La roulette chinoise : Argent, pouvoir, corruption et vengeance dans la Chine d'aujourd'hui

Contrairement aux oligarques russes, qui peuvent disposer librement de leur fortune s'ils font preuve d'allégeance au chef kleptocrate du Kremlin et n'oublient pas de lui graisser la patte, les milliardaires chinois doivent faire gaffe à leur patron Xi Jinping, qui après tout est secrétaire général du Parti communiste.

L'auteur, Desmond Shum né à Shanghai en 1968, sait de quoi il parle lorsqu'il il soulève la question de gros sous en Chine, lui même un magnat et son épouse Duan Weihong étant la femme la plus riche de l'Empire Céleste, bien qu'elle ait disparu depuis 4 ans, 6 mois et 22 jours !
De Weihong, appelée aussi Whitney, Shum est actuellement divorcé, mais pendant plus de 10 ans ils ont été époux et partenaires en affaires.

Tout porte à croire que l'ambitieuse Weihong a été enlevée par les autorités pour des raisons de corruption comme "tant de milliers de personnes sont happés dans la campagne anticorruption de Xi Jinping." En même temps qu'elle 2 cadres supérieurs et une assistante se sont volatilisés ce 5 septembre 2017.

Desmond Shum, qui a fait des études à Hong Kong et est diplômé en finances et comptabilité de l'université de Madison dans le Wisconsin, s'était spécialisé dans le courtage et a été promu directeur de la compagnie AsiaInfo, qui allait constituer l'épine dorsale de l'internet chinois, à Pékin à l'âge de seulement 29 ans.

C'est là qu'il a fait la connaissance en 2001 de "Madame la présidente Duan", en tailleur Chanel et muni d'un sac Hermès. Sa future épouse était à ce moment à la tête de la puissante société Great Ocean, active dans le domaine du matériel pour télécommunications.

C'est Xiao Duan (la petite Duan, bien qu'elle mesure 1,74 mètre, mais l'auteur en arrive lui à 1,95 mètre) qui a appris à son homme la règle de base pour avoir du succès en affaires en Chine et pour lequel il existe même un mot spécifique "guanxi" ou un réseau d'amis fidèles.
En d'autres termes, de bonnes connexions avec le système, soit le PCC, Parti Communiste Chinois.

Le "guanxi" de Weihong s'appelait Zhang Beili, surnommée "la reine du diamant" et l'épouse de Wen Jiabao, Premier ministre de 2003 à 2013 et dont la fortune est estimée à 2,7 milliards de dollars, selon le Monde du 26-10-2012.

Il est intéressant de lire comment le couple Shum-Weihong s'est débrouillé pour construire entre autres à Pékin le plus large terminal aéroportuaire du monde et un hôtel des plus exclusifs de Chine.
Pendant quasiment une décennie ils ont brassé des affaires dont les montants donnent le vertige.

Desmond Shum s'est félicité de l'ouverture de cette colossale nation après les épisodes historiques dramatiques en particulier du grand bond en avant et la révolution culturelle de Mao.
Il a espéré que cette évolution allait se poursuive et s'est engagé dans ce sens. À ce propos, il note : "Nous avions cru que notre richesse favoriserait le changement social, à tort".

L'accession de Xi Jinping à la tête du Parti communiste en novembre 2012 a cependant radicalement changé la donne. À tous les niveaux et dans tous les domaines (juridique, presse, relations extérieures... la mainmise sur Hong Kong par exemple) la ligne dure s'est abattu progressivement sur la Chine.

À première vue un observateur pourrait estimer que la lutte de Xi contre la corruption soit une bonne chose, selon Shum par contre il s'agit plutôt d'une manoeuvre en vue "d'enterrer des rivaux potentiels que de faire cesser les malversations".
Machiavel se serait senti chez lui dans la Chine de Xi Jinping.

Dans quelle mesure la nouvelle situation a eu des répercussions néfastes sur le couple est difficile à déterminer. Toujours est-il que Weihong et Shum se sont séparés et que ce dernier s'est installé en 2015 en Angleterre avec leur fils Ariston (né en 2009).

Coup de théâtre : le 5 septembre 2021, 2 jours avant le lancement de l'ouvrage sous rubrique à Londres et New York, dans une communication téléphonique Weihong dissuade son ex-mari de procéder à cette publication en évoquant "le prix à payer dès lors que l'on provoque l'État chinois" !

Ai-je besoin de souligner la valeur révélatrice de ce témoignage honnête sur un pays où "les règles sont intentionnellement floues, changent constamment et sont toujours antidatées" et où les tribunaux sont "un instrument de contrôle aux mains du Parti" ?