des abandonnés, sans pierre tombale à leur nom. Roman épique et un brin chaotique, l'ouvrage commence par ces 10 minutes et 38 secondes pendant lesquelles son héroïne, assassinée, se remémore des instants de son existence à travers des souvenirs olfactifs, de l'enfance à sa vie de femme. le livre se termine par des épisodes tragico-comiques autour de la tentative de ses meilleurs amis pour lui offrir une sépulture décente. Comme toujours, en bonne alchimiste littéraire, Elif Shafak mélange les genres, à partir du réalisme magique, en passant par le burlesque et le drame. Sans oublier un aspect politique très fort, puisqu'en Turquie tout écrit l'est nécessairement, même si le roman évoque des révoltes du passé, dans les années 70, principalement. Les événements liberticides de l'époque, l'intolérance des autorités et la répression systématique de l'opposition , font évidemment écho à ce qu'il se passe aujourd'hui dans le pays de coeur d'Elif Shafak.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Si les grands moments de la vie, naissance, mariage, retraite, mort sont marqués d'une date précise, l'esprit met du temps à s'accommoder du nouvel état. Rien n'est aussi instantané. A l'instant t où le coeur s'arrête, il reste 10 minutes et 38 secondes pendant lesquelles les circuits cérébraux continuent à fonctionner. C'est dans ce monde étrange que nous croisons Tequila Leila, prostituée, assassinée et jetée dans une poubelle d'Istanbul. Au fil de ces 10 minutes 38 secondes, Leila convoque les moments importants de sa vie. Ces moments de l'enfance qui ont figé son destin, ces moments de rencontre avec cinq personnes, les cinq amis qui l'accompagneront au-delà de la mort.

Leyla Afife Kamike est née le 6 janvier 1947 dans la ville de Van. Sa vraie mère, Binnaz, seconde et jeune épouse du tailleur Haroun, est contrainte de donner son enfant à Suzan, la première épouse stérile. La vie de Leyla commence dans le mensonge, le silence qu'obligent les traditions et superstitions.

Quand, à seize ans, enceinte, elle annonce à son père avoir été régulièrement abusée sexuellement par son oncle depuis l'âge de six ans, ce dernier privilégie la sauvegarde de l'honneur à la défense de sa fille. Pour échapper à un mariage forcé, aidée par Sinan, son meilleur et seul ami, Leyla prend le bus pour Istanbul, ville de la liberté. Elle troque « le « y » de yesterday contre le « i » d'infini » et devient Tequila Leila. Jeune et naïve, elle est vendue à un bordel par un couple qui l'avait aidée à la gare.

« Cette ville la surprendrait toujours; des moments d'innocence se dissimulaient dans ses coins les plus sombres.»

Les rencontres avec Nalan, un ouvrier qu'elle retrouve des années plus tard en femme dans une prison, avec Jameelah, une africaine ayant fui son pays, avec Zaynab122, une naine adepte de tasséomancie, puis avec Humeyra, une chanteuse qui a fui un mari violent, sont des moments d'innocence et de grâce dans cette ville cosmopolite pleine de contradictions.

« Istanbul n'était pas une ville pleine d'opportunités, mais pleine de cicatrices. »

Leila y découvre aussi les rivalités politiques avec D/Ali, un étudiant trotskiste qui l'entraîne en mai 1977 sur la place Taksim où des snipers tirent sur une foule de manifestants. Istanbul est une ville de troubles et de chaos où le taux de criminalité est important.

Après une longue première partie intitulée L'esprit, qui balaie le passé de Leila, nous suivons avec le corps, l'action du groupe des cinq amis ; incapables d'accepter que le corps de leur amie, non réclamé par une famille qui l'a bannie, soit enterré anonymement dans le cimetière des Abandonnés.

Ce lieu, situé dans le village de Kilyos, près d'une station balnéaire existe réellement. On y enterre tous les non-désirés, les indignes, les non-identifiés, plus récemment les corps des migrants ramassés sur les plages, avec au mieux une planchette en bois portant un numéro.

Le groupe des cinq commence une folle aventure pour sauver l'âme de leur amie.

Avec ce roman, aux reflets d'Istanbul, Elif Shafak raconte l'histoire de la Turquie d'aujourd'hui. Superstitions, prophéties, croyances maintiennent les hommes sous contrôle. L'honneur, la religion contraignent les femmes à une soumission totale au pouvoir des pères ou maris. Leyla a grandi avec la honte et le remords, la culpabilité qu'on lui a ancrée dans la tête. « Istanbul, la ville où finissaient par aboutir tous les mécontents et les rêveurs » ne pourra l'en guérir. Fort heureusement, Elif Shafak, offre aux laissés pour compte la force de l'amitié.

Fidèle à son univers, Elif Shafak, nous offre une belle histoire de femme, bafouée par sa famille mais entourée de belles personnes dans une Turquie pleine de contrastes.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Avant de vous parler de ce livre, je dois vous faire un aveu : je ne m'étais jamais plongée dans la littérature turque. Je n'étais même pas capable de vous citer un auteur en particulier, je n'avais jamais parcouru de bouquins quel que soit son genre : policier, roman,… Honte sur moi!

C'est l'une des raisons qui fait que j'aime tant participer à des jurys littéraires. Oui, les lectures nous sont imposées. Et parfois, c'est vrai que cela semble rude, du fait que les livres peuvent être si éloignés de ceux qu'on lit habituellement. Par contre, parfois, c'est la surprise et encore mieux la très bonne surprise ! Et voilà c'est le cas pour moi avec ce livre « 10 minutes et 38 secondes dans ce monde étrange ».

Quel bonheur de faire une si belle découverte avec ce roman si sensible, touchant et poignant. Il sera définitivement l'un de mes coups de coeur de l'aventure du Grand Prix des Lectrices Elle. Même une fois terminé, il me hantera encore longtemps !

Plusieurs de mes copines collègues du jury du mois de mars connaissaient déjà l'auteure, Elif Shafak et étaient ravies d'avoir dans notre sélection « Roman » sa nouvelle oeuvre. Pour ma part, je n'ai pas osé le leur dire mais je ne la connaissais absolument pas. Par contre, une fois parcouru la quatrième de couverture de ce livre, elle a su titiller ma curiosité par son côté assez énigmatique mais aussi distiller l'envie de le lire.

Leila, prostituée à Istanbul, est tuée et son corps est balancé dans une benne à ordures. Alors que son coeur s'est arrêté, son esprit et son âme vivront encore durant 10 minutes et 38 secondes. Cela sera le temps mais aussi la dernière occasion de revenir sur quelques moments qui ont émaillé la vie de Leila, de comprendre ce qui l'a amenée là et finalement, de faire un petit bout de chemin en sa compagnie.

Selon moi, c'est un livre qui peut plaire à de nombreux lecteurs du fait qu'il s'apparente à divers genres littéraires. Pour les amateurs de polars, il peut se lire comme une enquête menée pour découvrir qui est l'assassin de Leila. Pour les fans de voyages, c'est l'occasion de se rendre en Turquie et surtout à Istanbul, ville à cheval sur l'Occident et l'Orient. Pour les historiens, ils ne seront pas laissés pour compte puisqu'il fera découvrir ou redécouvrir des événements réels et forts du 20ème siècle.

Ode aux femmes, à l'amitié mais aussi aux personnes laissées pour compte, le style d'écriture de l'auteure est élégant et le travail de traduction a été merveilleusement accompli rendant la lecture aisée et attrayante.

Il est très difficile de ne pas s'attacher au personnage de Leila, souvent maltraitée par la vie mais pourtant dotée d'une très grande force d'esprit et d'une obstination à toute épreuve. Il en est de même pour sa bande d'amis, personnages secondaires et pourtant, ô combien importants.

Vous l'aurez compris, c'est mon petit coup de coeur du mois. Je n'ai pas trouvé de points négatifs à relever, son héroïne Leila restant gravée longtemps en moi.

Lu dans le cadre du Grand Prix des Lectrices Elle 2020, sélection « Roman », pour le jury du mois de mars.
Lien : https://www.musemaniasbooks...
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Un roman qui, comme Notre Dame de Paris, donne la parole aux gens du peuple. Istanbul est à la fois belle et dangereuse dans l'ambiance de ce roman intense.
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Il y a longtemps que je veux lire Elif Shafak et découvrir un de ses romans alors j'ai sauté sur l'occasion avec la publication de son dernier roman 10 Minutes 38 Seconds in this Strange World. Il faut dire que le résumé est vraiment intriguant !

Leila vient de mourir et dans la première partie du roman, nous suivons les dix minutes qui suivent sa mort. Pendant 10 minutes, sa vie va défiler et elle va nous raconter ses souvenirs : son enfance, son arrivée à Istanbul, sa vie au bordel en tant que prostituée, sa rencontre avec ses amis…. Dans la seconde partie, on suit les gens qui ont connu Leila et qui se confie. C'est un beau portrait de femme que signe ici l'auteure.

Tous les personnages sont attachants : Leila bien sûr mais aussi tous les personnages qui gravitent autour d'elle. Leila est une jeune femme forte, naïve parfois mais tellement drôle et audacieuse. Elle m‘a fait sourire très souvent et je l'entends encore dire « Darling ». Son histoire est aussi parfois très touchante, notamment son enfance ou certains passages peuvent être difficiles.

Le contexte historique est très bien dépeint en arrière-plan de l'intrigue : en Turquie où j'ai appris beaucoup mais aussi le contexte international où l'on assiste à l'assassinat de Kennedy ou encore la lutte de Martin Luther King via Leila et les journaux d'époque qu'elle lit.

C'est aussi une autre vision de la Turquie. Quand je pense à ce pays, je suis très loin d'imaginer les bordels, les transsexuels… On sent une société bien complexe, où tradition et modernité s'opposent, Europe et Orient, Islamique et Athée.

Enfin je suis conquise par la très belle plume de l'auteure et la construction de ce roman qui comprends récit dans le récit et qui fonctionne à merveille. Cela m'a rappelé parfois les contes des 1001 nuits. Je lirai sans hésiter d'autres romans d'Elif Shafak car j'ai passé un excellent moment avec celui-ci.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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